ANTÉCÉDENTS
D'icône
égyptienne a-t-elle ou non des antécédents ?
Cette
question controversée a été abondamment débattue
par les historiens de l'art copte (1).
On
connaît bien sûr l'existence de portraits de l'époque
gréco-romaine en Egypte, dont l'influence sur la naissance des
icônes chrétiennes est très probable.
En
ce qui concerne les célèbres portraits
du Fayoum, leur lien avec l'icône est encore à l'étude;
on peut, quoi qu'il en soit, reconnaître des éléments
communs: position frontale, hiératisme, grands yeux écarquillés
au regard direct; par leur technique - peinture à l'encaustique
(cire chaude ou froide) ou à la détrempe (médium
soluble dans l'eau) sur plaquettes de bois, palette de couleurs (blanc,
ocre jaune, rouge terre, noir), et parfois dorure à la feuille,
ils anticipent directement l'icône (2). 
En
revanche, leur usage funéraire et leur caractère réaliste
les éloignent de celle-ci.
Qu'en
est-il d'éventuelles origines puisées dans l'Egypte ancienne?
On
assiste actuellement à d'étranges revirements d'opinions:
dans un premier temps, les «inventeurs» occidentaux de l'art
copte, et en premier lieu le Père du Bourguet, ont immédiatement
saisi une communauté d'âme et parfois de forme entre l'art
copte et l'art des anciens Egyptiens : L'Egypte copte bénéficie
de l'atavisme pharaonique axé sur la fusion du symbolique dans
le réaliste (3); (l'optique copte), pour le sacré ou le
« sacral » sait diffracter à sa façon, dans
l'héritage pharaonique, la lumière chrétienne (4);
parallèlement à la mise en valeur, en Occident, de l'art
copte et de sa filiation égyptienne, les chrétiens d'Egypte,
pris dans le mouvement nationaliste nassérien du milieu du siècle,
ont redécouvert leur propre patrimoine artistique et se sont
efforcés d'une part de le préserver et de l'étudier,
d'autre part de le faire revivre : l'école iconographique d'Isaac
Fanous, dont nous reparlerons, est le témoin de ce renouveau
artistique, fondé sur un double mouvement qui consiste à
revenir aux sources de l'art copte y compris, bien sûr, dans l'Égypte
pharaonique et, à partir de ce terreau auquel viennent s'incorporer
les acquis de deux mille ans d'art sacré chrétien, à
s'efforcer de créer un art copte pleinement égyptien et
résolument contemporain (5).
Tandis
que les artistes coptes développent actuellement cette tendance,
il semble en revanche être de bon ton, chez certains spécialistes
occidentaux, de faire marche arrière (6), et de nier pratiquement
l'existence de tout lien profond entre l'art copte et celui de l'Egypte
ancienne: on ne peut s'empêcher de voir dans cette attitude une
forme de réaction face au mouvement néo-copte, dont il
convient de prendre le contre-pied systématique, ce qui permet
de maintenir, d'une certaine façon, la « mainmise »
occidentale sur l'analyse du patrimoine culturel égyptien. Certains
poussent la sollicitude jusqu'à craindre que cet « égyptocentrisme
» des artistes coptes ne nuise aux délicates relations
entre chrétiens et musulmans (7).
C'est
mal connaître la communauté égyptienne, qui intègre
et respecte d'autant mieux sa composante copte que celle-ci ose s'affirmer
en tant qu'élément fondamental de la culture égyptienne
(8).
Nous
pouvons rester en dehors de cette polémique en constatant simplement
que la question des influences doit nécessairement être
abordée dans sa complexité et ne peut certainement pas
être tranchée par des choix trop exclusifs, dans un sens
comme dans l'autre; on sait, par de multiples preuves, que la civilisation
pharaonique ne s'est pas éteinte brutalement et que les envahisseurs
successifs ont «habité» la culture existante: les
Romains, comme les Grecs avant eux, eurent à coeur d'établir
une sorte de concordance entre leurs propres dieux et ceux des Egyptiens;
ainsi naquit un panthéon riche et varié (...): Isis,
allaitant parfois l'enfant Horus, Horus-Harpocrate, Harpocrate cavalier,
Athéna (...) et divers dieux, souvent orientaux, revêtus
de l'habit militaire (9).
Il faut donc tenir compte de ces périodes de syncrétisme
à travers lesquelles les thèmes de l'Egypte pharaonique,
remaniés, ont peut-être été transmis à
l'Egypte chrétienne; toutefois, de nombreux témoignages
dans la peinture et l'art attestent l'existence d'un art chrétien
en Egypte antérieur au Ve siècle (Bagaouât, Kellia,
catacombes d'Alexandrie) (...), et il est tout à fait invraisemblable
que les siècles de présence grecque et romaine aient totalement
fait disparaître les thèmes et techniques ancestraux: le
fait, largement attesté, que les chrétiens d'Egypte aient
utilisé les temples pharaoniques comme lieux de culte prouvent
qu'ils étaient en contact avec l'architecture, la sculpture et
la peinture des anciens Egyptiens.
On
trouve sur les colonnes et murs de plusieurs temples des peintures effectuées
par les chrétiens : cette coutume est donc déjà
un «héritage» pharaonique directement observable
chez les Coptes.
Plusieurs millénaires d'un art aussi puissant que celui des Pharaons
ne peuvent pas ne pas avoir laissé de traces : si les cultes
s'éteignent, les artistes et leurs procédés demeurent
dans les mémoires. On n'oublie pas si vite ruses et formules
d'ateliers, jalousement transmises de génération en génération
(10) .
On
peut donc établir de nombreux parallèles et même,
osons le mot, des filiations entre l'art pharaonique et l'iconographie
copte.
Nous
ne retiendrons ici que quelques éléments qui nous paraissent
fondamentaux ou simplement intéressants.
Concernant
l'essence même de l'icône, voici ce qu'en dit l'iconographe
Georges
Drobot: La démarche de la pensée iconophile s'inspire
plutôt de Plotin (que de Platon).
En
effet, Plotin fait l'éloge des Egyptiens qui, selon lui, pour
désigner les choses avec sagesse, n'usent pas de lettres dessinées
qui se développent en discours et propositions... ils dessinent
des images... ils les gravent dans les temples... chaque signe gravé
est donc une science, une sagesse, une chose réelle, saisie d'un
seul coup, et non (une suite de pensée comme) un raisonnement
ou une délibération. Car le Principe suprême (l'Un)
« est ineffable », et « l'unique approche possible
reste la vision » (11).
Cette
analyse est intéressante, car elle rapproche l'icône de
la langue sacrée par excellence, les hiéroglyphes, qui
permettaient de communiquer avec le divin; de même, l'icône
est un langage sacré, l'iconographe est littéralement
« celui qui écrit une image » : il s'agit d'une écriture
possédant une grammaire qui appartient aux registres artistique,
théologique et dogmatique (12).
Comme
les hiéroglyphes, l'icône est un symbole efficace: écrire
une icône est donc un acte hautement religieux.
La
civilisation de l'Egypte ancienne était structurée par
l'image centrale du Pharaon, sorte de médiateur entre l'humain
et le divin; selon J. Ascott, les chrétiens d'Egypte auraient
substitué à l'image de «Pharaon triomphant»
le Christ Pantocrator, trônant dans sa gloire et régnant
sur le cosmos (13), et sous l'autorité duquel ils se plaçaient
désormais: n'oublions pas que les chrétiens en Egypte
ont été presque constamment, pendant deux millénaires,
confrontés aux autorités temporelles du pays: Romains,
Byzantins chalcédoniens puis domination musulmane.
Seul
le recours à une autorité divine, non temporelle et cependant
proche parce qu'incarnée, a permis à certains d'entre
eux de maintenir leur différence en dépit des oppositions.
D'autres
thèmes ont été repris et transposés de l'Egypte
pharaonique à l'Egypte chrétienne : la croix de vie (ankh)
en est le plus indiscutable; les recherches actuelles sur l'origine
de l'iconographie de la Vierge allaitant le Christ semblent confirmer
qu'il s'agit d'un thème égyptien, c'est-à-dire
d'une reprise, sublimée, de la représentation d'Isis
allaitant Horus (14).
De
même, la représentation de saint Michel portant une balance
ne peut manquer d'évoquer la pesée du coeur par Anubis
dans le Livre des morts de l'Egypte ancienne. De nombreux autres thèmes
sont comparables et mériteraient chacun une sérieuse étude
individuelle qui permettrait peut-être d'établir la «
carte » des influences de l'art pharaonique sur l'art copte.
Un
autre aspect intéressant du rapport pouvant exister entre l'Egypte
ancienne et l'Eglise copte apparaît au niveau des rites; J. Ascott
a longuement développé cette recherche, établissant
un lien de parenté profond, par exemple, entre la façon
dont les anciens Egyptiens vénéraient la statue du dieu
et celle dont les Coptes vénèrent le pain eucharistique
(corban)
ou les icônes et, d'une façon générale, pratiquent
leur religion : les Egyptiens célèbrent leur foi dans
une expression physique, concrète, dramatique et rituelle, qui
implique la totalité de la personne, corps, âme et esprit,
et qui est l'expression commune de tout le peuple, à travers
une célébration liturgique solennelle et majestueuse (15).
En
ce qui concerne par exemple les rites du Vendredi saint autour de l'icône
du Christ en croix, vénérée toute la journée,
puis « ensevelie » et embaumée, il est certain qu'ils
rappellent inévitablement les « mystères d'Osiris
» - ceux-ci pouvant être considérés comme
une préfiguration imparfaite du mystère de la Résurrection.
Avant
de quitter ce sujet des antécédents possibles de l'icône
en Egypte ancienne, il nous semble important de mentionner, même
brièvement, les sarcophages ou les masques funéraires
de l'Egypte pharaonique, qui, sous plusieurs aspects, préfigurent
déjà l'icône: la position figée, hiératique,
le visage paisible aux yeux immenses contemplant la splendeur de l'autre
monde, la palette de couleurs, l'importance de l'or, qui évoque
la lumière incréée et éternelle, sont autant
d'éléments qui seront repris et développés
dans l'iconographie chrétienne orientale. 
HISTOIRE
L'Egypte
fut, d'après la tradition, évangélisée dès
le premier siècle par saint Marc; on sait que sa christianisation,
amorcée dans les milieux juifs d'Alexandrie, fut très
rapide (16); l'art se christianisa progressivement et connut plusieurs
siècles de syncrétisme.
Dès
le me siècle pourtant, nous l'avons vu, des peintures chrétiennes
apparaissent dans les nécropoles de Bagaouât (oasis de
Kharga) (17) et d'Alexandrie, dans les maisons et sur les colonnes et
les murs des temples pharaoniques utilisés comme églises,
enfin dans les églises et surtout dans les monastères
qui fleurirent en Egypte dès le IVe siècle : le monastère
de Baouît en Moyenne Egypte et celui de Saint-Jérémie
à Sakkara, tous deux en activité entre le IVe et le Xlle
siècle environ, ont livré des trésors actuellement
répartis dans divers musées, en particulier au musée
copte du Caire et au Louvre ; les Kellia, les monastères du Ouadi-Natroun
et ceux de la Mer Rouge, Saint-Samuel à Assouan, etc. recèlent
aussi de nombreuses peintures murales de diverses époques (18).
Les
plus anciennes icônes égyptiennes connues datent, semble-t-il,
des Ve-VIIe siècles; Linda Langen en compte une vingtaine (19)
et Marguerite Rassart Debergh les commente, tout en insistant sur le
fait que nos connaissances dans ce domaine sont très lacunaires
(20).

L'exemple
le plus célèbre est au musée du Louvre: il s'agit
d'un panneau de bois carré de 57 cm de côté, représentant
le Christ passant son bras droit autour des épaules de l'abbé
Ména, probablement abbé du monastère de Baouît
où l'on a trouvé cette icône.
La
valeur artistique de cette icône, son originalité, le geste
de tendresse du Christ qui rappelle les représentations de l'Egypte
ancienne (21) ont en quelque sorte fait de ce panneau la pièce
maîtresse de l'art copte, sinon même un chef-d'oeuvre de
l'art universel (22).
On
a retrouvé très peu d'icônes égyptiennes
du Moyen Âge, entre le VIIe et le XVIIIe siècle. Pourtant,
les sources littéraires attestent l'existence et l'usage d'icônes
tout au long de l'histoire chrétienne en Egypte (23).
Plusieurs
hypothèses ont été avancées pour expliquer
cette immense lacune : une tradition selon laquelle les anciennes icônes
endommagées ont longtemps servi à alimenter le feu pour
la préparation du saint Chrême (Myron) utilisé pour
les onctions ; des actes de vandalisme - pillage et destruction des
lieux de cultes chrétiens - et des périodes d'iconoclasme
musulman, en particulier sous le calife ommeyade Yezid II, qui promulgua
en 721 un édit ordonnant la destruction immédiate de toutes
les peintures chrétiennes (24); au XIXe siècle c'est le
pape-patriarche d'Alexandrie Cyrille IV, appelé «le réformateur»,
qui, craignant que les fidèles ne confondent l'image et le prototype,
ordonna la destruction de nombreuses icônes (25).
Enfin,
certains chercheurs pensent que les Coptes ont caché leurs icônes
lors de persécutions (26).
Hélas,
à notre connaissance, aucune « cache » de ce type
n'a été retrouvée à ce jour...
Au
XVIIIe siècle, il existait en Egypte des ateliers d'iconographie
copte; les peintres les plus célèbres, dont les églises
d'Egypte contiennent de nombreuses oeuvres, furent un Copte, Ibrahim
el-Nasikh (le copiste), et un Arménien de Jérusalem, Yuhanna.
Ils
peignirent des centaines d'icônes, de triptyques et de porte-calices.
Ils demeurèrent les maîtres incontestés de l'iconographie
copte jusque vers 1780 (27).
Au
XIXe siècle, ce sont les icônes d'Anastase (Grec de Jérusalem)
et du Qumus Guirguis el Maqari qui sont les plus répandues.
Elles
témoignent qu'il existait au niveau de l'art de nombreux échanges
entre Coptes et Grecs.
Au
début du xxe siècle, l'art de l'icône disparut d'Egypte,
sous l'influence de l'Occident, dont les missionnaires catholiques introduisirent
des reproductions d'oeuvres pieuses de la Renaissance qui se substituèrent
totalement à l'iconographie locale: L'art de l'Eglise catholique
romaine, avec son réalisme et son sentimentalisme, ne pouvait
pas être plus éloigné de la tradition iconographique
copte.
En
s'occidentalisant, au cours des cent dernières années,
l'Egypte a occidentalisé son art: les principaux instituts d'enseignement
des arts, par exemple la Faculté des Beaux-Arts de Guiza, n'enseignent
aucun art traditionnel, ni musulman ni chrétien (28).
Les
missionnaires protestants, eux, «iconoclastes par définition»
prônaient l'absence totale d'images (29).
A
partir de 1950, un jeune peintre talentueux, Isaac Fanous, se consacra
entièrement à la renaissance d'une iconographie vraiment
égyptienne, enracinée dans l'art et la théologie
de son peuple et pourtant tournée vers l'avenir.
Il
fonda une école qui s'est développée et s'efforce
aujourd'hui de réintroduire en Egypte un véritable art
sacré copte, et en particulier de restaurer chez les chrétiens
orthodoxes d'Egypte le sens théologique de l'icône. Dans
l'élan de ce renouveau, d'autres artistes, qui ne se réclament
pas de l'école d'Isaac Fanous, commencent à chercher aussi
de leur côté de nouvelles formes d'expression religieuse
et profane « de style copte» (30).
CARACTÈRES
DE L'ICÔNE ÉGYPTIENNE
L'
Egypte chrétienne n'a pas connu de véritables «
canons », comme ce fut le cas de l'iconographie byzantine et russe.
J.
Ascott voit en cela l'une des richesses de l'iconographie égyptienne:
Les chrétiens orthodoxes d'Egypte n'étant pas tenus par
les mêmes règles iconographiques rigides que le reste du
monde orthodoxe, ils ont gardé une fraîcheur et une douceur
spontanées qui émanent directement de leur spiritualité
et de leur vision du monde, proche de celle de leurs ancêtres
pharaoniques (31).
On
est en effet frappé, en contemplant une icône égyptienne,
par la simplicité, la douceur et la joie qui s'en dégagent,
et qui confèrent à ces icônes un caractère
moins austère que celui des icônes byzantines et russes.
En
effet les icônes coptes ne représentent jamais la souffrance
ni l'angoisse, mais seulement la sérénité et la
paix glorieuse des enfants de Dieu, victorieux du mal: Bien que l'Eglise
d'Egypte ait souffert, plus que tout autre, des persécutions
accompagnées d'effroyables tortures avec, trop souvent, des conséquences
notoires, elle n'a jamais laissé ces persécutions détruire
en elle la tendresse de l'Espérance qu'elle exprime dans sa vie
religieuse.
Où
que vous alliez dans ces églises égyptiennes marquées
par la pauvreté, vous ne trouverez jamais de représentations
de l'enfer ou de la torture, ni de crâne grimaçant ou de
squelette effrayant.
Ses
martyrs sourient paisiblement du haut des murs, comme si le souvenir
de leurs souffrances était depuis longtemps oublié (32).
Peut-on,
à défaut de canons, parler du moins d'un « style
copte » ?
Les
historiens de l'art hésitent à le faire, en raison d'une
part des immenses lacunes de l'histoire de l'icône en Egypte,
et d'autre part de l'importance prise aux XVIIIe et XIXe siècles
par des iconographes d'origine étrangère (33).
En
ce qui concerne ce dernier point, il est certain que l'étude
de l'icône égyptienne doit passer par le cadre plus large
du Proche-Orient; c'est d'ailleurs tout l'intérêt de la
démarche de Mahmoud Zibawi, qui démontre l'existence d'un
«oecuménisme de l'art » au Proche-Orient, dont les
frontières et conflits politico-religieux n'ont pas empêché
une extraordinaire osmose sur le plan artistique : Toujours désunis
dogmatiquement, (les chrétiens d'Orient) s'unissent intuitivement
sur les sentiers des arts et de la beauté (34).
L'iconographe
copte Stéphane René, pour sa part, n'hésite pas
à trancher la question de l'existence du « style copte
» ; après avoir reconnu que le point de vue d'un historien
de l'art ou d'un égyptologue-coptologue différera toujours
de celui d'un praticien de l'art, il se place sur le plan de la théologie
de l'icône: comme expression de l'expérience culturelle
et religieuse d'un peuple, l'iconographie est un processus en évolution
qui se passe dans le présent, mais qui s'enracine dans une tradition
spirituelle intemporelle, éternelle, ce qui le conduit à
affirmer que l'icône copte historique a plusieurs visages mais
une âme unique et unifiée, et à reconnaître
que du style hiératique des icônes du vie siècle
à Baouît aux oeuvres d'Ibrahim le scribe et de Yuhanna
au XVIIIe siècle au Vieux Caire, il existe une ligne directe,
une expérience commune (35).
Quelle
est donc cette ligne, qui révèle l'âme commune aux
icônes d'Egypte ?
Outre
cette douceur et cette joie paisible que nous avons évoquée
en introduction à ce chapitre, l'icône copte se caractérise
par une grande stylisation: Du IIIe au Ve siècle, l'Égypte
s'achemine vers une écriture orientale dominée par le
schématisme et le symbolisme (36).
La
disproportion des personnages a souvent été mentionnée
: la grosseur de la tête évoque la prédominance
du spirituel, tandis que les contours très marqués renforcent
le sentiment d'unité intérieure qui caractérise
les saints.
Les
traits sont simplifiés, et le visage est dominé par des
yeux immenses, cernés, au regard insistant, qui rappellent ceux
des sarcophages égyptiens et des portraits du Fayoum et traduisent
la force de l'Esprit et la vision contemplative.
Les
personnages sont le plus souvent statiques, leurs vêtements rigides
effacent toute forme anatomique du corps.
Si
le bas du corps est parfois de profil, en particulier chez les saints
cavaliers, le buste, lui, est toujours en position frontale, et l'attitude
est ouverte au spectateur.
La
position d'orant est la plus fréquente, elle rappelle l'importance
fondamentale de la prière chrétienne.
L'iconographie
égyptienne met en scène un univers bidimentionnel avec
une perspective inversée: l'espace s'étend vers celui
qui contemple l'icône et le saint représenté introduit
celui qui le regarde dans le monde de l'Éternité.
On
retrouve dans les icônes coptes la perspective d'importance, très
pratiquée dans l'art pharaonique (37), et qui consiste à
représenter le personnage principal en « taille héroïque
» ; l'iconographie néo-copte reprend fidèlement
cette tradition.
Le
traitement de l'icône est haut en couleur: la couleur est reine
écrivait le Père du Bourguet (38). La palette copte est
composée de pigments naturels, issus de la terre d'Egypte qu'elle
reflète.
Les
couleurs vont des teintes foncées aux plus claires, car dans
l'icône, la couleur est essentiellement identifiée à
la lumière, et le rôle de l'iconographe est de faire jaillir
la lumière de l'icône (39), comme Dieu, au premier jour,
fit jaillir la lumière des ténèbres (40).
Comme
le paysage égyptien, les icônes coptes sont lumineuses:
toutefois, leur luminosité ne provient pas d'une source extérieure,
mais de l'Esprit Saint qui illumine ceux qui demeurent en Lui et auxquels
le Christ a dit: Vous êtes la lumière du monde (41).
L'or
est présent sur certaines icônes anciennes et plus encore
sur celles de l'école néo-copte; par son caractère
impérissable, il évoque bien sûr l'immortalité;
par sa richesse, il symbolise la gloire céleste; il est aussi
l'image de la lumière divine, incréée; le fond
d'or, nous dit Bruno Duborgel, symbolise la lumière comme mur
de lumière, c'est-à-dire en même temps irradiation,
ruissellement lumineux, et comme limite infranchissable au-delà
de laquelle réside le Tout-Autre en sa lumière inaccessible
(42).
On
peut rapprocher la fonction de ce «mur», qui tout à
la fois révèle et voile, de celle de l'iconostase dans
l'église, qui sépare et unit la nef et le sanctuaire,
la terre et le ciel, l'homme et Dieu.
VÉNÉRATION
On
est frappé, lorsqu'on va dans ce pays, de l'importance de l'imagerie
religieuse - qu'il n'est hélas pas possible de nommer «
iconographie » car, malgré les efforts des nouveaux iconographes,
la plupart des images ne sont encore que de mauvaises reproductions
ou imitations de tableaux de la renaissance italienne ou de style saint-sulpicien.
Toutefois,
pour les chrétiens d'Egypte, ces images jouent le rôle
traditionnellement dévolu à l'icône: elles sont
à l'honneur dans les maisons, où l'on ne trouve encore
que très rarement des tableaux profanes; on se tourne vers elles
pour prier matin et soir, ou lors de la visite d'un prêtre; il
y a une quinzaine d'années, une mode s'était développée
qui consistait à appliquer des autocollants représentant
des sujets religieux sur les pare-brise des voitures ; cet usage a été
interdit car il pouvait être interprété comme une
forme de provocation.
Certains
auteurs ont affirmé que les Coptes ne vénéraient
pas les icônes (43).
Cette
déclaration est contredite à l'évidence par l'attitude
des Coptes eux-mêmes: à l'église, on se prosterne
devant les icônes, on fait brûler des cierges devant elles,
on glisse des demandes d'intercession écrites sur des petits
bouts de papier derrière l'icône ou sous sa vitre, et on
prie en les touchant ou en appuyant la tête contre elles.
Lors
des fêtes liturgiques, l'icône du jour est encensée,
emportée autour de l'église en procession, touchée
et embrassée par les fidèles qui se trouvent sur son passage.
N'est-ce
pas là une forme de vénération, qui se manifeste
peut-être différemment de celle des fidèles slaves
ou grecs, mais qui n'en est pas moins réelle (44) ?
Le
rituel de consécration des icônes par l'évêque
est actuellement remis en valeur pour les véritables icônes
qui proviennent des ateliers d'Isaac Fanous ou de ses disciples.
En
effet, dans le rite copte, seules les icônes consacrées
peuvent être vénérées.
Elles
sont «baptisées» avec le saint Chrême et deviennent
ainsi porteuses du Saint Esprit et propriété de Dieu,
qui leur confère un pouvoir spirituel effectif capable d'attirer
les coeurs vers le Ciel (45).
Il
arrive aussi, comme nous l'avons mentionné dans l'introduction,
que l'on encense les peintures murales, en particulier dans les églises
des monastères : elles sont considérées comme ayant
été consacrées en même temps que l'église
même.
Quel
est le sens de cette vénération? Voici ce que disait à
ce sujet un théologien égyptien du XIIIe siècle
: l'image de Notre Seigneur, qui le représente corporellement,
renouvelle en ceux qui la regardent le désir de louange et d'adoration
à son égard; celui qui se prosterne devant elle le fait
évidemment en signe de vénération pour Celui qui
y est représenté, et non pas pour une image qui est peinte
sur les murs par des mains humaines (46).
Les
théologiens coptes contemporains ne disent pas autre chose: Il
va de soi que toute marque d'honneur manifestée envers l'image
ne s'adresse pas à celle-ci dans sa matérialité
mais qu'elle est fondamentalement le signe de la rencontre intime avec
le prototype qu'elle représente (47).
Le
Père du Bourguet résume ainsi le culte adressé
à l'icône: ni divinisation de l'art, ni superstition magique,
mais culte symbolique et efficace qui s'enracine dans le mystère
de l'Incarnation du Christ.
L'efficacité
est en effet un aspect essentiel de la vénération de l'icône:
d'innombrables textes anciens relatent des récits de miracles
obtenus par une prière fervente devant l'icône (48).
Actuellement
encore, l'iconographe copte Ashraf Georges Fayek, disciple égyptien
d'Isaac Fanous, témoigne: j'avais peint une icône de la
Nativité pour la mère d'une amie qui résidait au
Danemark.
Elle
était trop malade pour se rendre à l'église, elle
avait donc suspendu l'icône au pied de son lit; elle disait qu'en
la voyant là, elle sentait la présence du Saint Esprit.
Dans
le registre supérieur de cette icône se trouve une étoile
dont un rayon descend sur l'Enfant Jésus.
Mon
amie me raconta qu'un jour, sa mère s'aperçut que l'étoile
paraissait très brillante et que le rayon semblait traverser
l'Enfant Jésus et arriver jusque sur son lit.
Lorsqu'elle
m'a raconté cela, j'ai mieux compris l'importance de mon travail
(49).
En
Egypte, l'existence d'un art paléochrétien original ayant
donné naissance à une pratique iconographique largement
attestée confirme que les chrétiens d'Egypte ont tenu
une place particulière dans la genèse de cet art, dans
sa dimension artistique mais aussi cultuelle et spirituelle.
L'accusation
d'iconoclasme longtemps portée par les Eglises chalcédoniennes
contre les anciennes Eglises orientales est donc totalement erronée
et devrait être définitivement abandonnée.
Nous
avons vu également que ces traditions ne sont pas mortes et ne
relèvent pas uniquement de l'histoire ancienne.
Le
renouveau que connaît l'art iconographique copte sous l'inspiration
d'Isaac Fanous, en qui le Révérend John Watson n'hésite
pas à saluer l'un des plus grands iconographes chrétiens
du monde, et un théologien orthodoxe de premier ordre (50), réintroduit
l'Egypte dans le concert des peuples chrétiens disposant d'une
tradition iconographique bien vivante ; le phénomène d'émigration
qui touche actuellement l'Egypte a permis l'exportation de cet art sacré
contemporain, très prisé dans les pays occidentaux d'émigration
égyptienne; son rayonnement est grand et fonctionne comme un
moyen d'évangélisation de large envergure.
D'autre part, le fait que des Occidentaux aillent étudier cet
art en Egypte même révèle l'importance de ce renouveau
pour le pays: pour une fois, les Egyptiens quittent le rôle d'assistés
et deviennent des enseignants; ce renversement est salutaire, car il
faut souligner que l'attitude souvent condescendante de l'Occident,
détenteur officiel « de l'avoir, du savoir et du pouvoir
», pèse parfois lourdement dans les pays du Proche-Orient.
Une
collaboration est bien sûr souhaitable, telle que la conçoit
par exemple Zuzana Skalova pour la formation en Egypte de spécialistes
de la restauration des icônes (51), mais il ne faut pas perdre
de vue le fait que l'art copte comme l'art éthiopien sont l'expression
de chrétientés enracinées dans des Eglises qui
ont respectivement deux mille et mille six cents ans d'histoire, et
que c'est à ces Eglises qu'il appartient d'abord d'analyser,
de commenter et de faire revivre leur propre patrimoine.
Le
fait, pour une communauté chrétienne, de disposer d'une
iconographie vivante et de qualité sur les plans artistique,
théologique et spirituel est un signe de santé spirituelle,
car c'est dans la mesure où cette Eglise est vraiment unie au
Christ, présence vivante et efficace de Dieu sur la terre, qu'elle
peut manifester Son visage et transmettre Son Esprit au monde à
travers sa liturgie, son art et toute sa vie : elle devient alors elle-même
« icône du Christ ».
Ashraf
et Bernadette Sadek
Les
auteurs: Ashraf Sadek est diacre de l'Eglise copte orthodoxe, égyptologue,
et directeur de la revue Le
Monde Copte. Son épouse Bernadette, universitaire, est rédacteur
en chef de la revue Le Monde Copte.
Cet
article est extrait d'une étude publiée par la revue Connaissance
des Religions dans son hors-série sur l'Icône.
Notes
(1) Marguerite Rassart-Debergh,
dans son article cité en note 1, donne un large panorama des
diverses publications sur ce thème. (2) Voir, par exemple, l'ouvrage
de Bérénice Geoffrey-Schneiter, Fayoum, éd. Assouline,
1998. (3) Pierre du Bourguet, Peintures chrétiennes, couleurs
paléochrétiennes, coptes et byzantines, Famot, Genève,
1980, p. 219. (4) Idem, p. 235. (5) Deux thèses rédigées
en anglais par des disciples anglo-saxons d'Isaac Fanous développent
très en profondeur l'héritage pharaonique de l'art copte:
Jacqueline Ann Ascott, Towards Contemporary Coptic Art, Le Caire, 1988
(trois tomes) et Stéphane René, Coptic Iconography, London,
1990; ces oeuvres ne sont pas publiées à ce jour; on peut
en trouver des extraits dans Le Monde Copte, n° 19, 1991. Signalons
aussi la parution, au printemps 2000, d'un numéro spécial
du Monde Copte (n° 29-31), intitulé «L'Incarnation
de la Lumière: le renouveau iconographique copte à travers
l'oeuvre d'Isaac Fanous », à commander chez les auteurs,
11 bis rue Champollion, 87000 Limoges. (6) L'égyptologue Jean
Yoyotte affirmait, lors d'un débat télévisé
diffusé par «Forum-Planète» le 10 avril 1999,
que le christianisme avait tué les représentations et
institutions pharaoniques et que les Coptes n'étaient en aucune
façon les héritiers de l'Égypte ancienne; de même,
le spécialiste norvégien d'art copte Mat Immerseel récuse
l'existence d'un art copte antérieur au ve siècle, le
cantonne à trois siècles d'existence seulement, lui refuse
toute filiation égyptienne et toute paternité concernant
l'icône (M. Immerseel, «Coptic Art», dans Between
Desert and City: The Coptic Orthodox Church Today, éd. Nelly
van Doorn and Karl Vogt, Oslo, 1997, p. 273). (7) Art. cit., p. 283.
(8) Voir les analyses de Milad Hanna, par exemple Les sept piliers de
l'identité égyptienne (en arabe et anglais) ou L'Egypte
à tous les Egyptiens, Le Caire, 1993 (en arabe). (9) Marguerite
Rassart-Debergh, art. cité, p. 47. (10) Bérénice
Geoffrey-Schneiter, op. cit., p. 16. (11) Père Georges Drobot,
op. cit., p. 35. (12) Lire à ce sujet l'article du Père
Antonious L. Henein, «Pour comprendre l'icône de saint Antoine
le Grand», dans Le Monde Copte, n° 27/28, 1997, p. 295. (13)
J. Ascott, op. cit., p. 27. (14) Cf. Egon Sendler, Les icônes
byzantines de la Mère de Dieu, op. cit., pp. 165-168. (15) J.
Ascott, op. cit., p. 30. (16) Voir par exemple l'article de Christian
Cannuyer, «L'ancrage juif de la première Eglise d'Alexandrie»,
dans Le Monde Copte, n° 23, 1993, p. 21. (17) Sur Bagaouât,
voir par exemple L. Manniche, L'art égyptien, Paris, 1994, p.
308. (18) Pour avoir un résumé plus détaillé
sur les peintures murales égyptiennes, voir M. Rassart-Debergh,
« Coptic mural painting », dans The Coptic Encyclopedia,
Macmillan, 1991, vol. 6, p. 1872. (19) Linda Langen, «La peinture
d'icônes en Egypte», dans Le Monde Copte, n° 18, 1990,
pp. 11-12. (20) M. Rassart-Debergh, Le Monde Copte, n° 18, pp. 55-68.
(21) Geste d'affection et de protection très courant à
toutes les périodes de l'histoire pharaonique; il s'agit soit
de divinités protégeant le roi (voir par exemple K. Michalowski,
L'ari de l'Egypte ancienne, Mazenod, Paris, 1968, figures 208, 304,
365, 452, 514), soit de couples ou de parents avec leurs enfants (voir
A. Sadek, «Aperçu général sur la femme dans
l'Égypte ancienne», dans Le Monde Copte, n° 16, 1989,
figures des pp. 3, 4, 7, 15, 17, 18). (22) P. du Bourguet, op. cit.,
p. 219; voir aussi Marie-Hélène Rutschowscaya, «Le
Christ et l'abbé Ména», dans Le Monde Copte, n°
19, p. 35 et idem, Le Christ et l'abbé Ména, Le Louvre,
Paris, 1998. (23) Voir les articles de Lucy-Anne Hunt et du Père
Samuel el-Souriani dans Le Monde Copte, n° 18, pp. 71 à 78.
(24) Cf. John Julius Norwich, Byzantinium, the Early Centuries, Viking,
Londres, 1988, pp. 347-365, cité par J. Watson, art. cit. (25)
Cf. Otto Meinardus, Christian Egypt: Faith and Life, pp. 19-22. (26)
M.-H. Rutschowscaya, op. cit., p. 37. (27) Catalogue général
du Musée copte, Paul van Moorsel éd., Supreme Council
of Antiquities/Leiden University, Le Caire, 1994. (28) S. René,
op. cit., p. 27. (29) Ibid., p. 26. (30) Par exemple Guirguis Lotfy
Wassef, auteur d'une thèse intitulée Coptic Paintings
and its Influence on Contemporary Egyptian Art, Faculté des Beaux
Arts, Université d'Alexandrie, 1994. (31) J. Ascott, op. cit.,
p. 46. (32) E.L. Butcher, The Story of the Church of Egypt, London,
1897, vol. 2, p. 89. (33) Voir Linda Langen, art. cit., pp. 14-45, et
Mat Immerzeel, art. cit., p. 279. (34) Mahmoud Zibawi, op. cit., pp.
98. (35) S. René, op. cit., pp. 2-3 et p. 80. (36) Mahmoud Zibawi,
op. cit., p. 157. (37) Voir Claire Lalouette, L'art et la vie dans l'Egypte
pharaonique, Paris, 1992, pp. 64-66. (38) P. du Bourguet, op. cit.,
p. 235. (39) S. René, op. cit., pp. 66-67. (40) Genèse
1,3. (41) Mt 5,14. (42) Bruno Duborgel, L'icône, art et pensée
de l'invisible, C.I.É.R.E.C., Travaux LXXIII, Saint-Étienne,
1991, p. 89. (43) Mat Immerzeel, art. cit., p. 273; voir aussi l'affirmation
d'un moine grec, citée par Ch. Chaillot, «La vénération
des icônes dans les Églises orthodoxes orientales»,
dans Solidarité Orient, n° 200, Bruxelles, 1996, p. 5. (44)
Voir Le Monde Copte, n° 19, pp. 93 à 113, ainsi que l'ouvrage
de Christine Chaillot, Rôle des images et vénération
des icônes dans les Eglises orthodoxes orientales, p. 61. (45)
Fr. T. Malaty, op. cit., p. 298. (46) D'après Al-Mu'taman abu
Ishaq al-Assal, Magmu'usul al-din (Somme des aspects de la religion),
cité et traduit par Ugo Zanetti, dans Le Monde Copte, n°
19, p. 82. (47) Père Tadros Malaty, op. cit., p. 202. (48) Ch.
Chaillot en cite plusieurs dans son ouvrage (cité n. 63); voir
aussi Le Monde Copte (n° 19) et le Synaxaire copte. (49) A.G. Fayek,
témoignage recueilli au Caire par les auteurs en avril 1999.
(50) J. Watson, op. cit., pp. 41 et 45. (51) Voir Z. Skalova, «Les
vicissitudes des icônes: problèmes de conservation en Égypte
», dans Le Monde Copte, n° 19, p. 111.
POUR
ALLER PLUS LOIN
Lire «L'Incarnation
de la Lumière» par A. et B. Sadek, disponible auprès
du Chemin ou de la revue Le
Monde Copte, 11 bis, rue Champollion, 87000 Limoges.