Journal paroissial L’ARCHE DE
NOé
n° 7
Extrait du recueil de partitions du Temps de l'Avent
Aperçu théologique du Temps de l'Avent.
Chaque année,
l'Avent ouvre un nouveau cycle liturgique, une nouvelle année ecclésiastique.
L'Avent, du latin adventus, venue, avènement, est l'uvre de l'Eglise
des Gaules ; Rome n'a fait que l'accepter et l'Orient ne le connaît
point. Au IXème siècle en effet, les Grecs commençaient
le " Carême de Noël" le 15 novembre, mais rien dans la
vie liturgique de ces quarante jours n'impliquait une prépara-tion
quelconque à la fête de la Nativité.
De nos jours l'Avent ne comprend que quatre semaines dans l'Eglise Rome : Cette période est égale-ment assez courte dans les rites slave et byzantin et ne revêt pas la même importance qu'en Occi-dent. Dans le rite des Gaules au contraire, l'Eglise prépare croyants pendant six semaines à la seconde et glorieuse venue du Christ, mystérieusement liée avec sa première et humble venue sur la terre, fêtée à Noël.
L'Avent n'est pas seulement la préparation à cette fête de Noël considérée comme le souvenir de la naissance du Seigneur, il est plus que cela : il est d'abord la préparation d'un autre Noël, intérieur à chaque croyant et il est ensuite les prémices du second Noël qui est la grande espérance religieuse et humaine du monde : le retour du Seigneur glorifié, prélude à la transfiguration du siècle, de la terre, et de toute créature. Durant ce temps, cette immense espérance et cette attente du Seigneur pren-nent une place dans le cur du croyant et préparent le Noël intérieur. Monseigneur Irénée Winnaert rappelle que l'Eglise relit les prophètes, elle chante : " répandez, ô cieux, votre rosée... Venez, divin Messie ".
Il y a comme un appel profond qui prépare les routes et dispose les
curs à Le recevoir. Pendant cette période, la prière
chrétienne pourrait se résumer par ces mots qui nous purifient
et nous en-flamment : " Viens, Seigneur Jésus, viens ! "
(Antienne du psaume cosmique, Vêpres du deuxième dimanche). Le
Christ était déjà auprès de nous et en nous, mais
une grâce spéciale de venue du Sei-gneur nous permet de prendre
une conscience plus vive et toute nouvelle de cette présence.
" Celui qui vient " est le Sauveur, le Roi, le Messie libérateur. Pour nous rendre capables de Le rece-voir, pour Le faire naître en nous et dans le monde, il faut abandonner notre volonté propre pour nous mettre dans une disposition intérieure d'obéissance. Il est nécessaire aussi d'acquérir quatre vertus essentielles : le discernement, le détachement inséparable de l'humilité, garde des pensées et l'amour-charité.
Le discernement permet de voir clairement où se trouve la véritable réalité par rapport à l'illusion ; il permet de prendre conscience de l'échelle valeurs et du sens de la vie, qui est étroitement liée au Dieu vivant. La vie est en effet une occasion de services : quiconque veut la garder égoïstement la perd, alors que celui qui consent à la perdre, la retrouve.
Le détachement est engendré par le discernement. Quand on a vu clairement le but à atteindre, on comprend qu'il faut élaguer l'accessoire et se dépouiller de tout ce qui n'est pas les valeurs profondes. Il existe dans ce domaine une tentation subtile, celle de " se complaire en soi-même ", celle de s'em-parer de l'idéal qu'on a commencé à servir, pour le soumettre à la satisfaction personnelle cachée sous les apparences du détachement et même du sacrifice. Eviter ce piège exige de la part du chré-tien un effort violent, un véritable esprit d'abnégation, de courage et d'humilité. Prenons ici modèle sur saint Jean-Baptiste, Précurseur du Christ.
La garde des pensées est le nouvel effort qui vient s'ajouter aux deux premiers. Ce travail intérieur consiste à labourer notre âme pour dominer et diriger les émotions, repousser la tendance morbide à la tristesse et au découragement, et trouver la joie intérieure, stable et confiante qui est liée à la foi. Plus qu'un autre, le Temps de l'Avent invite à l'allégresse, comme le chante l'office byzantin: " Nous Te disons avec gratitude : Tu as tout rempli de joie en venant sauver le monde ". Dans ce travail sur nous-même, il s'agit de discipliner les pensées pour les orienter sans cesse vers le bien.
L'amour-charité
est la dernière condition pour la naissance du Christ dans nos âmes,
condition sans laquelle toutes les autres sont inopérantes. Plutôt
qu'un sentiment, il est d'abord la résolution ferme, la volonté
d'être réellement " un " avec Dieu et par suite "
un " avec tous. Cette union intime et joyeuse qui fait de tous les hommes
les membres d'un même corps, animés d'un même esprit, nous
conduira alors à un véritable amour du prochain. Voyant en tous
le Christ vivant, nous aurons en toute vérité mal aux souffrances
des autres et nous chercherons par tous les moyens possibles le bien commun.
Cet amour débordera même les limites de l'humanité, puisque
la création toute entière est le corps du Christ. Il nous fera
éprouver un jour notre identité essentielle avec l'univers.
Ce jour-là, le Christ naîtra en nous en vérité,
nous connaîtrons sa présence et ce sera le Noël intérieur.
Celui qui vient est aussi la " lumière qui éclaire tout
homme venant en ce monde " (Jean 1.9). Dans le monde physique, la naissance
du Christ coïncide avec la victoire la lumière sur les ténèbres
: à par-tir de Noël, les jours grandissent à nouveau. De
même, nos ténèbres intérieures vont être
dissipées par l'irruption de Celui qui est " la lumière
du monde " (antienne du psaume cosmique des Vêpres du premier dimanche)
et le " soleil de justice ".
L'Avent dans la liturgie byzantine tend surtout vers l'Epiphanie unie avec la Théophanie, toutes deux " fêtes des lumières ", alors que dans le rite occidental, il célèbre surtout comme fête de l 'lncarnation du Verbe dans la chair. Depuis le Moyen-Age en effet, les chrétiens occidentaux se sont attachés plus particulièrement à l'adoration du petit enfant couché dans la crèche. La piété populaire s'est concen-trée sur l'humanité du Christ plus que sur l'Epiphanie, la Théophanie ou les noces de Cana, qui sont dans le Temps de Noël les autres manifestations du Christ comme Fils de Dieu.
Pourtant, dans son génie liturgique, Monseigneur Jean de Saint-Denis a souligné l'importance de la fête de la Théophanie en ajoutant la phrase : " Fais-nous voir aussi Ta sainte Théophanie " tout à la fin de la prière clôturale des Vêpres du 24 décembre, vigile de Noël.
En agissant ainsi, il a montré que la Nativité du Sauveur tend
vers la fête de la Théophanie, qui est à Noël ce
que la Pentecôte est à Pâques.
Comme dit plus haut, L'Avent a aussi une signification eschatologique importante, en tant que prémices du " second Noël " ou second Avènement. Inspiré par l'Apocalypse d'où il tiré nombre de textes, le rite des Gaules aime exalter le Christ comme le commencement et la fin, l'alpha et l'oméga. C'est une qualité de la liturgie gallicane que l'on pourrait appeler la vision divino-historique, ou la pénétration de l'éternel dans le temporel.
L'Avent ouvre donc l'année liturgique par l'attente de la première et de la seconde venue du Christ, qui est le premier et le dernier. Surtout par les textes du premier dimanche, l'Eglise prépare les croyants à ses deux Avènements : sa naissance humaine de la Vierge Marie, et son dernier Avènement à la fin des temps " où Il reviendra en gloire juger les vivants et les morts " (Credo).
L'appel de l'Eglise est d'une pathétique progression: " Dieu vient de loin - Il vient et ne tardera pas - Il vient, II est proche - Le voici - Dieu avec nous - Emmanuel. Et la clôture de l'année liturgique, le dernier dimanche après Pentecôte, tend la main en quelque sorte au premier dimanche de l'Avent, en programmant le même Evangile du Jugement dernier qui achève le cycle annuel des célébrations du Verbe incarné. Ce mouvement à travers le temps, cette double attente, sont caractéristiques des occidentaux, et particulièrement de celui de l'ancienne Gaule.
Durant toute cette
période, les chants des offices préparent les fidèles
à l'approche croissante du Messie, En voici deux exemples, une antienne
du début l'Avent (psaume cosmique des Vêpres du premier dimanche)
: " Lumière du monde, Messie, Verbe incarné, Epoux de l'Eglise,
nous attendons ta venue, alleluia ! " et une antienne de la fin (psaume
132, vêpres du septième Nom divin, " Ô Emmanuel ")
: " Il est proche, Il est parmi nous, Il a choisi la Vierge, Dieu devient
homme pour être avec nous. "