Sainte
Véréna
(1er Septembre - 14 Septembre)
« Originaire de Haute Egypte, Véréna vécut au quatrième
siècle. Patronne de Zurzach, son histoire est associée à
celle de la Légion Thébaine, martyrisée en Suisse. Elle
détient, en Suisse Alémanique, une place comparable à
celle de Sainte Ursule en pays du Rhin, de Sainte Odile en Alsace, de Sainte
Brigitte en Suède ou de Sainte Geneviève à Paris »
(1)
Selon les sources les plus anciennes disponibles (2), elle était la
fille unique d'une famille connue de Thèbes. Ses parents la confièrent
à un évêque du nom de Chaeremon qui la baptisa et veilla
ensuite à son instruction religieuse et à son éducation.
Après le décès de l'évêque au cours des
persécutions de Dèce perpétrées contre les Chrétiens,
elle partit avec d'autres coreligionnaires vers la Basse-Egypte pour rejoindre
ses proches parents dans la légion thébaine nouvellement recrutée
qui avait pour chef Maurice, sous l'empereur Dioclétien (284-305) et
son co-empereur Maximien.
Comme chez les Coptes les liens familiaux sont traditionnellement extrêmement
forts, il était d'usage de voir les principaux officiers accompagnés
de leur proche parenté féminine qui leur prodiguait paix et
aide morale (3).
C'est ainsi que Véréna rejoignit la légion thébaine
qui fut envoyée en Europe comme renfort pour la défense de la
route militaire stratégique qui part de la Ligurie, traverse les Alpes,
longe les fleuves Aar et le Rhin jusqu'à Bonn et Cologne.
Véréna fut d'abord confiée aux soins d'un homme pieux
du nom de Maximus qui habitait Milan. Elle y passa plusieurs années
à fréquenter les lieux de martyre des différents saints.
Lorsqu'elle apprit le martyre de ses proches parents Maurice, Victor et leurs
frères thébains, elle suivit leurs pas, traversa les Alpes,
arriva à Agaunum (aujourd'hui Martigny), poursuivit ensuite sa route
au delà du fleuve Aar pour arriver près du fort de Salodurum
(aujourd'hui Soleure), où elle séjourna chez un fugitif thébain,
passant nuit et jour à prier, à jeûner et à louer
Dieu (4).
Dans son grand désir d'être sauvée, elle se retira peu
après dans une grotte et y mena une vie austère, toute d'ascèse,
en vue de sauver son âme. Là, elle vécut du revenu de
menus travaux manuels, qu'une vieille voisine chrétienne se chargeait
de vendre pour elle. Au nom du Seigneur, elle pouvait accomplir beaucoup de
miracles, guérir les possédés, et rendre la vue aux aveugles.
Ceci eut pour conséquence la conversion d'un grand nombre d'Alamans
au christianisme, et la réputation de Véréna se répandit
rapidement dans toute la région. Elle était considérée
comme la mère de ces filles auxquelles elle a, avec zèle, consacré
une grande partie de sa vie, leur donnant une éducation chrétienne
authentique, et suscitant en elles un comportement irréprochable sur
tous les plans.
Après une brève arrestation qui ne dura que quelques jours,
au cours de laquelle Saint Maurice lui apparut pour l'encourager à
persévérer dans la vraie foi. elle fut relâchée
à la demande du gouverneur romain qu'elle avait pu guérir miraculeusement.
A cause de sa grande popularité, elle décida d'échapper
au monde et quitta sa cellule de Soleure. Elle suivit le cours du fleuve Aar
et élut domicile sur une petite île au confluent de l'Aar et
du Rhin. Elle la délivra miraculeusement des serpents qui la peuplaient
et continua à soigner les malades et à guérir les aveugles
et les boiteux.
Après un certain temps, elle arriva à Tenedo (Zurzach), où
elle reçut la tâche de s'occuper de la paroisse de l'église
locale qui était consacrée à la Mère de Dieu.
En outre, elle continuait à aider les pauvres et à soigner les
lépreux du voisinage qu'elle avait l'habitude de laver et de frictionner
tous les jours.
Cette générosité suscita la jalousie de ses compagnes
qui tentèrent insidieusement de la discréditer aux yeux du prêtre,
et de le persuader qu'elle était une personne peu digne de sa confiance,
qui dilapidait et dérobait ses provisions. Pour ce faire, elles lui
tendirent un piège et la surprirent en train de porter du pain et du
vin aux lépreux. En leur présence, le vin se changea sur-le-champ
en eau ce qui démontra l'innocence de ses intentions. A son retour,
elle demanda au curé de mettre à sa disposition une petite cellule
où elle pourrait passer le restant de ses jours en ermite. Là,
elle mena sept années de vie très austère, et guérissait
les paralysés et les aveugles qui venaient lui demander aide.
Le jour de son départ pour le ciel, la Mère de Dieu lui apparut
avec l'annonce d'éternelles réjouissances.
Le corps de la sainte est enchâssé dans la crypte de l'église
érigée à cet endroit et qui depuis lors a toujours été
considérée comme un des lieux de pélerinage parmi les
plus vénérés en Europe centrale. C'est là aussi
que fut érigé le premier monastère du canton de l'Aargau.
Confirmation et vérification par les sources coptes
Des sources coptes, du début du IVème siècle, ont largement
contribué à vérifier l'authenticité de cette histoire
et à confirmer certains détails particuliers relatifs à
l'Egypte qui avaient été rapportés par d'anciennes sources
locales d'Europe.
L'auteur de l'Histoire Ecclésiastique, Eusèbe de Césarée,
confirme dans son ouvrage sur l'histoire de l'Eglise copte l'existence de
l'évêque Chaeremon qui baptisa Véréna et s'occupa
de son éducation religieuse à l'époque et au lieu donnés
par les sources européennes. Eusèbe mentionne même le
récit de la mort de l'évêque Chaeremon lors des persécutions
de Dèce, comme fait le patriarche d'Alexandrie de l'époque,
Dionysios, dans sa lettre à l'évêque d'Antioche, Fabius.
En outre, Chaeremon est un nom originaire de l'ancienne Egypte, qui signifie
« Fils d'Amon ».
Le nom Véréna serait la forme copte du nom ptolémaïque
Bérénice, mais il pourrait aussi trouver son origine dans l'ancienne
Egypte, comme composé des mots coptes et anciens égyptiens «
vre » (fleur) et « ne » (la ville, Thèbes), soit
« La fleur de Thèbes ». On dirait aujourd'hui « La
fleur de Louxor ».
La vénération de Sainte Véréna
Sainte Véréna a été l'une des saintes les plus
vénérées et les plus populaires de la région.
Le culte de Sainte Véréna atteignit un premier sommet au Xème
siècle, lorsque Zurzach devint le sanctuaire principal d'Alemanie et
de Souabe et l'un des lieux de pélerinage les plus honorés de
Suisse, Bourgogne, Alsace et Forêt-Noire.
Cette importance apparaît aussi dans les nombreuses manifestations d'attachement
de la part des Habsbourg qui la considéraient comme l'un des saints
patrons de leur dynastie.
La Confédération Suisse fit également preuve d'une grande
considération à son égard lors de l'occupation de l'Aargu
(y compris Zurzach) en 1416. Les Suisses confédérés continuèrent
à la vénérer comme la sainte patronne de l'Etat et lui
firent allégeance en l'implorant en leur faveur.
Parmi les lieux de pèlerinage très fréquentés
où l'on vénère la sainte figurent la grotte de Véréna
située entre Oberdorf et Fallern, près de Soleure (Verena Schlucht),
les chapelles de Sainte Véréna à Coblence, à Herznach,
à Kaminstall près de Zug.
Bien qu'il soit difficile d'en faire l'inventaire précis aujourd'hui,
leur nombre se serait élevé à au moins quatre-vingt deux,
dans les différents cantons.
On trouve aussi 14 églises ou chapelles qui portent son nom dans le
Wurtemberg, 11 dans la région de Baden, 3 en Bavière et 2 dans
la région de Hohenzollern.
On vénère les reliques de la sainte jusqu'à Helmersberg
en Prusse orientale et à Vienne (cathédrale de Saint-Etienne
ou Saint Stéphane).
« Une relique de Sainte Véréna, don du père-abbé
Mauritius Fürst de l'abbaye de Mariastein, est vénérée
à l'ermitage Saint Marc au Revest-les-Eaux » (5)
« Si le culte de Véréna est très répandu
en Europe, ce n'est qu'à l'époque contemporaine qu'il a commencé
à se développer en Egypte : en 1986, une partie des reliques
de la sainte a été remise par l'évêque du canton
de Zurich à une délégation copte pour être transférée
en Egypte. En 1989, une association intitulée « La Famille de
Sainte Véréna », dépendante du patriarcat copte
orthodoxe, a été créée en vue du service spirituel,
social et sanitaire des personnes les plus défavorisées des
quartiers populaires d'Egypte. Le 22 février 1994, le pape Shénouda
III a consacré une église du complexe patriarcal d'Abba Rueiss
au Caire à saint Maurice et sainte Véréna. » (6)
Parmi les différentes représentations de Sainte Véréna,
la plus célèbre a toujours été celle où
l'on voit la sainte avec le double peigne dans sa main gauche et la cruche
dans sa main droite. Elle illustre ses activités charitables, pleines
de zèle et de dévotion, dans l'éducation des jeunes filles,
l'aide aux pauvres, la toilette des lépreux, etc. Cette représentation
de Sainte Véréna est aujourd'hui encore le motif des armes de
la ville de Stäfa, dans le canton de Zurich.
Le double peigne assez particulier établit avec certitude l'ascendance
copte de la légion. En effet, l'origine de ce double peigne, tout comme
l'étymologie des deux noms Chaeremon et Véréna, remonte
non seulement aux Coptes mais à l'Egypte ancienne. Il est totalement
identique à ceux que l'on trouve au Musée Copte et au Musée
Egyptien au Caire.
Dr. SAMIR F. GIRGIS
Extrait de la « COPTIC ENCYCLOPEDIA »
(1) N.D.L.R.
(2) Codex Rh. n°81, Bibliothèque centrale de Zurich, V, pp.329-335
; Codex n°257, Bibliothèque du Monastère de Einsiedeln,
pp. 407-414 ; Codex n°577, Bibliothèque du Couvent de St. Gallen,
Passionarum Novum, pp.559-562. Traduction allemande de cette «Vita prior
» dans l'ouvrage monumental de Adolf Reinle, Die Heilige Verena von
Zurzach, Basel 1948 ; également dans Joseph Butler, Die thebaische
Legion, Luzern 1951 ; traduction anglaise par l'auteur du présent article.
(3) A propos de cette tradition concernant les femmes coptes, voir Mourad
Kamil, Coptic Egypt, Le Caire 1968, p.52 ; Aziz S.Atyia, A History of Eastern
Christianity, Londres 1968, p. 59.
(4) Vita prior, voir note (2)
(5) N.D.L.R.
(6) Le Monde Copte 29-31 p.330