QU'EST
CE QUE LA TENTATION?
Soyons clairs: ne confondons pas l'épreuve et la tentation. L'épreuve
est liée à la souffrance, elle touche les trois dimensions
de notre être, aussi bien le physique que l'âme et l'esprit.
Il en va de même pour la tentation, alors qu'est-ce qui les distingue
?
Toute
souffrance est une épreuve, un déchirement initiatique,
même la tentation peut devenir une épreuve, c'est au sein
même de l'épreuve que Dieu éprouve, vérifie
ma foi et ma confiance en Son Amour. L'épreuve nous fait grandir,
la tentation veut nous démolir.
L'humanité
entière est dans l'épreuve depuis que nos premiers parents
se sont servis de « l'arbre de la connaissance du bien et du mal
», en écartant la lumière et la sagesse divine.
L'Homme ne peut, par ses propres moyens, distinguer la lumière
des ténèbres, c'est dans cette béance que se glisse
la tentation. Mais ce n'est pas Dieu qui nous soumet à la tentation
Que
nul, s'il est tenté ne dise: c'est Dieu qui me tente (Jc
1,13).
Dieu
ne veut jamais le mal. Il l'a en «horreur» nous dit la Bible,
mais Il accepte que nous soyons tentés parce qu'Il nous a créés
libres, Il nous respecte dans cette
liberté et Il tirera le bien du mal en nous donnant tous les
moyens pour résister et nous libérer si nous nous tournons
vers Lui.
Dans
ma détresse, c'est au Seigneur que je crie et Il m'exauce
Seigneur délivre-moi de la lèvre mensongère et
de la langue trompeuse (Ps 120,1-2).
Même
si nous sommes tombés dans la plus terrible des tentations, si
nous en prenons conscience et revenons vers Lui, Il se tourne vers nous
comme pour l'enfant prodigue
Des
profondeurs je crie vers Toi Seigneur Seigneur écoute mon appel
Que ton oreille se fasse attentive Aux cris de ma prière Si tu
retiens les fautes Seigneur Qui donc subsistera ? Mais près de
Toi se trouve le pardon Je te crains et j'espère... (Ps
130).
Le
Christ a été tenté par Satan dans le désert,
c'est l'Esprit Saint qui l'y avait conduit, et la tentation de Jésus
est une pédagogie, une initiation divine: Dieu s'est incarné,
Il a pris sur Lui toute la faiblesse de l'humanité, comment pouvait-Il
échapper à la tentation alors que c'est l' accordance
avec la tentation qui a failli anéantir l'humanité?
Mais
qui dit tentation dit Tentateur, c'est lui, qui dans le désert
propose au Christ les trois tentations responsables de l'adultère
d'Adam, l'Homme, avec son Créateur: la Jouissance, le Pouvoir,
l'Avoir. Quelle a été la réponse du Christ? Arrière
Satan, il est écrit. Dans sa propre tentation le Christ nous
apprend à résister à la tentation par l'obéissance,
la connaissance et la foi dans les commandements divins.
La
tentation, c'est la proposition de l'illusion de la vie, d'écarter
l'Homme de l'Unique vérité, de l'Unique chemin qui conduit
à la Vie. Cette Vie, c'est Lui, le Christ.
Hors
de moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15,5).
Le
Christ est l'Image du Dieu invisible, c'est cette Image qui est imprimée,
scellée en nous. La tentation veut conduire à la stérilisation
de l'Homme, à l'empêchement de sa réalisation qui
est sa divinisation, c'est-à-dire l'union de la conscience j
humaine et divine, de la volonté humaine et divine.
Si
le Christ n'est pas le Chemin, la Vérité et la Vie alors
notre vie n'a pas de sens, ni d'avenir, nous ne comprenons pas et surtout
ne pouvons assumer nos épreuves, nos difficultés, la souffrance,
la mort. Dieu nous a créés pour être heureux, donc
si Dieu ne nous comble pas, nous perdons l'écoute intérieure:
Viens, suis-Moi! et c'est la voix extérieure qui nous conduira
sur le chemin de la tentation. C'est la même voix qui a tenté
Adam, qui a tenté Jésus dans le désert, qui nous
dit aujourd'hui:
Je
te donnerai toute cette puissance et toute la gloire de ces royaumes,
car elle m'a été livrée, et je la donne à
qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à
toi (Le 4,6-7).
En
résumé : «Viens, suis-moi, je suis la clef du
bonheur.» C'est ainsi que des jeunes et des non jeunes, des
hommes comme des femmes, de toutes les couches de la société
se font leurrer par une certaine astrologie, voyance, magie qui, sous
le couvert de la révélation d'un superbe avenir, ne cherchent
qu'à éloigner de Dieu, donc conduire à la mort
intérieure.
La
plus grande tentation c'est de perpétuer et de céder,
comme Adam, à la tentation d'exister sans Dieu, c'est-à-dire
d'agir selon nos propres concepts; c'est pourquoi nous sommes une humanité
dédoublée, nous portons tour à tour un visage d'ange,
ou le masque de la bête. Nous pouvons raviver la flamme de l'amour
et grandir dans la ressemblance ou bien approvisionner le feu de la
géhenne et nous enfoncer dans la dissemblance, perdre notre visage
humain.
Ce
qui détruit surtout le monde ce n'est pas d'abord l'athéisme
qui ne connaît pas Dieu, mais toutes les formes de religiosités
qui prennent la place de Dieu et nous amènent à confondre
l'épreuve avec la tentation, donc à croire que Dieu permet
la tentation.
Affirmons
à nouveau: ce n'est pas Dieu qui permet la tentation, notre Dieu
n'est pas sadique, Il est Amour et Miséricorde, c'est Lui-même
qui nous l'a dit et prouvé en son Fils
Car du fait qu'Il a souffert lui-même quand Il fut tenté,
Il peut secourir ceux
qui sont tentés (He 2,18).
C'est
ainsi que le Christ est entré ouvertement en lutte contre le
Malin au profit de la race humaine. Le Christ porte en Lui une double
dynamique : le mouvement du Père qui descend dans l'humanité
en s'incarnant dans le Fils au souffle de l'Esprit, et le mouvement
de retour vers le Père qui passe par la souffrance de la Croix,
afin d'élever vers le Père l'humanité retenue par
le Malin.
Le
Malin a tenté Adam, il a aussi tenté le Christ sur la
Croix. Il a tenté de pousser le Seigneur Jésus jusqu'au
désespoir:
Mon
Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? (Mc 15,34).
Jésus
est descendu au plus profond de l'épreuve que l'homme peut subir,
car dans l'enfer de l'épreuve se niche la tentation : renier
Dieu ! C'est dans cet enfer que le Christ a définitivement vaincu
le Tentateur: ce n'est pas à ce dernier mais à son Père
qu'Il remet son Esprit:
Père,
entre tes mains, je remets mon esprit (Lc
23,46).
Et
c'est dans le Souffle Saint qu'Il nous ouvre la voie de la libération:
Gardez courage! J'ai vaincu le monde (Jn 16,33). C'est-à-dire
le Prince de ce monde: le Malin.
Mais
demeurons vigilants car nous ne sommes pas libérés de
la tentation, sans cesse le Malin nous cherche, car il s'agit d'une
affaire de vie ou de mort, suivre le Christ ou suivre Satan. Qui est
mon Maître? Cependant le Malin ne peut rien si nous ne sommes
pas complices.
La
tentation peut revêtir mille facettes donnant les moyens d'acquérir
le soi-disant bonheur après lequel soupire tout Homme: nous revêtir
d'un semblant d'existence, ou de combler nos manques par les possessions
du monde. Mais toutes ces joies ne sont pas durables: buée des
buées, vanité des vanités dit l'Ecclésiaste.
De même, sous le couvert des bonnes actions, nous pouvons nourrir
notre vaine gloire, là encore il ne restera rien, car personne,
ni rien ne m'appartient. Plus encore, nous pouvons être tentés
dans nos instincts de violence et nous détruire, ou porter la
guerre dans le monde.
Si
nous ne demeurons pas dans la prière et l'écoute de la
voix divine, nous succomberons à la tentation. Nous ne sommes
pas responsables des pensées de tentation que nous suggère
le Malin, mais nous sommes libres de consentir ou de refuser.
ÊTRE
TENTÉ CE N'EST PAS SUCCOMBER
Nous
ne sommes pas libérés de la tentation, mais le Christ
a vaincu le Tentateur, cependant Dieu nous a créés libres,
son Amour respecte mes décisions. Si je le décide, Dieu
ne s'opposera pas à mon désir d'obéir au Démon,
si c'est mon choix. Ne Lui demandons pas d'agir à notre place,
nous pouvons être des marionnettes dans les mains de Satan, mais
pour Dieu nous ne sommes pas des robots.
Adam
a transmis à l'humanité le fruit de sa trahison et c'est
la voix satanique qui l'a séduit lui et « Isha »,
l'autre côté de lui-même, le féminin de son
être. Depuis nous sommes des êtres déséquilibrés,
nous ne vivons plus dans le Jardin d'Eden, le Jardin des délices,
c'est-à-dire notre profondeur. Nous avons perdu notre unité,
nous sommes en déséquilibre : notre dimension psycho-biologique
et notre vie spirituelle qui constituent notre structure humaine ne
sont plus en harmonie
Car
la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair: ils sont
opposés l'un à l'autre de sorte que ce que vous voulez,
vous ne le faites pas
(Ga 5,17).
Comprenons
bien le mécanisme anthropologique : si notre âme, notre
psyché, vit dans l'esprit, c'est-à-dire dans l'écoute
et la prière, elle est illuminée par l'Esprit Saint et
spiritualise notre corps de chair; si au contraire, elle se détourne
de l'esprit, elle opacifie le corps de ses propres ténèbres
et tombe, comme Jésus l'a dit, dans la tentation.
Les
conséquences de notre consentement à la tentation sont
mortelles car derrière la tentation se cache le Prince de la
mort: le Tentateur. C'est pourquoi Jésus nous confie à
Son Père : « Garde-nous de consentir, de succomber
à la tentation. » Seuls, nous sommes trop faibles,
trop aveugles pour discerner, pour résister, parce que nous ne
sommes pas encore accomplis. Qui d'autre que Dieu peut avoir raison
du Tentateur?
Que
le ciel nous préserve de croire que Dieu puisse nous tenter (Tertullien,
IIIe s.).
Parce
que Dieu est Amour il ne peut nous tenter, car l'accord à la
tentation conduit à la mort; c'est ce que le Créateur
a expliqué à nos premiers parents en leur interdisant
de toucher à l'Arbre de la connaissance duquel ils n'étaient
pas encore prêts de s'approcher, parce qu'ils n'étaient
pas assez éveillés à la Sagesse divine. «
Abba Père qui es aux Cieux, garde-nous de consentir à
la tentation, et même si nous sommes tombés ne nous laisse
pas nous enfoncer dans le gouffre, ne nous laisse pas périr.
» C'est dans ce cri que Dieu éprouve notre foi et notre
amour, et que la tentation devient un passage qui se convertit en épreuve.
Lorsque
nous crions vers Dieu et que nous vivons dans le « Shema Israël
», Dieu répond toujours à nos prières, peut
être pas comme nous le souhaiterions, mais si notre foi est sincère,
la lumière du Christ illuminera nos ténèbres. Les
martyres de tous les temps, de tous les âges témoignent
de cette réalité. L'expérience de la tentation-épreuve
est une traversée du désert, un pèlerinage vers
la Terre Promise: la profondeur de notre être. C'est une étape
de mutation qui veut approfondir notre union avec Dieu, un lâcher-prise
qui permet à Dieu en nous d'être Dieu, donc de nous donner
la grâce de naître encore davantage à nous-mêmes.
Heureux
l'homme, celui qui supporte l'épreuve! Devenu un homme éprouvé,
il recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui l'aiment
(Jc 1,12).
Judas
a sombré, il a confondu la tentation avec l'épreuve. Lorsqu'il
a pris conscience de sa trahison, il est entré dans l'horreur
de la culpabilité. Il a confondu le péché avec
la culpabilité. Celui qui reconnaît son péché
crie vers Dieu, celui qui se sent coupable se juge lui-même. C'est
insupportable pour Judas mais c'est l'occasion pour le Tentateur de
chercher à le séparer à jamais de Jésus,
en d'autres mots : «Sors de cette vie, suis-moi.»
Job
au contraire n'a pas laissé le dernier mot à Satan, pourtant
il s'est tellement senti éprouvé par Dieu, c'était
un homme bon et juste, et il le savait, il aurait pu renier Dieu comme
sa femme le lui avait suggéré, mais
Les jours de peine se sont abattus sur moi...
Je ne suis plus que poussière et cendre...
Tu ne me réponds pas, O Dieu, quand je t'appelle... Je me tiens
là et tu ne me regardes pas (Jb 30,19).
Job
ne se détourne pas, certes il discute avec Dieu, se justifie,
questionne, et Dieu répond. Job découvre que le Dieu qu'il
couvre de reproches n'est pas le vrai Dieu. Et lorsque Job se tait et
laisse la parole à Dieu, son écoute et son regard retrouvent
leur intériorité : Adonaï peut alors se manifester.
Mon
oreille avait entendu parler de toi, Mais maintenant mon oeil t'a vu
(Jb 42,5).
C'est
en assumant l'enfer de la souffrance que Job mute et expérimente
la Présence divine au sein même de l'inacceptable, et c'est
le passage de la mort à la vie accomplie par le Christ sur la
Croix
Tout
est accompli (Jn 19,30).
Sur
la Croix, Jésus est suspendu entre Ciel et terre, c'est là
qu'Il relie le Ciel avec la terre, qu'Il réconcilie l'humanité
avec le Père céleste, avec Abba, notre Père qui
est aux Cieux. Par la Passion du Christ, le Sacrifice de Sa chair sur
la Croix, la puissance de la tentation est vaincue, notre nature humaine
est délivrée de l'asservissement au Tentateur. Par la
glorieuse Résurrection du Christ jusque dans Sa chair, notre
nature humaine est délivrée de la corruption et de la
mort, et:
Si
la nature recherche l'immortalité depuis les origines, elle ne
l'a atteinte plus tard, que dans le Corps du Sauveur, car c'est Lui
qui, ressuscité d'entre les morts pour la vie immortelle, est
devenu le guide de notre race vers l'immortalité! (saint
Nicolas Cabasilas, XVe).
Hallelou-Yah
!
Alors,
comment comprendre la dernière supplique du « Notre Père
» Mais délivre-nous du Malin?
Nous
essaierons de nous approcher de la réalité de cette demande
dans le prochain «Chemin».
http://www.centre-bethanie.org