Sa
Sainteté est né sous le nom de Nazir Gayed le 3 août
1923 dans une famille chrétienne pieuse en Egypte.
Sa
mère morte en couche, il grandit privé de la tendresse
maternelle et fait ses premiers pas dans son village natal près
d'Assiout en Haute Egypte, entouré de sept frères et
surs sous la houlette de son père, propriétaire
terrien.
A
cette époque l'Egypte est occupé par l'Angleterre et
il s'y développe un patriotisme d'affirmation de l'identité
nationale qui implique l'union sacrée entre Chrétiens
et Musulmans.
Mais
en même temps la société vit des conflits difficiles
et même l'Eglise voit s'opposer les représentants des
laïcs au clergé. Ces conflits auront une grande influence
sur l'attitude du futur patriarche.
Dès
l'âge de 16 ans Nazir est très actif dans le mouvement
de l'école du dimanche, dont la tâche est de donner une
éducation chrétienne aux enfants et aux familles au
sein de l'église orthodoxe copte.
Ce
mouvement de l'école du dimanche est d'une grande importance
dans la vie de l'Eglise Copte car en son sein les aînés
s'occupent des plus jeunes et cela à la fois unit fortement
les générations entre elles mais aussi responsabilise
spirituellement très tôt les jeunes.
Durant
son adolescence Nazir étudie beaucoup la poésie et écrit
lui-même des poèmes.
La
revue de l'Ecole du Dimanche les publiera.
Il
apprend par cur des milliers de vers de la poésie arabe
de toutes les époques et notamment de la poésie mystique
soufie.
J'étais
amoureux de la poésie, dit-il, je me rappelle encore jusqu'à
ce jour les citations du livre de poésie arabe ancienne que
je consultais régulièrement dans ma jeunesse.
Lors
de sa vie universitaire, il devient rédacteur en chef de la
revue de l'Ecole du Dimanche et c'est pour lui, encore aujourd'hui,
une " fierté " d'être membre du Syndicat
des Journalistes.
Après
un diplôme d'histoire à l'université du Caire
en 1947, il entreprend des études de sciences sociales et d'anglais
dans une grande école du Caire et rejoint le Séminaire
de Théologie orthodoxe copte pour des cours du soir.
Au
bout de deux ans il y devient enseignant et poursuit en même
temps des études d'archéologie à l'Université.
Cette
grande activité intellectuelle d'étudiant, de professeur,
de poète et de journaliste n'empêchera pas, au contraire,
l'appel de Dieu car Nazir est à la fois un mystique et un intellectuel.
En
juillet 1954, Nazir Gayed répond à l'appel de la vie
monastique et choisit la solitude du désert égyptien
au monastère de la Vierge dit des Syriens au désert
de Scété. Prenant comme exemple Saint Antoine le grand,
il portera son nom lors de son ordination à la prêtrise
devenant Abouna Antonios, Père Antoine.
En
1956 Père Antonios commence une vie complètement solitaire
dans la consécration à Dieu, la prière et le
jeûne. Il devient ermite et vit dans une grotte qu'il creuse
et aménage lui-même, donnant tout son temps à
Dieu dans l'étude et la prière, dormant sur une pierre,
vivant comme les premiers Pères du désert.
De
cette période qui dura six ans nous ne savons bien sûr
pas grand-chose, c'est le secret de son intimité avec son Seigneur.
Seuls quelques écrits bien postérieurs peuvent nous
permettre de nous rendre un peu compte de l'intensité de ses
moments là :
Qu'il
est beau de pouvoir se libérer ne fusse que pour quelques instants
au milieu de cette vie pleine de préoccupations pour pouvoir
s'isoler avec Dieu, pour méditer avec lui, pour prier et pour
tourner son cur vers le Seigneur !
En
septembre 1962, le Père Antonios est appelé au Caire
par le pape et patriarche d'Alexandrie Cyrille VI, lui-même
ancien ermite et il est consacré évêque sous le
nom de Shenouda, chargé de l'éducation chrétienne.
Dans
le même temps il devient le rédacteur-en-chef du magasine
El-Keraza, la publication officielle de l'église orthodoxe
copte, et président du Séminaire Théologique
Orthodoxe Copte.
Ce
dernier, sous sa conduite, triplera le nombre de ses étudiants.
Il devient donc responsable de la conduite spirituelle des jeunes
hommes et des jeunes femmes de l'Eglise et de la direction de l'éducation
chrétienne dans tous les diocèses de l'Egypte.
Il
organise l'enseignement mais il enseigne aussi lui-même beaucoup,
au Caire comme à Alexandrie. Cette responsabilité de
formation de la jeunesse sera un souci de toute sa vie car dit-il
une Eglise sans jeunesse est une Eglise sans futur.
Par
la suite d'ailleurs il va créer d'autres séminaires,
d'autres écoles de théologie, en Egypte d'abord mais
aussi plus tard en Angleterre, aux Etats-Unis et en Australie.
C'est
à cette époque et dans le même souci d'éducation
qu'il crée " le rendez-vous du mercredi ".
Ce
jour là il se rend à la cathédrale du Caire et
reçoit la communauté copte.
La
foule se presse autour de lui, aujourd'hui c'est 7000 personnes qui
viennent chaque mercredi. Après la prière le jeune évêque,
aujourd'hui le patriarche, répond aux questions posées
par les fidèles sur de petits papiers que la foule lui fait
parvenir de mains en mains. Elles sont de tous ordres: personnelles,
voire intimes, spirituelles, parfois politiques.
Avec
humour et discernement, il répond à tous pendant trois
quart d'heures et puis il enseigne pendant une demi-heure sur un thème
: Le temps liturgique du moment, la Bible, les obstacles sur le chemin
spirituel ou l'actualité sociale ou politique si cela est nécessaire.
Au-delà
de l'enseignement et de la communication, quiconque assiste à
ces réunions s'aperçoit qu'il s'agit d'un véritable
rendez-vous d'amour entre le clergé, le peuple et le patriarche
!
Le
14 Novembre 1971, il est élu par l'Eglise et la Grâce
divine 117ème pape d'Alexandrie et patriarche de la Prédication
de Saint Marc, succédant à Cyrille
VI .
Par
l'Eglise et par la Grâce Divine car après une élection
qui désigne trois candidats élus par un collège
composé du clergé et de représentant des laïcs,
c'est un enfant qui tire " au sort " le nom de l'élu,
permettant au Saint Esprit de s'exprimer.
C'est
en véritable leader spirituel que le nouveau patriarche va
conduire l'Eglise, donnant l'impulsion sur tous les fronts : les diocèses,
le monachisme, l'cuménisme, en Egypte et hors d'Egypte.
Pour
une plus grande proximité entre le peuple et les évêques
il va consacrer beaucoup d'évêques, divisant territorialement
les diocèses en deux ou en trois.
D'une
vingtaine le nombre des évêques passera à cent
vingt en vingt cinq ans. Il ordonnera lui-même plus de six cents
prêtres.
En
1974 il consacre un évêque occidental et son auxiliaire
pour la France.
Cela
aboutit en 1994 à la création de l'Eglise Orthodoxe
Copte Française.
Il
en est de même en Grande-Bretagne avec un évêque
anglais à la tête d'une Eglise des Iles Britanniques.
Le
Patriarche ne confond pas l'Evangile et la culture de l'Eglise copte.
Autant
il défend parmi les siens avec vigueur l'ancestrale culture
copte, autant il respecte la culture des autres peuples tant en Europe
qu'en Afrique noire où vont s'ouvrir de plus en plus de paroisses
sous sa responsabilité.
Dans
le reste de l'Europe, il y a actuellement plus de cinquante paroisses
et dix évêques égyptiens s'occupant de l'immigration
copte car celle-ci s'accélère pendant son pontificat
étant donné les conditions socio-politiques difficiles
que connaît l'Egypte.
Le
phénomène sera notamment très important aux Etats-Unis
et en Australie et le Pape Shenouda III entreprendra de nombreux voyages
pour s'occuper de ses ouailles en exil, car pour lui : l'Egypte n'est
pas une patrie dans laquelle nous vivons, mais une patrie qui vit
en nous.
En
dépit de ses nombreuses responsabilités, le Pape Shenouda
parvient habituellement à passer trois jours par semaine dans
son monastère car il est resté fondamentalement un moine
et prend le temps de nourrir sa vie monastique.
Cela
rappelle l'évêque russe Jean de San Francisco qui répondait
à ceux qui l'accusait de prendre trop de temps pour sa vie
spirituelle : je suis trop occupé pour ne pas prendre le temps
de prier.
Son
amour du monachisme a permis une véritable renaissance monastique
dans l'église orthodoxe copte.
Il
a reçu dans le monachisme des centaines de moines et moniales
qui ont rempli les monastères existants et il a rétabli
beaucoup de monastères et couvents qui avaient disparu depuis
des siècles.
Il
a établi aussi pour la première fois des monastères
coptes en dehors de l'Egypte.
Dans
les monastères, il a veillé à faire construire
des cellules et des bâtiments adaptés tant au XXème
siècle qu'à la Tradition.
A
côté des monastères il a ajouté partout
de vastes maisons d'accueil pour les laïcs, permettant à
ceux-ci de venir en grand nombre se ressourcer dans les monastères
et bénéficier de la guidance des moines.
Enfin,
il a ouvert pour la première fois dans l'Eglise copte la possibilité
d'un engagement à la fois religieux et social pour les femmes.
Dans
le monde chrétien, le pape Shenouda III est reconnu pour son
profond engagement au service de l'unité chrétienne.
Dès
1973, un an après son accession au Patriarcat il était
le premier pape orthodoxe copte en visite à Rome depuis le
passage de Saint Athanase il y a 1500 ans.
Le
pape Paul VI et lui ont alors signé une déclaration
commune dans laquelle ils ont exprimé leurs inquiétudes
mutuelles concernant l'unité de l'Eglise mais aussi affirmant
leur unité dans leur foi au Christ, annulant par là
quinze siècles d'incompréhension et de querelles christologiques.
Aussitôt
un Comité mixte de théologiens coptes et catholiques
a été formé pour continuer le dialogue.
Dans
le même esprit il a échangé des visites avec tous
les responsables des Eglises orthodoxes byzantines et multiplié
les dialogues. Il a également eu des dialogues avec diverses
églises protestantes.
Membre
du Conseil cuménique des Eglises, l'Eglise copte est
également membre du Conseil des Eglises du Moyen-Orient.
Dans
une adresse qu'il a donné à un forum oecuménique
pendant la semaine internationale de la prière en 1974, le
patriarche Shenouda déclarait : le monde chrétien tout
entier est impatient de voir l'église s'unir.
Les
chrétiens, étant dégoûtés des divisions,
poussent les chefs d'Eglise à faire quelque chose pour l'unité
de l'Eglise et je suis sûr que l'Esprit Saint nous inspire.
Ce
qui dans son esprit ne veut dire ni soumission, ni relativisme car
il a maintes fois souligné que l'unité chrétienne
doit être trouvée par l'unité de la foi et non
par une unité de juridiction.
Homme
de tolérance et de l'unité, Shenouda III l'a prouvé
tout au long de sa vie au sein même de son pays répétant
constamment : chrétiens et musulmans, nous pouvons construire
notre pays tous ensemble.
Dialogue
et fermeté à la fois, ce qui lui valut d'être
assigné à résidence par le président Sadate
pendant plusieurs années. En hommage à cette attitude
il a reçu en l'an 2000 le prix Unesco-Madanjeet Singh "
pour la promotion de la tolérance et de la non violence".
Lui
remettant cette distinction à Paris le directeur général
de l'Unesco Koïchiro Matsuura déclara : Si l'Egypte moderne
a été largement épargnée par les horreurs
de la violence entre communautés, elle le doit en grande partie
à la prévoyance, à la sagesse et à l'esprit
de tolérance de leader religieux de l'envergure de Shenouda
III.
Successivement
ou simultanément chef religieux, théologien, prédicateur,
journaliste, écrivain (Il est aussi l'auteur
de plus de cent livres sur une grande variété de sujets
dont la moitié a été traduite en anglais, français,
allemand, italien, etc.) poète, père spirituel, la personnalité
du pape Shenouda se présente à nous comme une véritable
mais harmonieuse arabesque.
Rigoureux
dans sa pensée, simple dans son expression, plein d'humour
le plus souvent, c'est une des grandes figures spirituelles de notre
époque, une figure très aimée par son peuple
et respectée par tous.