V.
L'ADORATION
PURE DES ÊTRES SPIRITUELS
1
La prière de louange, d'adoration et de contemplation
du
visage glorieux du Christ (cf. Cor. 4,6)
La prière est l'occasion de découvrir les qualités
et la vie même de Dieu.
"Le Seigneur est avec vous tant que vous êtes avec
lui. Si vous le cherchez, il se laisse trouver par vous; mais si
vous l'abandonnez, il vous abandonne (II Ch. 15,2)."
"C'est là ce que le Seigneur a déclaré
: "en mes proches Je montre ma sainteté (Lév.
10,3). "
"Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et
je l'aimerai et me manifesterai a lui (Jn 14,21). "
Aussi, lorsque le coeur de l'homme s'intéresse aux qualités
transcendantes de Dieu et s'approche de lui par la prière,
il commence à goûter la saveur divine.
Chaque
fois qu'une nouvelle qualité divine lui est révélée,
il en reçoit quelque chose; car Dieu ne se manifeste pas
à l'homme par une connaissance théorique, mais par
la communication mystérieuse d'une puissance divine.
Durant la prière, Dieu dégage le coeur de l'homme
du voile épais de la raison humaine, et lui révèle
son dessein, son économie par laquelle il conduit la création
entière et la vie même de l'homme à travers
les événements divers et la succession des années.
L'homme
en reçoit alors une claire perception des qualités
de Dieu, mais par une intuition intérieure accompagnée
d'une communication de puissance.
Il
goûte alors Dieu et le savoure, comme on savoure un rayon
de miel.
Si le miel périssable a la propriété de ranimer
nos corps, combien plus Dieu n'enflammerait-il pas notre être
intérieur?
Nous
sentons alors le feu de Dieu brûler en nous, tantôt
pour nous purifier, tantôt pour nous consoler et nous réjouir;
tantôt pour susciter en nous un ardent désir du Royaume
et tantôt pour nous pousser à l'action et au don de
nous-mêmes.
Mais
quels que soient les sentiments suscités en nous par le feu
divin, la prière de celui qui en à reçu l'expérience
s'élève toujours a un degré suprême de
louange et de glorification des qualités indicibles de Dieu.
Ni
la langue, ni l'intelligence, ni le corps de l'homme ne se fatiguent
de louer et d'exalter le Nom de Dieu et ses qualités.
Cette
prière enflammée qui se limite a louer et glorifier
les vertus divines est conforme a la prière des chérubins.
On
sait que les chérubins sont "pleins d'yeux"
(Ez. 10,12), comme signe de la contemplation très intense
avec laquelle ils perçoivent la nature de Dieu.
Mais
cette perception de la nature divine ne s'opère pas en eux
par la raison, à un plan théorique, mais par une communication
de puissance.
Aussi
est-il dit également qu'ils sont "enflammés
de feu"
(Ez. 1,13), pour signifier qu'ils sont vivement influencés
par la nature de Dieu.
La relation entre les deux expressions pleins d'yeux et enflammés
de feu est une relation fondamentale dans la création spirituelle,
car la claire perception de Dieu dans la prière conduit nécessairement
a une certaine participation de la nature ignée de Dieu.
"Notre Dieu est un feu dévorant (Héb.
12,29)".
"
Il fait de ses anges des vents, de ses serviteurs une flamme
ardente (Héb. 1,7)".
Nous savons par ailleurs que la prière des chérubins
et des séraphins consiste à crier avec des voix infatigables
et des lèvres qui ne se relâchent point, et à
répéter sans cesse à la louange et à
la gloire de Dieu:" saint, saint, saint... (Is. 6,3;
Apoc. 4,8)".
Car la nature de Dieu est extrêmement glorieuse et il devient
impossible à toute créature qui en a perçu
la gloire de cesser de la louer, ne serait-ce qu'un instant.
Aussi, lorsque nous portons nos regards avec amour, à maintes
reprises durant la prière, vers la face de Jésus-Christ,
sans avoir d'autre but que d'aimer Dieu et de lui rendre gloire,
alors nos âmes se trouvent dégagées du voile
épais de la raison, et nous saisissons la gloire de la nature
divine dans le Christ.
"Dieu
a brillé en nos coeurs pour faire resplendir la connaissance
de la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ (II Cor.
4,6)."
Nous
accédons par le fait même à la prière
d'adoration des êtres spirituels.
C'est ainsi que, durant la prière de contemplation du Christ,
Dieu nous donne d'innombrables yeux chérubiniques pour que
"resplendisse en nos coeurs la connaissance de la gloire
de Dieu."
Nos coeurs se trouvent alors enflammés par le feu divin,
de sorte que nous devenons incapables, en ces heures bénies,
de faire autre chose que glorifier Dieu sans interruption.
1-Par "être spirituel",
l'auteur entend aussi le chrétien devenu "spirituel"
(cf. Cor. 8,9; Rom 8,9) que les êtres incorporels du monde
angélique : chérubins, séraphins, etc. (Note
du traducteur)
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