XIII. - Prends garde
de t'attacher à l'avidité par amour de la pauvreté
; en faisant l'aumône, ne lie point ton âme aux soucis frivoles
en prenant chez un frère ce que tu distribueras à un autre,
n'annihile point ton honneur devant Dieu en tombant sous la dépendance
des hommes pour te faire leur demandeur ; ne perds point la liberté
et la dignité de ton esprit dans la sollicitude des vanités
mondaines ; car le rang que tu dois occuper est plus élevé
que celui des miséricordieux ; je t'en prie, garde-toi de l'envie.
XIV.
- La vertu consiste en ce que l'esprit de l'homme n'est pas occupé
par le monde.
XV.
- En toute parole de l'Ecriture, recherche le sens qu'elle contient,
afin de pénétrer la profondeur de la pensée des
Saints. Ceux que guide la grâce perçoivent toujours une
sorte de rayon spirituel qui illumine les versets sacrés et permet
à l'esprit de distinguer les paroles extérieures des réflexions
profondes inspirées à la pensée de l'âme.
Celui qui lit ces versets, fertiles de sens, en négligeant de
les approfondir n'enrichit point son coeur ; en lui s'éteint
la force sainte qui, au contraire, communique à un coeur vraiment
compréhensif une saveur exquise. L'âme douée d'esprit,
reconnaissant la pensée pourvue d'une force spirituelle secrète,
en assimile avec ardeur le contenu. Tout homme ne peut être édifié
par les paroles spirituelles, au sein desquelles vit une grande puissance
mystérieuse. La parole céleste nécessite un coeur
détaché de la terre.
XVI.
- Une parole agissante n'est pas synonyme d'une parole ornée.
Même sans la connaissance des choses, la sagesse sait embellir
ses mots, et dire la vérité sans en connaître l'essence.
XVII.
- De même que l'eau représentée par un paysagiste
sur une muraille est incapable d'étancher la soif - de même
en est-il de la parole que l'action ne vient pas justifier.
XVIII.
- L'Ecriture ne nous a point expliqué les vérités
du siècle futur ; elle s'est contentée de nous enseigner
comment, dès ici-bas, nous pouvons en goûter les prémices.
Pour éveiller en nous le désir des biens de demain, elle
les a représentés sous des noms d'objets, toujours pour
nous pleins d'excellence et de délices ; mais en disant "
l'oeil n'a point vu, ni l'oreille entendu", etc..., elle nous montre
leur caractère inconcevable pour notre esprit, incompatible avec
les biens de la terre.
XIX.
- La précision des noms est instituée pour les objets
d'ici-bas ; mais ceux du siècle futur sont exempts d'appellation
véritable ; la simple connaissance qui s'y attache dépasse
tout principe de forme, toute image, toute couleur, toute figure, tout
mot que l'invention pourrait créer.
XX.
- Le jour de la résurrection est pour nous, tant que nous sommes
limités par la chair et par le sang, un de ces mystères
des hautes vérités qui dépasse l'entendement. En
ce monde, il n'est point de huitième jour, ni de sabbat au sens
propre du mot. Car celui qui a dit: " Dieu s'est reposé
au septième jour" (Gen. 2, 2 ), a signifié le repos
terminant cette vie. Pendant six jours s'accomplissent tous les actes
de l'existence par l'observation des commandements ; le septième
se passe tout entier au tombeau, et le huitième -au sortir du
tombeau.
XXI.
- Sois ton propre persécuteur, et ton ennemi sera chassé
par ton approche. Réconcilie-toi avec toi-même, et le ciel
et la terre se réconcilieront avec toi. Pénètre
profondément en toi-même, fuyant le péché
: tu y trouveras la voie de l'élévation.
XXII.
- Il n'est point de péché non pardonné, hormis
le péché non repenti.
XXIII.
- N'est pas chaste celui qui, au milieu du labeur, en pleine lutte intérieure,
prétend que les pensées obscènes l'abandonnent,
mais celui qui par la sincérité de son coeur atteint la
chasteté dans la contemplation de l'esprit, de telle manière
qu'il ne prête plus attention aux pensées licencieuses.
XXIV.
- N'est pas ami de la vertu celui qui lutte pour faire le bien, mais
celui qui avec joie accepte les maux destinés à en résulter.