ANNEE 2003 - NUMERO 3 |
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L'ENFANCE SPIRITUELLE L'Avent nous amène finalement à contempler ceux et celles qui, parce qu'ils étaient comme des petits enfants (Matth. 18, 3), participèrent au mystère de la naissance dans l'humanité du Verbe de Dieu. La liturgie nous fait lire l'Évangile de l'Annonciation et l'Évangile de la Visitation, c'est une invitation évidente à méditer les deux premiers chapitres de l'Évangile de saint Luc, qui forment l'Évangile de l'enfance. Et, lorsque notre cœur se sera familiarisé avec le groupe des êtres privilégiés au sein duquel s'accomplissent les dernières préparations, notre âme empruntera naturellement leur prière et chantera les deux cantiques inspirés par lesquels ils s'expriment : le Benedictus et le Magnificat. Ce serait pour nous le temps de « découvrir » le Benedictus, qui, fixé par l'Église à l'office de Laudes, paraît réservé à ceux qui chantent ou récitent l'Office divin. Le cantique de Zacharie est la plus belle des prières du matin. C'est le chant de louange au Seigneur, qui n'a jamais oublié l'alliance sainte conclue avec son peuple et réalise enfin sa promesse. C'est le chant qui salue l'oeuvre de la miséricordieuse tendresse de notre Dieu qui nous amènera d'en haut la visite du Soleil levant afin d'illuminer ceux qui se tiennent dans les ténèbres et l'ombre de la mort, afin de guider nos pas dans le chemin de la paix (Luc I, 78-79). Quant au Magnificat, s'il reste dans l'Église le chant d'action de grâces par excellence, nous pourrons mieux comprendre qu'il est la fleur parfaite en qui s'épanouit la prière de l'Ancien Testament. Et s'il exprime d'abord la réponse confiante et joyeuse de la créature privilégiée appelée à être la mère de Dieu et la mère des hommes, il dira, jusqu'à la fin des temps, la réponse confiante et joyeuse de l'humanité nouvelle. Aussi, la place de la Vierge Marie dans la liturgie de l'Avent est-elle royale. Il faudrait nous accoutumer à chanter les Psaumes de la liturgie dans la lumière du Magnificat. Le Psaume 24: Ad te levavi exprime cette confiance totale : Qu'il me soit fait selon ta parole (Luc I, 38). Et le Psaume 84 est déjà un psaume messianique. Nous supplions Yahweh de nous faire voir sa bonté et de nous accorder le salut; et le salut paraît déjà accordé La bonté et la vérité vont se rencontrer, la justice et la paix s'embrasseront, la vérité germera sur la terre, et la justice regardera du haut du ciel. Yahweh lui-même accordera tout bien, et notre terre donnera son fruit (Ps. 84, 11-14). Nous sommes introduits dans le mystère de cette « germination » divine, entrevue par Isaïe. Nous la chantons en prenant la création entière à témoin (Psaume 18 : Coeli marrant gloriam Dei). Car cette « disponibilité » est maintenant le fait de la création tout entière dans l'attente du grand renouvellement. Et en méditant le célèbre passage de l'Épître aux Romains (8, 14-26), nous commencerons d'entrevoir le sens chrétien de cette attente paradoxale, sollicitée entre les deux Avènements. Alors, devant les merveilles de Dieu, nous apprendrons de la Vierge Marie qu'il s'agit pour nous de les recueillir et de les garder dans notre coeur (Luc 2, 51). Le caractère simple de cette attente déjà comblée apparaîtra en pleine lumière dans la nuit de Noël. Dans beaucoup de régions, la messe de Minuit est précédée par le chant de la généalogie du Christ, qui figure en tête de l'Évangile de saint Matthieu. C'est une évocation de toute l'histoire humaine - avec ce qu'elle charrie de péchés et de failles - dans laquelle Dieu fait son entrée. Le Seigneur vient.: Le Seigneur m'a dit : tu es mon fils Il faut aux doctes de longs commentaires pour analyser les sens de cet aujourd'hui. Mais pour le croyant le sens est clair et quotidien. Chaque matin où Dieu le tire de son sommeil - et jusqu'au dernier matin de sa vie terrestre - il entre dans le mystère éternellement présent de l'Avènement absolu par lequel l'Amour l'engendre à la Vie. Et le dernier matin sera le commencement définitif du monde nouveau que chantait Péguy
Et Dieu lui-même jeune ensemble qu'éternel... Et le premier soleil sur le premier matin... » Sans doute, chacun, suivant l'âge de sa vie spirituelle, murmure avec un accent différent le Venez, Seigneur jésus (Apoc. 22, 20) qui termine le livre de la Révélation divine. Il suffit, pendant ce temps de l'Avent, de demander - en commençant de comprendre ce que cela signifie - « la grâce de dépasser les biens de la terre pour aimer ceux du ciel » Extrait et adaptation de « La Bible dans la liturgie » de Charles Burgard Ed.Casterman |