père
MATTA EL MASKINE (Matthieu le pauvre)
père
spirituel du Monastère de Saint Macaire
Méfie toi de la tension de la volonté.
Elle
pourrait te jeter dans le tourbillon de l'effort personnel centré
sur soi.
Quand
la volonté s'active et s'enthousiasme, attache-la immédiatement
à l'obéissance au Seigneur afin qu'elle ne fasse rien
de son propre chef.
Rejette tout sentiment de responsabilité personnelle vis à
vis du succès ou de l'échec et transforme-le immédiatement
en un sentiment de responsabilité vis à vis de la seule
poursuite de l'effort dans la fidélité.
Ne recherche pas l'aide manifeste des puissances invisibles, car le
Christ ne te laisse manquer de rien.
Il
s'est porté garant des besoins et des exigences de ta route.
Que
sa force te suffise.
Que
tes efforts s'appuient sur elle.
Et si
tu reçois les aides et les consolations d'en haut , sois heureux
et réjouis-toi, mais n'en fais pas la condition dont dépend
ton effort, afin que ta marche n'en soit pas perturbée ni ne
s'arrête.
L'effort et la contrainte volontaire ne sont pas destinés à
obtenir quelque chose pour soi, à renforcer la volonté
ou à affronter l'ennemi.
Ils
sont là au contraire pour se dépouiller de soi, pour confier
sa volonté, pour se réfugier en Christ au lieu d'affronter
l'ennemi.
Dans la mesure où tu t'appuies sur ta propre volonté,
tu perds le sentiment d'être aidé par Dieu.
Et dans
la mesure où il te suffit de livrer ta volonté avec une
soumission sereine et une persévérance résolue
pour accepter le plan de Dieu, tu acquiers le sentiment certain que
Dieu uvre en toi, qu'il t'aide et qu'il te prend en charge.
Ne suspends pas ton effort et ne cesse pas de te contraindre à
obéir aux commandements de Dieu, quels que soient tes échecs,
et quelles que soient tes épreuves, car derrière ton âme
défaite se tient le Christ avec, dans ses mains, le trophée
de l'effort.
Tu n'es
pas responsable de la réussite, mais tu es responsable de l'effort.
Notre combat et notre contrainte volontaire, même pratiqués
avec droiture, sont incapables en soi, de nous faire progresser vers
la justice ou de nous rapprocher de Dieu, mais leur seul objectif est
de nous séparer de notre moi et de nous détacher de la
vie de péché et d'insoumission.
Quand
à la justice, Dieu nous l'offre gratuitement ; et l'intimité
avec Dieu, c'est le Christ lui-même qui s'en charge.
Il est
une vérité que nous ne devrions pas perdre de vue, c'est
que, lorsqu'on compte sur soi et sur sa volonté propre, on ne
se doute pas que son combat est centré sur le moi.
On ne
réalise pas que sa confiance ne s'appuie pas sur Dieu et l'on
va son chemin accroché à soi-même, trébuchant
d'une ornière à l'autre, maudissant et blâmant son
peu de volonté, rassemblant ses efforts volontaristes pour un
surcroît de marches et de défaillances, de tristesse et
de détresse, en continuant à se figurer que l'on s'appuie
sur Dieu et que l'on n'a confiance qu'en lui.
La vérité
est tout autre.
Le
fait de progresser dans la vie de soumission à la volonté
de Dieu, ne saurait comporter le moindre blâme vis à vis
du peu de volonté considéré comme responsable de
la chute et du faux pas.
La chute
et les trébuchements ne proviennent pas de la faiblesse de la
volonté, mais au contraire de sa force et de son ingérence
; cela est évident du fait que la victoire et le salut ne proviennent
pas de la force de la volonté, mais de sa disparition derrière
la grâce.
Quand
la volonté disparaît derrière la grâce, l'homme
se renforce, surmonte, vainc, se contrôle, réussit, progresse.
Mais
quand la volonté se réveille, envahit les situations,
se révolte et devient intransigeante, alors la chute et les faux
pas sont inévitables.
La chute
dévoile la prédominance de la volonté et de son
activité, et sa présomption vis à vis de la grâce.
Quand
nous blâmons notre peu de volonté, et que nous sommes déprimés
dès que nous trébuchons, cela veut dire que nous confessons
que nous cheminons selon notre volonté propre et non dans la
soumission à Dieu.
Et quand
après la chute, nous essayons de rassembler et de renforcer notre
volonté, c'est comme si nous nous préparions à
subir un autre échec, plus fort encore, et insistions à
rendre la volonté responsable de notre cheminement spirituel.
Mais
si nous souhaitons éviter les faux pas, les péchés
et les chutes, il ne faut pas blâmer notre volonté, et
l'inciter aux efforts volontaristes, il nous faut plutôt lui donner
moins d'importance et ne plus compter sur elle, la soumettant et la
confiant énergiquement et définitivement à Dieu.
Cela
n'est possible qu'en privilégiant l'écoute de Dieu à
l'écoute du moi, et en contraignant la volonté à
accomplir les commandements de Dieu quels que soient les dommages et
les humiliations, et à supporter dans la soumission les fatigues,
les difficultés, la longueur des offices et des veilles, pour
adhérer aux enseignements des Pères et à leurs
ordonnances, jusqu'à ce qu'enfin elle s'incline et refuse son
autorité propre et se soumette à celle de l'Esprit-Saint,
et qu'elle commence ainsi à s'éclipser derrière
la grâce.
C'est
alors que l'homme reçoit le succès spirituel.
Toute
sollicitude à l'égard du moi est une tentative de l'ennemi
de réveiller la volonté propre et ses désirs particuliers.
Tous
les faux pas que nous endurons dans notre cheminement manifestent une
même cause : notre refus de remettre totalement notre volonté
à Dieu : ils trahissent par conséquent notre manque de
confiance.
Nos
faux pas nous incitent donc à revoir l'authenticité de
cet abandon de notre volonté et de la progression de notre confiance
en Dieu.
Ils
soulignent la nécessité du refus de la volonté
propre qui nous entraîne à accomplir nos désirs,
et la nécessité de la conversion permanente dans le calme,
la patience et l'endurance.
Il faut
savoir que les tristesses exagérées et déprimantes
auxquelles l'homme s'abandonne après avoir péché
ou trébuché, ne sont que les manifestations d'un orgueil
blessé, d'une haute considération de soi et d'une estime
présomptueuse de sa volonté, qui font que l'on considère
la chute indigne de la haute idée qu'on se fait de soi et de
la force de sa volonté.
On
cherche alors à s'attirer les consolations et les encouragements
trompeurs des gens ou du père spirituel, pour panser les blessures
de son orgueil blessé.
La position
saine de l'homme vis à vis de la chute, c'est l'aveu de la faute,
le recours immédiat à la conversion, ainsi que la poursuite
de l'effort assidu en vue de parfaire l'abandon de sa volonté
propre et la soumission de son âme au Seigneur .
Extrait
de L'expérience
de Dieu dans la vie de prière par le Père Matta El
Maskine
(Spiritualité
Orientale, n° 71-Abbaye de Bellefontaine)