LXXXV. - Prendre en haine, avec toute la sincérité du
coeur les causes du péché, voilà la condition première
pour se libérer de la jouissance créée par l'action
du péché. Telle est la plus intense des luttes que l'homme
ait à soutenir : elle constitue la pierre de touche de sa
liberté.
LXXXVI. - Toute joie est
suivie d'une souffrance ; toute souffrance endurée au nom de
Dieu est suivie d'une joie.
LXXXVII. - Aucune vertu
ne surpasse la pénitence ; celle-ci, en effet, n'atteint jamais
sa perfection ; elle convient à tous, aux pécheurs comme
aux justes, elle ne connaît point de limites dans son ascension,
parce que la perfection des plus parfaits n'est en réalité
qu'imperfection. Aussi, jusqu'à la mort, ne peut-on la déterminer
ni par le temps, ni par les oeuvres.
LXXXVIII. - Les passions
ressemblent à ces chiens qui fréquentent les halles
aux viandes ; une voix forte suffit à les mettre en fuite ;
mais si l'on oublie de les remarquer, les voici qui reprennent l'offensive,
tels des lions redoutables. Apprends à dompter le désir
dans l' oeuf.
LXXXIX. - Scrute toujours
tes pensées, et prie pour acquérir dans la vie le regard
qui voit la vérité. Alors s'ouvriront pour toi les fontaines
de la joie, et tu découvriras des affections plus douces que
le miel.
XC. - Prie Dieu de te faire
ressentir le désir de l'Esprit et l'ardeur pour l'obtenir.
XCI. - Une faible affliction
en vue de Dieu est supérieure à une grande oeuvre accomplie
sans affliction, parce que celle-ci quand elle est spontanée,
donne la preuve effective de la foi ; tandis que l'oeuvre de la quiétude
n'est que la résultante de l'ennui de l'âme.
XCII. - Ce que l'on accomplit
sans effort ne dépasse pas le mérite des gens du monde,
qui font l'aumône avec les biens extérieurs, sans rien
acquérir en eux-mêmes.
XCIII. - Qui se soumet
à Dieu est près de voir toutes choses se soumettre à
lui. Qui a su se connaître obtient la science de toutes choses,
car la connaissance de soi-même est la plénitude de la
science.
XCIV. - Les pensées,
pour employer une image, sont comparables à l'eau : tant qu'on
les contient de toutes parts, elles conservent un ordre régulier,
mais si on les laisse franchir tant soit peu la digue, elles dévastent
l'enceinte et occasionnent de grands ravages.
XCV. - Le craintif révèle
deux maux dont il souffre : l'attachement à son corps et la
faiblesse de sa foi. Le premier de ces maux est d'ailleurs un signe
d'incrédulité, car le dédaigner c'est témoigner
que de toute son âme on croit en Dieu et en la vie future.
XCVI. - J'ai clairement
compris que Dieu et ses anges se réjouissent quand nous sommes
dans la nécessité, tandis que le diable et ses sectateurs
sont heureux de notre quiétude.