Message
de Noël 1968 du Patriarche Athénagoras
" Le royaume des cieux est pris par la force et les violents
s'en emparent " Matt., XI, 12
Voici,
pour cette année, le message de Noël.
Mais
il n'est pas nouveau, il ne date pas d'aujourd'hui.
Les
prophètes de l'Ancien Testament - l'ange de l'Annonciation -
Jean le Précurseur - le Golgotha -le Sépulcre très
saint - les apôtres, tels des éclairs jetant leur lumière
de l'Orient à l'Occident - les grottes de Césarée
- les catacombes de
Rome - l'âge d'or de l'Église une - la lumière de
la première théologie - les héros de la vie et
du martyre - les conciles oecuméniques - la vie puisée
sans interruption dans le calice commun pendant les dix premiers siècles
- autant de proclamations de la Théophanie, de la manifestation
de notre Dieu.
Mais
un jour l'amour entre frères s'en est allé, à sa
place règne la haine.
Il s'est
déformé, le visage de l'Église que le Christ a
voulu glorieuse, sans tache ni ride, mais sainte et immaculée.
Aujourd'
hui se déchaîne dans le monde une crise sans précédent.
Et cette
crise secoue dangereusement l'Église, la grande arche vieille
de deux mille ans qui porte en elle la civilisation de l'Orient et de
l'Occident.
Les
hommes, pour arracher les secrets de l'infini, prennent leur vol vers
l'immensité. Mais, sur la terre, les jeunes se lèvent
comme une mer menaçante.
Nous
disputons de " pain non fermenté ", quand des
fermentations tragiques bouleversent des nations entières.
La science
prépare la prolongation de la vie; mais la mort, en toute liberté,
fauche sans pitié l'Afrique et l'Asie.
Où
donc est le Christ sauveur ? Par nos divisions, nous l'avons chassé.
De là
nos malheurs inexprimables.
Et que
font les Églises ? Elles négocient l'Inestimable. De là
leur triste morcellement.
"
Mais là où le péché s'est multiplié,
la grâce a surabondé. "
Ainsi
l'histoire de notre époque, en mettant en pleine valeur la vérité
des actes, incite les chefs responsables des Églises et la hiérarchie
à mobiliser la théologie, désormais servante, afin
que le seul but de notre existence et de notre mission soit l'homme
pour qui Dieu s'est fait homme, l'homme à qui nous devons porter
secours en ce temps de détresse.
Par
là, travaillant au renouveau des Églises, sauvegardant
le dépôt, nous avancerons d'un commun effort vers leur
union.
Avec
comme devise, l'amour sans conditions et sans limites, et, comme force,
la volonté du Très-Haut.
Elle
est longue, disent les uns, cette marche et qui pourrait en voir la
fin ? Pourtant, déjà, du chemin a été parcouru.
Chemin
difficile, âpre montée, disent les autres. pourtant déjà,
la voie a été ouverte et rendue praticable.
Comment
pourrait-il en être autrement ?
Les
grands événements de la vie de l'Église durant
ces six dernières années, et surtout nos trois rencontres
successives avec Sa Sainteté le pape de Rome Paul VI et son dernier
message " que nulle voix ne se taise dans ce concert infini
des Églises et du monde entier " , ont supprimé
les distances de la séparation et jeté un pont sur l'abîme.
C'est
une croix et un calice que nous avons échangés lors de
nos rencontres, avec cette prière: que le Seigneur de miséricorde
envoie le plus vite possible à nos saintes Églises d'Orient
et d'Occident, la grâce de la célébration à
nouveau commune de la divine eucharistie et de la communion à
nouveau commune à ses Dons immaculés.
Comme
il en était de façon ininterrompue et stable jusqu'en
1054, ainsi devra-t-il en être maintenant aussi, certes après
un travail en profondeur, réalisé ensemble au préalable,
et toute la préparation qui, en conscience, s'impose.
Le calice
commun se dessine, lumineux, à l'horizon de l'Église.
Tel
est notre salut !
Les
peuples du Christ sont nos compagnons de route. Nullement accaparés
par les différences dogmatiques, ils se découvrent frères
en Christ.
Impatients,
ils vivent l'heure de l'union non comme un mythe lointain, mais comme
la réalité intérieure la plus intense.
C'est
la preuve que le Christ naît.
Mais
malheur si les peuples, un jour, accédaient à l'union
hors des structures et de la théologie de l'Église !
C'est
pourquoi l'union ne doit plus être l'objet d'un " négoce
", ou de dialogues théologiques sans fondement et sans fruit.
Elle
devient une création de vie accomplie par tous ceux " qui
combattent dans l'amour et la paix ".
En vérité,
" le Royaume des cieux est pris par la force, et les violents
s'en emparent ".
ô
abîme de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu
!
Inébranlables
sont ses volontés! Elles portent Églises et peuples dans
l'unité, elles font toutes choses nouvelles pour leur partage.
Venez
donc, frères, réjouissons-nous dans le Seigneur, célébrons
le mystère présent.
Car
le Christ naît. Et l'amour s'étend pour que l'homme devienne
humble, plein de courage et de joie. {...}
Que
la grâce du Verbe fait chair - à lui la gloire dans les
siècles -soit avec tous.
Le patriarche
de Constantinople ATHÉNAGORAS, ardent intercesseur auprès
de Dieu pour vous tous.
DÉCLARATION
DU PATRIARCHE ATHÉNAGORAS
AUX ENVOYÉS DU JOURNAL ITALIEN " AVVENIRE " (12 JANVIER
1969).
{...}
Le monde se trouve aujourd'hui à un moment où toutes les
valeurs sont mises à l'épreuve.
Les
nouvelles découvertes et les immenses progrès de la technique,
le vol de l'homme dans l'espace, les rapides transformations sociales,
le grand tourment spirituel, la succession heurtée des générations
{...} créent une confusion inconnue jusqu'alors.
Et cette
confusion constitue souvent une tentation de découragement et
de pessimisme.
Mais
nous ne devons pas céder à cette tentation, pas même
un instant, ni nous abandonner au désespoir.
La situation
du monde actuel est une situation d'enfantement, et un enfantement raccompagne
toujours d'espérance.
Nous
contemplons la situation présente avec une immense espérance
chrétienne et avec un sentiment profond de responsabilité
pour le type de monde qui sortira de l'enfantement d'aujourd'hui.
Et c'est
là l'heure de l'Eglise : une elle doit offrir des orientations
chrétiennes au monde nouveau qui naît {...}.