Le
dimanche 6 mai, en présence du Patriarche Shenouda III, a eu
lieu, dans la basilique Saint-Pierre, la célébration solennelle
du XVle centenaire de la mort de saint Athanase, évêque
d'Alexandrie (vers 295-373 ).
La
célébration de la messe a été suivie d'une
célébration commune au cours de laquelle Paul VI, répondant
au Patriarche Shenouda, lui a adressé l'allocution suivante (1):
TRÈS
CHER FRÈRE DANS LE CHRIST,
C'est
avec joie que nous vous saluons cordialement dans le Seigneur et que
nous vous souhaitons la bienvenue dans cette grande basilique consacrée
à l'apôtre Pierre, qui a témoigné jusqu'à
la mort de sa foi ardente dans le Fils incarné de Dieu, Jésus-Christ,
et que, avec saint Paul, nous vénérons, comme le fondateur
de l'Eglise de Rome.
Nous
saluons aussi. vos frères évêques; le cierge et
les laïcs qui représentent dignement toute la communauté
copte orthodoxe.
Nous
saluons en outre les deux vénérables évêques
de l'Eglise d'Ethiopie qui font partie de votre délégation.
Qu'ils
soient les bienvenus dans notre maison et dans nos coeurs.
Ce n'est
pas seulement en notre nom que nous vous parlons.
Autour
de nous, il y a nos frères de l'épiscopat catholique,
ainsi que des milliers de prêtres et de laïcs, réunis
ici auprès de la tombe de saint Pierre pour honorer un autre
grand témoin de la foi, Athanase d'Alexandrie.
En ce
jour solennel, l'Eglise de Rome salue l'Eglise d'Alexandrie par un geste
fraternel d'amour et de paix.
L'unité
d'Alexandrie et de Rome au temps de saint Athanase
Il y
a plus de mille six cents ans, le grand saint Athanase fut reçu
par notre prédécesseur Jules 1er, qui voyait en lui un
défenseur de la foi, en un moment où cette foi était
compromise, voire même niée, par des gens politiquement
plus forts que lui, mais plus faibles que lui dans la foi et la compréhension
de la foi.
L'Eglise
de Rome l'appuyait fermement.
Quant
à lui, il reconnaissait dans l'Eglise d'Occident une identité
de foi certaine, malgré quelques diversités dans le vocabulaire
ou dans la façon théologique d'approfondir le mystère
de Dieu Trinité.
Son
successeur Pierre a trouvé un soutien fraternel et un accueil
semblable auprès de notre prédécesseur Damase.
Un demi-siècle
après, les Eglises d'Alexandrie et de Rome, dans les personnes
de leurs évêques Cyrille et Célestin, apparurent
encore une fois comme un rayon de lumière lorsque la foi en Jésus-Christ,
Dieu fait homme, fut obscurcie par ceux qui refusaient de reconnaître
à la Sainte Mère de Dieu le titre glorieux de " Theotokos
".
Tels
furent nos pères, de grands docteurs de la, foi, des pasteurs
d'âmes. Humblement conscients de nos faiblesses, nous implorons
leur intercession afin que nous soit donnée la force de demeurer
fidèles à la vocation à laquelle Dieu nous a appelés.
Ce
qui nous unit
Vraiment,
Dieu nous a appelés à de grandes choses.
Il veut
en particulier que nous apportions au monde la foi, la réconciliation
et la paix qu'il nous donne.
Les
hommes, éloignés de Dieu et éloignés les
uns des autres, doivent être réconciliés par notre
humble ministère.
Cependant,
nous devons d'abord nous demander jusqu'à quel point nous sommes
capables de cela si nous, chrétiens, nous ne sommes pas réconciliés
entre nous.
La question
est importante pour nous. Par la grâce de Dieu, nous partageons
avec vous la foi dans le Dieu un, Père, Fils et Saint-Esprit.
Nous
professons que Jésus-Christ est le Fils de Dieu incarné
qui, pour nous et notre salut, est né de la Vierge Marie a souffert,
est mort et ressuscité.
Incorporés
à lui dans le baptême, nous partageons sa vie divine dans
les sacrements de son Eglise; nous ont été transmises
par nos Pères communs , notre vie liturgique, théologique,
spirituelle, et notre dévotion se nourrissent aux mêmes
sources même si elles s'expriment sous diverses formes légitimes.
Nous
sommes en particulier conscients que les principes de la vie spirituelle
qui proviennent des illustres Pères du désert égyptien,
à partir de saint Antoine, ont exercé une influence sur
tout le monde chrétien.
Nous
refusons d'avoir peur des obstacles
Nous
n'en devons pas moins reconnaître avec humilité et douleur
que dans l'histoire de nos Eglises il y eut d'âpres disputes sur
les formules doctrinales qui ont obscurci l'accord substantiel sur la
réalité que les paroles voulaient exprimer.
Des
méthodes étrangères à l'Evangile du Christ
ont parfois été employées par certains pour imposer
cet Evangile.
Des
arguments de caractère non seulement théologique, mais
culturel et politique, ont été utilisés pour justifier,
et aussi approfondir, une division qui n'aurait jamais dû exister.
Nous
ne pouvons pas ignorer ce triste héritage.
Nous
reconnaissons que nous devons faire beaucoup pour surmonter ses effets
néfastes. Nous sommes cependant décidés à
empêcher que ce triste héritage continue à influencer
nos rapports.
Nous
constatons un nouveau phénomène, dont notre rencontre
d'aujourd'hui constitue un témoignage éloquent. Dans la
fidélité mutuelle à notre même Seigneur,
nous redécouvrons les multiples liens qui nous unissent encore.
En réponse
à l'invitation fraternelle qui lui avait été adressée
par notre vénéré prédécesseur Jean
XXIII, votre prédécesseur d'heureuse mémoire, Cyrille
VI, a envoyé des observateurs à toutes les sessions
du IIe Concile du Vatican.
Ces
observateurs ont pu constater les efforts qui ont été
faits par cette grande assemblée pour promouvoir la réforme
et l'aggiornamento dans l'Eglise catholique.
Nous
sommes heureux de saluer deux d'entre eux, évêques de votre
Eglise, qui aujourd'hui sont revenus avec vous dans cette basilique.
En 1968,
nous nous sommes réjouis ensemble du retour à la vénérable
Eglise d'Alexandrie des reliques de saint Marc l'Evangéliste
qui étaient à Venise.
En 1969,
nous avons eu le plaisir d'accueillir un nombreux pèlerinage
composé d'ecclésiastiques et de laïcs de l'Eglise
copte orthodoxe.
Plus
récemment, nous avons envoyé une délégation
spéciale à l'intronisation solennelle de Votre Sainteté
comme Père et chef de votre Eglise.
Nous
reconnaissons dans ces événements des signes de Dieu.
C'est
maintenant l'instant favorable que le Seigneur nous accorde.
Nous
partageons avec Votre Sainteté la résolution d'en profiter,
en étant pleinement conscients qu'il existe encore des obstacles
d'ordre théologique, psychologique et institutionnel qui doivent
être surmontés.
Nous
ne le nions pas, mais nous refusons d'en avoir peur.
Le monde
chrétien d'autrefois, lorsqu'il était déchiré
par des dissensions et des schismes, n'a-t-il pas pu finalement reconnaître
la foi catholique authentique dans la foi prêchée ensemble
par Damase de Rome et par Pierre d'Alexandrie ?
Confiants
dans la grâce de Dieu et guidés par son Esprit, nous essaIerons
de surmonter les obstacles qui existent afin que nos Eglises puissent
encore une fois apporter au monde qui en a tant besoin un témoignage
chrétien plus parfait.
***
Vénérables
frères, nous nous sommes rencontrés en cette solennelle
et heureuse occasion où l'Eglise de Rome célèbre
le XVIe centenaire de la mort de saint Athanase, évêque
d'Alexandrie.
Il fut
un homme de foi constante, d'espérance optimiste! son coeur généreux
était ouvert, même à ses opposants. Parce qu'il
était constant dans sa foi, il pouvait espérer contre
toute espérance.
Et après
un exil amer, lorsque Dieu lui permit de retourner auprès de
son peuple, il ouvrit son coeur à tous les hommes, en recherchant
toujours la réconciliation et la paix qui nous ont été
données par Dieu dans son Fils incarné.
Qu'Athanase,
notre Père commun, intercède pour que nous puissions être
de plus fidèles serviteurs de Dieu dans son Eglise, et des pasteurs
plus efficaces de ceux pour qui le Christ nous a donné mission
de rompre le pain de son Corps et de sa Parole.
(1)Texte
italien dans l'Osservatore Romano des 7-8 mai 1973. Traduction et sous-titres
de la DG. Au cours de cette cérémonie, une relique de
saint Athanase a été remise au Patriarche Shenouda.