LE
MONACHISME PROVENCAL DES ORIGINES, HERITIER DE LA TRADITION ASCETIQUE
DES PERES DU DESERT D'EGYPTE
Abbaye
Saint-Victor de Marseille
Selon
une vénérable tradition. Lazare, Maximin, Marthe
et Marie-Madeleine seraient venus en Provence et y auraient prêché
l'Evangile. Il est incontestable que le petit groupe d'amis du
Seigneur, de Béthanie, ait formé une communauté
chrétienne, très tôt.
Toujours
selon la tradition. les juifs, hostiles aux disciples du Christ,
abandonnèrent Lazare, Maximin, Marthe et Marie-Madeleine
dans une barque sans rames ni voiles qui aborda en Provence, aux
Saintes Maries de la Mer, ainsi appelées en leur honneur
et en celui de Marie-Salomé et Marie-Jacobée, qui
s'étaient jointes à eux, accompagnées de
leur servante Sara l'Egyptienne. De là, Lazare et Marie-Madeleine
partirent évangéliser la ville romaine Massalia,
l'actuelle Marseille.
De
nos jours encore, on peut voir à Marseille dans la crypte
de la basilique Saint Victor, érigée au 5è
siècle par Saint Jean Cassien. une grotte dite " grotte
de Saint Lazare et de Sainte Marie-Madeleine " et un siège
taillé dans le roc, la chaire d'où Saint Lazare
prêchait la doctrine du Christ.
Marie-Madeleine
se retira ensuite dans la montagne aride de la Sainte Baume (en
provençal, baume signifie grotte) à l'est de Marseille,
où elle passa de nombreuses années dans la pénitence
et la prière. Maximin vécut à Aix et Marthe
se retira dans un désert près de Tarascon.
C'est
un fait certain que, dès les premiers siècles, des
voyageurs chrétiens ont abordé à Marseille
où, comme dans toutes les métropoles autour de la
Méditerranée, se trouvait une communauté
juive, et l'apôtre Paul, en allant en Espagne, a sans doute
pris contact avec cette communauté et y a prêché
l'Evangile.
Si une Eglise locale n'y était pas organisée, il
est indéniable que dès les premiers siècles,
vivaient à Marseille des chrétiens, ainsi qu'en
témoignent des tombeaux.
Dans
la nécropole de la basilique de Saint Victor, une tombe
jumelle de deux martyrs chrétiens séparée
par un mortier dans lequel on a trouvé une pièce
de monnaie de l'Empereur Dèce (249-251) qui, le premier,
organisa une persécution générale de tous
les chrétiens, a été découverte en
1965. Ces deux martyrs chrétiens sont-ils ceux de l' inscription
retrouvée en 1837 qui relatait leur supplice par le feu
et qui portait l'ancre, symbole des premiers chrétiens
? Un de ces corps serait-il celui de Saint Victor, martyr de la
foi ?
Il est incontestable que, dès le IIIè siècle,
les fidèles venaient prier sur cette tombe jumelle, et
que Saint Jean Cassien y construisait au Vè siècle
une petite chapelle, une " memoria " , sur la tombe
des deux martyrs, la future abbaye de Saint Victor.
Il était de tradition dans l'Eglise primitive de célébrer
la Sainte Eucharistie sur les tombeaux des martyrs, ceux qui étaient
les témoins du Christ.
Dès
le IVè siècle, la liaison maritime entre Marseille
et Alexandrie fut l'une des voies de pénétration.
par les chrétiens, de la spiritualité des moines
du désert égyptien qui influença la vie religieuse
en Provence.
Au
début du Vè siècle arriva à Marseille
Saint Jean Cassien tout imprégné de l'idéal
monastique égyptien. qui fut établi par l'Eglise
copte orthodoxe (copte = égyptien) dont la fondation remonte
à l'Evangéliste Saint Marc en l'an 42 à Alexandrie.
Né
vers 365 en Scythie, aux bouches du Danube, ou peut-être
en Provence, il passa, très jeune, deux ans dans un monastère
de Bethléem, puis se rendit en Egypte où il vécut
une vingtaine d'années (380-400), là où il
visita les principaux monastères et se retira dans le désert
de Scété ; il resta ensuite cinq ans à Constantinople
comme diacre auprès de Saint Jean Chrysostome et se retrouva
à Rome en 405. Saint Jean Cassien se rendit donc à
Marseille vers 415 où il fonda deux monastères:
Saint Victor pour les moines et Saint Sauveur pour les moniales.
II mourut vers 433.
Saint
Jean Cassien dans ses " Institutions " et ses "
Conférences " se révèle réformateur
du monachisme provençal inspiré des institutions
de Saint Pacôme
(+346) et de Saint Basile (+379) et de l'idéal des anachorètes
égyptiens.
Honorat
de Trèves, né vers 360, le futur fondateur du célèbre
couvent de Lérins en 410, son frère Venance et leur
guide Caprais firent un voyage en Egypte, alors en plein essor
religieux et vivant encore dans le souvenir de Saint Athanase,
Evêque et Patriarche d'Alexandrie. Ils y vécurent
dans les monastères et le désert, s'imprégnant
de la spiritualité des fondateurs du monachisme sous sa
double forme érémitique ou solitaire (Saint Paul
de Thèbes et Saint Antoine) et cénobitique ou collective
(Saint Pacôme) et du Saint ermite Paphnuce que Saint Jean
Cassien de Marseille rencontra à la même époque.
Bientôt
connue en Europe, la règle du monachisme égyptien
établie par Saint Pacôme fut adoptée et adaptée
par les grands fondateurs du monachisme chrétien: Saint
Benoit pour l'Occident ainsi que Saint Martin de Ligugé,
Saint Jean Cassien de Marseille et Saint Honorat de Lerins et,
pour l'Orient, Saint Basile.
Saint
Cassien et Saint Honorat peuvent être considérés
comme les authentiques dépositaires de la spiritualité
des saints moines de la Thébaïde et des déserts
de Nitrie et de Scété.
C'est
sur la terre bénie de Provence, au Revest-Ies-Eaux, un
vieux village perché sur un piton et dominé par
quatre monts, situé dans un cadre incomparable à
quelques kilomètres de Toulon, qu'en 1974 une communauté
Copte Orthodoxe s'installa, reliant ainsi le passé mystique
de la Provence aux sources d'où a jailli sa spiritualité.
La
communauté Copte Orthodoxe a son centre à l'Ermitage
Saint Marc, qui comprend une chapelle dédiée à
la Mère de Dieu sous le vocable de Notre Dame de Zeitoun,
en souvenir des apparitions de la Vierge dans cette ville d'Egypte
en 1968, et un musée abritant une exposition permanente
d'icônes coptes, grecques et russes et d'objets du culte
anciens.
Les Pères desservant la chapelle, où les offices
sont célébrés selon le rite copte en langue
française, sont moines du célèbre monastère
Deir Abba Bichoï du désert de Scété
: Abba MARCOS, Métropolite de l'Eglise Orthodoxe Copte
Française, et Abba ATHANASIOS, Evêque.
En
ce début du troisième millénaire où
les valeurs spirituelles semblent bouleversées, que cette
humble chapelle soit le témoignage de sa fidélité
à l'idéal ascétique des pères du Désert
d'Egypte qui inspira le monachisme provençal, et à
la foi vivante de l'Eglise de Saint Marc qui prêche dans
le monde entier la Bonne Nouvelle du Christ.
Pour
en savoir plus :
Art funéraire et prière des morts aux temps paléochrétiens
(IVè-Vè siècles) ; Geneviève DrocourtDubreuil
- Documents d'histoire, d'archéologie et d'architecture
2- Atelier du patrimoine Ville de Marseille - Diffusion de Boccard
- Imprimerie Municipale, 1989 - 130 pages.
Saint Victor, une ville, une Abbaye: Jean Boissieu, Eric Arrouas
- Editions Jeanne Laffitte Imprimerie Robert, 1986 -101 pages.
Un âge d'or du monachisme - Saint-Victor de Marseille (990-1090)
; Paul Amargier - P. TacusseL éditeur - Imprimerie Robert,
1990.