Isidore
fut pour ses contemporains un véritable Père de l’Eglise.
Né à Grania (1), c’est du moins l’opinion
la plus probable, il était apparenté aux patriarches
Théophile et Cyrille.
Son éducation fut l’objet des soins les plus éclairés
; il sut en profiter, excella dans les sciences humaines et divines,
devint très éloquent, brilla dans la philosophie et
occupa même une chaire de rhéteur.
Ses
écrits témoignent d’une très haute culture
d’esprit, et ne le cèdent en rien à ce que nous
a laissé de mieux son cousin, le patriarche Cyrille.
En
pleine jeunesse, il dit courageusement adieu au monde, renonça
à ses richesses, brisa sa carrière et se retira dans
les environs de Péluse (2) pour y embrasser la vie monastique.
De
là, il rayonna comme un phare éclatant sur l’Egypte
entière et même sur l’Orient.
Son
temps, entrecoupé de prières, fut consacré tout
entier à la composition d’ouvrages et à une immense
correspondance. Il écrivit plus de dix mille lettres (3), ce
fut son oeuvre de zèle ; par là, il ramenait les pécheurs
dans les sentiers de la vertu, confirmait les justes dans le bien,
réprimandait les obstinés et conseillait très
utilement les prêtres, les évêques, les empereurs
eux-mêmes.
Il prit ouvertement
le parti et la défense de St Jean Chrysostome sous l’épiscopat
de Théophile, loua ses ouvrages et surtout son Traité
du Sacerdoce, au risque d’encourir les foudres de l’irascible
patriarche.
Il fit près de St Cyrille, qui le regardait comme un père,
tout ce qui dépendait de lui pour qu’il l’inscrivit
comme saint dans les Dyptiques (4) sacrés.
Ses lettres étaient
très brèves, mais pleines de choses ; ce n’est
qu’en passant, et par manière de prétérition,
qu’il assène quelque coup sur les hérésies
de son temps : Zozime (5) est « un bipède nuisible
», Eustathe (6) et Eusèbe (7) sont « les
fardeaux qui oppressent la terre ».
En vrai disciple de St
Jean Chrysostome, il est tout entier à la correction des moeurs
; il ne cesse d’anathématiser le vice. C’est ce
qui explique les mille embûches qui lui furent tendues et la
haine qui, sa vie durant, n’a cessé de le poursuivre.
Dans ses lettres,
peu de citations des auteurs profanes, mais les textes de l’Ecriture
y abondent ; elles se terminent généralement par une
exhortation pressante : elles furent pour le savant Baronius (8) une
mine qu’il mit à large contribution pour la rédaction
de ses Annales.
Il eut pour principaux
correspondants les empereurs et le haut clergé.
De ce dernier
citons Hermogène, évêque de Rhinocolure, Abraham,
évêque d’Ostracine (9), Lampérius, de Casium
(10), Strategius, évêque d’Attibodos (11), Alipius,
évêque de Selles (12), tous cinq de la province Augustamnique
(13) ; Macaire, évêque de Métélys (14)
et Théopemptus, évêque de Cabase, avaient avec
lui un échange continuel de lettres, ainsi que Héraclidès,
évêque d’Héraclée en Arcadie (15)
et Evoption, évêque de Ptolémaïs (16) ; ces
augustes prélats prirent tous part au Concile d’Ephèse
(431).
A la mort de
Cyrille, l’opinion publique le réclamait pour le siège
patriarcal d’Alexandrie ; mais il déjoua les plans les
plus secrètement concertés ; il s’enfuit nuitamment
de son monastère et gagna le mont Phermé (17) dans les
solitudes de Scété, où il resta sourd à
tous les appels du clergé et du peuple ; on finit par faire
silence autour de lui.
Là, consacré
tout entier au service de Dieu, il s’adonna jour et nuit à
l’oraison et ne tarda pas à contracter une grave maladie
dont il mourut vers l’an 449.
d’après
Paul Cheneau, d’Orléans
Les Saints d’Egypte
Jérusalem Couvent des RR. PP. Franciscains 1923
Auteurs à
consulter :
- Ses propres lettres
- Photius, Cod. 228, 232. Bibliothèque du Droit Canonique
- Baronius (1538-1607) Annales, sparsim.
(1)
- Ne serait-ce pas Kom-el-Khariâna aux environs de Fayoum ?
(2) - Péluse, appelée par les Anciens Péromi,
c’est-à-dire village de boue. Elle était la clé
de l’Egypte. L’astronome Ptolémée y vit
le jour.
(3) - Il nous en reste deux mille douze, d’un style naturel
et élégant. (Migne, P.G., LXXVIII).
(4) - Le mot dyptiques provient de deux termes grecs : deux et pli,
et signifie deux tablettes, unies par des charnières et se
repliant l’une sur l’autre. Il désigne les registres
officiels où l’on inscrivait les noms des évêques,
des bienfaiteurs des églises, des fidèles se recommandant
aux prières, enfin des personnages élevés sur
les autels par la voix populaire ou la décision des évêques,
alors suffisantes pour la canonisation.
(5) - Prêtre de Péluse.
(6) - Evêque de Sébaste (350-380), donna dans l’hérésie
d’Arius.
(7) - Evêque de Césarée en Palestine (264-328),
écrivain écclésiastique et historien grec très
sincère. Il jouit de l’amitié de Constantin ,
mais versa malheureusement dans l’Arianisme. Son ignorance de
la langue latine le priva de nombreux matériaux qui lui étaient
indispensables pour mener à bien son « Histoire écclésiastique
» des commencements de l’Eglise à Licinius, le
beau frère de Constantin, empereur de 307 à 324 (Migne,
P.G., XIX-XXIV).
(8) - Ecrivain écclésiastique (1538-1607), succéda
à St Philippe de Néri comme supérieur de la Congrégation
de l’Oratoire, fut cardinal et bibliothécaire du Vatican.
Ses Annales forment le meilleur cours d’histoire écclésiastique
; elles se composent de 50 vol. in 4°.
(9) - Aujourd’hui Ouaradeh, entre Casium et Rhinocolure.
(10) - Sur les lagunes de Péluse. « Elle n’a pas
d’eau ; le corps du grand Pompée y est enterré
et Jupiter de Casium possède un temple » (Strabon XVI,
33). Adrien le visita.
(11) - Boutous, ville et lac du Delta. Hérodote se rendit en
pélerinage au temple de la déesse Outo.
(12) - Peut-être Phacuse ou Facous.
(13) - Cette province du diocèse d’Egypte au IVè
siècle allait de l’Arabie au Nil avec Péluse comme
capitale.
(14) - Appelée Fouah près de l’actuelle Rosette.
(15) - Province du diocèse d’Egypte dans l’empire
d’Orient, nommée ainsi par Théodose en l’honneur
de son fils Arcadius.
(16) - Ville de la Pentapole de Lybie avec Cyrène, Apollonie,
Hespéris et Tenchyra.
(17) - Cette montagne, simple plissement de terrain, se trouvait entre
Scété et Nitrie.