«
Originaire de Haute Egypte, Véréna vécut au quatrième
siècle.
Patronne
de Zurzach, son histoire est associée à celle de la Légion
Thébaine, martyrisée en Suisse.
Elle détient, en Suisse Alémanique, une place comparable
à celle de Sainte Ursule en pays du Rhin, de Sainte Odile en
Alsace, de Sainte Brigitte en Suède ou de Sainte Geneviève
à Paris » (1)
Selon
les sources les plus anciennes disponibles (2),
elle était la fille unique d'une famille connue de Thèbes.
Ses
parents la confièrent à un évêque du nom
de Chaeremon qui la baptisa et veilla ensuite à son instruction
religieuse et à son éducation.
Après le décès de l'évêque au cours
des persécutions de Dèce perpétrées contre
les Chrétiens, elle partit avec d'autres coreligionnaires vers
la Basse-Egypte pour rejoindre ses proches parents dans la légion
thébaine nouvellement recrutée qui avait pour chef Maurice,
sous l'empereur Dioclétien (284-305) et son co-empereur Maximien.
Comme
chez les Coptes les liens familiaux sont traditionnellement extrêmement
forts, il était d'usage de voir les principaux officiers accompagnés
de leur proche parenté féminine qui leur prodiguait paix
et aide morale (3).
C'est ainsi que Véréna rejoignit la légion
thébaine qui fut envoyée en Europe comme renfort pour
la défense de la route militaire stratégique qui part
de la Ligurie, traverse les Alpes, longe les fleuves Aar et le Rhin
jusqu'à Bonn et Cologne.
Véréna fut d'abord confiée aux soins d'un homme
pieux du nom de Maximus qui habitait Milan.
Elle y passa plusieurs années à fréquenter les
lieux de martyre des différents saints.
Lorsqu'elle apprit le martyre de ses proches parents Maurice, Victor
et leurs frères thébains, elle suivit leurs pas, traversa
les Alpes, arriva à Agaunum (aujourd'hui Martigny), poursuivit
ensuite sa route au delà du fleuve Aar pour arriver près
du fort de Salodurum (aujourd'hui Soleure), où elle séjourna
chez un fugitif thébain, passant nuit et jour à prier,
à jeûner et à louer Dieu (4).
Dans son grand désir d'être sauvée, elle se retira
peu après dans une grotte et y mena une vie austère, toute
d'ascèse, en vue de sauver son âme.
Là, elle vécut du revenu de menus travaux manuels, qu'une
vieille voisine chrétienne se chargeait de vendre pour elle.
Au nom du Seigneur, elle pouvait accomplir beaucoup de miracles, guérir
les possédés, et rendre la vue aux aveugles.
Ceci eut pour conséquence la conversion d'un grand nombre d'Alamans
au christianisme, et la réputation de Véréna se
répandit rapidement dans toute la région.
Elle était considérée comme la mère de ces
filles auxquelles elle a, avec zèle, consacré une grande
partie de sa vie, leur donnant une éducation chrétienne
authentique, et suscitant en elles un comportement irréprochable
sur tous les plans.
Après une brève arrestation qui ne dura que quelques jours,
au cours de laquelle Saint Maurice lui apparut pour l'encourager à
persévérer dans la vraie foi. Elle fut relâchée
à la demande du gouverneur romain qu'elle avait pu guérir
miraculeusement.
A cause de sa grande popularité, elle décida d'échapper
au monde et quitta sa cellule de Soleure.
Elle suivit le cours du fleuve Aar et élut domicile sur une petite
île au confluent de l'Aar et du Rhin.
Elle la délivra miraculeusement des serpents qui la peuplaient
et continua à soigner les malades et à guérir les
aveugles et les boiteux.
Après un certain temps, elle arriva à Tenedo (Zurzach),
où elle reçut la tâche de s'occuper de la paroisse
de l'église locale qui était consacrée à
la Mère de Dieu.
En outre, elle continuait à aider les pauvres et à soigner
les lépreux du voisinage qu'elle avait l'habitude de laver et
de frictionner tous les jours.
Cette générosité suscita la jalousie de ses compagnes
qui tentèrent insidieusement de la discréditer aux yeux
du prêtre, et de le persuader qu'elle était une personne
peu digne de sa confiance, qui dilapidait et dérobait ses provisions.
Pour ce faire, elles lui tendirent un piège et la surprirent
en train de porter du pain et du vin aux lépreux.
En leur présence, le vin se changea sur-le-champ en eau ce qui
démontra l'innocence de ses intentions.
A son retour, elle demanda au curé de mettre à sa disposition
une petite cellule où elle pourrait passer le restant de ses
jours en ermite.
Là, elle mena sept années de vie très austère,
et guérissait les paralysés et les aveugles qui venaient
lui demander aide.
Le jour de son départ pour le ciel, la Mère de Dieu lui
apparut avec l'annonce d'éternelles réjouissances.
Le corps de la sainte est enchâssé dans la crypte de l'église
érigée à cet endroit et qui depuis lors a toujours
été considérée comme un des lieux de pélerinage
parmi les plus vénérés en Europe centrale.
C'est là aussi que fut érigé le premier monastère
du canton de l'Aargau.
Confirmation et vérification par les sources coptes
Des
sources coptes, du début du IVème siècle, ont largement
contribué à vérifier l'authenticité de cette
histoire et à confirmer certains détails particuliers
relatifs à l'Egypte qui avaient été rapportés
par d'anciennes sources locales d'Europe.
L'auteur de l'Histoire Ecclésiastique, Eusèbe de Césarée,
confirme dans son ouvrage sur l'histoire de l'Eglise copte l'existence
de l'évêque Chaeremon qui baptisa Véréna
et s'occupa de son éducation religieuse à l'époque
et au lieu donnés par les sources européennes.
Eusèbe
mentionne même le récit de la mort de l'évêque
Chaeremon lors des persécutions de Dèce, comme fait le
patriarche d'Alexandrie de l'époque, Dionysios, dans sa lettre
à l'évêque d'Antioche, Fabius.
En
outre, Chaeremon est un nom originaire de l'ancienne Egypte, qui signifie
« Fils d'Amon ».
Le
nom Véréna serait la forme copte du nom ptolémaïque
Bérénice, mais il pourrait aussi trouver son origine dans
l'ancienne Egypte, comme composé des mots coptes et anciens égyptiens
« vre » (fleur) et « ne » (la ville, Thèbes),
soit « La fleur de Thèbes ».
On
dirait aujourd'hui « La fleur de Louxor ».
La vénération de Sainte Véréna
Sainte
Véréna a été l'une des saintes les plus
vénérées et les plus populaires de la région.
Le
culte de Sainte Véréna atteignit un premier sommet au
Xème siècle, lorsque Zurzach devint le sanctuaire principal
d'Alemanie et de Souabe et l'un des lieux de pélerinage les plus
honorés de Suisse, Bourgogne, Alsace et Forêt-Noire.
Cette
importance apparaît aussi dans les nombreuses manifestations d'attachement
de la part des Habsbourg qui la considéraient comme l'un des
saints patrons de leur dynastie.
La Confédération Suisse fit également preuve d'une
grande considération à son égard lors de l'occupation
de l'Aargu (y compris Zurzach) en 1416.
Les Suisses confédérés continuèrent à
la vénérer comme la sainte patronne de l'Etat et lui firent
allégeance en l'implorant en leur faveur.
Parmi les lieux de pèlerinage très fréquentés
où l'on vénère la sainte figurent la grotte de
Véréna située entre Oberdorf et Fallern, près
de Soleure (Verena Schlucht), les chapelles de Sainte Véréna
à Coblence, à Herznach, à Kaminstall près
de Zug.
Bien
qu'il soit difficile d'en faire l'inventaire précis aujourd'hui,
leur nombre se serait élevé à au moins quatre-vingt
deux, dans les différents cantons.
On trouve aussi 14 églises ou chapelles qui portent son nom dans
le Wurtemberg, 11 dans la région de Baden, 3 en Bavière
et 2 dans la région de Hohenzollern.
On vénère les reliques de la sainte jusqu'à Helmersberg
en Prusse orientale et à Vienne (cathédrale de Saint-Etienne
ou Saint Stéphane).
« Une relique de Sainte Véréna, don du père-abbé
Mauritius Fürst de l'abbaye de Mariastein, est vénérée
à l'ermitage Saint Marc au
Revest-les-Eaux » (5)
« Si le culte de Véréna est très répandu
en Europe, ce n'est qu'à l'époque contemporaine qu'il
a commencé à se développer en Egypte : en 1986,
une partie des reliques de la sainte a été remise par
l'évêque du canton de Zurich à une délégation
copte pour être transférée en Egypte.
En 1989, une association intitulée « La Famille de Sainte
Véréna », dépendante du patriarcat copte
orthodoxe, a été créée en vue du service
spirituel, social et sanitaire des personnes les plus défavorisées
des quartiers populaires d'Egypte.
Le 22 février 1994, le pape Shénouda III a consacré
une église du complexe patriarcal d'Abba Rueiss au Caire à
saint Maurice et sainte Véréna. » (6)
Parmi les différentes représentations de Sainte Véréna,
la plus célèbre a toujours été celle où
l'on voit la sainte avec le double peigne dans sa main gauche et la
cruche dans sa main droite.
Elle
illustre ses activités charitables, pleines de zèle et
de dévotion, dans l'éducation des jeunes filles, l'aide
aux pauvres, la toilette des lépreux, etc. Cette représentation
de Sainte Véréna est aujourd'hui encore le motif des armes
de la ville de Stäfa, dans le canton de Zurich.
Le
double peigne assez particulier établit avec certitude l'ascendance
copte de la légion.
En effet, l'origine de ce double peigne, tout comme l'étymologie
des deux noms Chaeremon et Véréna, remonte non seulement
aux Coptes mais à l'Egypte ancienne.
Il est totalement identique à ceux que l'on trouve au Musée
Copte et au Musée Egyptien au Caire.
Dr. SAMIR F. GIRGIS voir
Dr Guirguis en compagnie de S.S. Shenouda III
Extrait de la « COPTIC ENCYCLOPEDIA »
(1)
N.D.L.R.
(2)Codex Rh. n°81, Bibliothèque centrale
de Zurich, V, pp.329-335 ; Codex n°257, Bibliothèque du Monastère
de Einsiedeln, pp. 407-414 ; Codex n°577, Bibliothèque du
Couvent de St. Gallen, Passionarum Novum, pp.559-562. Traduction allemande
de cette «Vita prior » dans l'ouvrage monumental de Adolf
Reinle, Die Heilige Verena von Zurzach, Basel 1948 ; également
dans Joseph Butler, Die thebaische Legion, Luzern 1951 ; traduction
anglaise par l'auteur du présent article.
(3) A propos de cette tradition concernant les femmes
coptes, voir Mourad Kamil, Coptic Egypt, Le Caire 1968, p.52 ; Aziz
S.Atyia, A History of Eastern Christianity, Londres 1968, p. 59.
(4) Vita prior, voir note (2)
(5) N.D.L.R.
(6) Le Monde Copte 29-31 p.330