chapitre huitième de "La Communion d'Amour" par Père Matta El Maskîne

 

 

 

LE SENS PROFOND DU JEUNE

 

 

 

 

 

LE JEUNE EST IMITATION DU CHRIST [1].

 

 

 

 

 

L'Eglise vit de l'imitation du Christ. Tout ce qu'a fait le Christ, l'Eglise le fait aussi. Il devient sa vie. L'appel du Christ à Matthieu:"Suis-moi!" [2] signifiait "Prends ma vie pour toi". L'Eglise s'est appliqué cet appel à elle-même.

 

Dans la vie et les actions du Christ, le jeûne représente la première réponse à l'onction par l'Esprit Saint. Il représente aussi la première bataille où le Christ a vaincu son adversaire, le prince de ce monde. Au cours de son expérience de quarante jours de jeûne total au terme de laquelle il a imposé silence à Satan, le Christ nous a indiqué comment nous devons nous y prendre avec notre ennemi, ses tentations et ses vaines illusions. "Cette race ne peut sortir par rien, sinon par la prière et le jeûne"  [3]. Quand quelqu'un entre dans un jeûne priant, Satan quitte la chair.

 

Comme Fils de Dieu, le Christ n'avait pas besoin de jeûner, pas plus qu'il n'avait besoin d'affronter ouvertement Satan, ou d'être baptisé ou oint de l'Esprit Saint. Cependant tout cela, il l'a accompli pour nous, afin que sa vie devienne notre vie et que ses actions deviennent nos actions. Si nous savons que le Christ a été baptisé "pour être révélé à Israël"  [4], de même, il a été rempli de l'Esprit Saint afin d'"être tenté par le diable"  [5]. C'était afin d'être révélé devant les esprits des ténèbres et d'entrer ouvertement en lutte contre le diable au profit de notre race. Le jeûne devait élever la chair du Christ au niveau requis pour la lutte contre les esprits mauvais, dont la puissance s'exerce sur ce que nous avons de plus faible: la chair.

 

Vous remarquerez que le baptême, l'onction dans la plénitude de l'Esprit Saint et le jeûne forment dans la vie du Christ une série fondatrice d'actes inséparables, culminant dans la victoire sur Satan qui préparait son annihilation définitive sur la Croix.

 

Il est donc d'une importance vitale pour nous d'accueillir la puissance de chacun de ces actes, de la ressentir au plus profond de nous et d'apprendre du Christ à la laisser agir en nous comme elle a agi en Lui, afin que sa vie puisse imprégner la nôtre. Le but ultime du baptême, du don de l'Esprit Saint et du jeûne, c'est que le Christ puisse demeurer en nous et que nous puissions dire avec St Paul "Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi"  [6].

 

Par le baptême, le lien avec notre vieil homme est tranché, pour que nous devenions fils de Dieu dans le Christ.

Par l'onction de la plénitude de l'Esprit Saint, notre lien avec le diable et la vie de péché est tranché, afin  que nous recevions l'Esprit de la Vie en Christ.

Par le jeûne, le lien entre nos instincts et Satan est tranché, afin de donner la victoire à la chair, dans sa vie selon l'Esprit, dans le Christ.

 

Nous ne pouvons jamais séparer aucun de ces trois actes des deux autres. Le baptême nous donne la plénitude spirituelle et la plénitude spirituelle nous donne, par le jeûne, la victoire qui permet à la chair de marcher selon l'Esprit Saint. C'est par l'ensemble des trois que nous vivons en Christ et que le Christ vit en nous.

 

Le fait que ces trois actes soient vécus successivement n'affaiblit nullement leur unité profonde, ne les sépare pas. Du point de vue spirituel, le baptême - dans l'enfance, la plénitude de l'Esprit Saint - lors de la maturité intellectuelle et psychique, et le jeûne - qui conclut la série de ces trois actes - ne peuvent pas être envisagés séparément. Bien que, du fait des nécessités humaines, ils aient lieu séparément dans le temps, spirituellement, ils ne constituent qu'un seul et même acte. Ils procèdent du Christ qui est "une seule action" et "une seule parole". Dans chacun de ces trois actes, le Christ nous habite personnellement pour nous donner sa plénitude, son image, sa vie, pour que nous puissions Le vivre comme action unique et parole unique, et ne plus vivre selon l'image déchirée et brisée qu'est notre moi propre.

 

Ce que je voudrais rendre évident au lecteur, c'est que le jeûne est un acte divin, que nous recevons du Christ comme un acte de vie qui complète le baptême et le don plénier du l'Esprit. Depuis l'origine, l'Eglise s'efforce de faire passer dans son propre corps les actes de la vie du Christ, afin qu'ils deviennent des actes vivifiants pour tous ses membres. Si l'Eglise imite le Christ dans sa discipline de vie, c'est parce que lui ont été données par Dieu la grâce et l'autorité de recevoir le Christ lui-même pour qu'il devienne sa propre vie. L'Eglise unie Christ est une image vivante et efficace de la vie du Christ. L'Ecriture la décrit comme "l'Epouse du Christ", unie à son Epoux. Mais, tout en déclarant que l'Eglise est devenue "une" avec le Christ, l'Ecriture continue à affirmer que le Christ restera toujours un "Epoux", c'est-à-dire un Autre, bien que le don qu'il fait de lui-même à l'Eglise soit total. Il ne devient pas plus "Eglise" que l'Eglise ne devient "Christ". N'étant donc que membres du Corps du Christ, il nous faut toujours faire effort pour acquérir le Christ, pour devenir toujours davantage semblables à lui, devenir une épouse "sans tache ni ride"  [7], une "vierge pure fiancée à Lui"  [8], en restant toujours "vierge fiancée"  [9], comme la Vierge qui a conçu et porté le Verbe. Ici, la virginité consiste à "se garder intact de toute souillure du monde"  [10]. Cette souillure, c'est l'union impie entre Satan et "la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et la confiance orgueilleuse dans les biens"  [11]. Ces trois liens le Christ les a brisés pendant son jeûne sur le Mont de la Tentation, nous laissant sa victoire, comme un héritage à vivre et à rendre efficace par le jeûne dans la plénitude de l'Esprit Saint et le sacrement du baptême.

 

En ce sens le jeûne est une étape essentielle de l'itinéraire du Christ que nul ne peut brûler et prétendre atteindre la pleine stature du Christ ou prétendre que le Christ demeure en lui en plénitude. Si le baptême constitue une étape essentielle et la Croix une autre, le jeûne est une étape majeure entre le baptême et la Croix. La plénitude de l'Esprit Saint que le Christ a consommée par le baptême a élevé la chair au niveau du jeûne extraordinaire : privation totale de nourriture et de boisson, isolement complet et prière. L'Esprit-Saint a ainsi fait monter la chair jusqu'à l'étape de la Croix.

 

Il nous est impossible de bien porter la croix, de traverser la tentation du diable, l'épreuve du monde et l'oppression des méchants, sans vivre pleinement la grâce du jeûne sur le Mont de la Tentation. Si le don du L'Esprit Saint ne nous rend pas capable de jeûner, nous courons sans aucun doute le risque de succomber sous le poids de la Croix.

 

Ici, l'Eglise nous présente l'imitation des oeuvres du Christ comme un chemin de vie obligé, que nous devons emprunter pour y trouver salut, force, assurance et victoire.

 

Ce n'est pas pour lui-même que le Christ a été baptisé et ce n'est pas pour lui-même qu'il a été crucifié; de même, ce n'est pas pour lui-même qu'il a jeûné quarante jours. Les oeuvres du Christ sont en elles-mêmes pleines de puissance et pour nous sources de salut et de vie. Mais leur puissance ne se communique à nous que dans la mesure où nous les vivons et les pratiquons. Celui qui est baptisé revêt le Christ, celui qui est rempli de l'Esprit Saint vit de la vie du Christ, et celui qui jeûne remporte la victoire du Christ sur le prince de ce monde.

 

Le Christ lui-même a souligné à quel point ses actes et sa vie influencent notre vie. "Si c'est le Fils qui vous libère, vous serez vraiment libres" [12]. Mais comment le Fils peut-il nous libérer du monde, du diable et de notre moi-propre, sinon en demeurant en nous et en nous offrant sa vie, ses oeuvres et sa victoire? Il le répète souvent "Demeurez en moi, comme moi en vous!"  [13]. Il s'agit d'une interaction, d'une synergie. Nous accomplissons ses actions et vivons selon son exemple et Lui nous communique la puissance de ses actions, de sa vie, de son exemple.

 

Ailleurs, il nous exhorte : "Apprenez de moi" [14]. Il se révèle ainsi comme modèle de vie et d'action, comme notre "précurseur pour nous" [15], comme "prémices" [16], afin qu'en toute chose nous lui soyons semblables. Il est devenu semblable à nous afin que nous devenions semblables à Lui.

 

Après avoir accompli notre salut par ses actes, le Christ se tient debout, le visage grave, nous montrant les plaies de ses mains, de ses pieds et de son côté et nous demande: "Croyez-vous en moi? Croyez-vous aux oeuvres que j'ai faites? M'acceptez-vous comme Epoux". Il n'attend pas seulement de nous le "oui" d'une épouse négligente. Il nous invite à une communion totale avec Lui, dans la souffrance comme dans la gloire. Il nous faut donc prouver notre communion avec Lui dans la foi, en communiant avec Lui dans ses oeuvres. Seules les oeuvres témoignent que notre foi est véritable.

 

Et Lui, en véritable Epoux, ne nous a pas laissés dans l'ignorance quant aux oeuvres qu'il nous faudrait accomplir. Il nous a montré comment nous comporter et comment vivre : "Je suis le chemin"  [17], "Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres"  [18]. Suivre Jésus ne consiste pas en idées. Il s'agit de s'attacher à ses pas, d'imiter ses oeuvres et de communier à son amour et à ses souffrances.

 

Il nous faut remarquer que les commandements du Christ au sujet des oeuvres - qu'il s'agisse de la pauvreté volontaire, de l'ascèse, du renoncement aux affections, du dépouillement ou de porter la Croix - concernent la personne du Christ et trouvent en Lui leur achèvement. "A cause de moi"  [19], "Viens, suis moi"  [20], "à cause de mon Nom"  [21], "être mon disciple"  [22], "Veillez avec moi"  [23].

 

Chaque oeuvre du Christ, qu'il a accomplie avec amour, il la partage avec nous, ou plutôt nous la partageons avec Lui, à la mesure de notre amour, de notre ascèse, de notre sacrifice. C'est de Lui que dérivent toutes nos oeuvres: notre ascèse de son ascèse, notre jeûne de son jeûne, notre amour de son amour. En fin de compte, ici, la "communion" avec le Christ est quelque chose de très concret que nous approfondissons chaque jour en l'imitant un peu plus en l'Esprit et en actes, en étant davantage conscient de sa présence dans notre vie, en lui permettant d'agir et de vouloir davantage en nous, tout en restant libre, spontané, vif à répondre, comme l'Epouse à l'égard de l'Epoux.

 

Toutes les oeuvres que nous accomplissons au nom du Christ, par amour de Lui, pour l'imiter, qu'il s'agisse du jeûne, des veilles, de la patience à supporter la souffrance ou la persécution, du service, de l'amour qui se donne, qui se laisse crucifier, toutes ne font que traduire en actes notre désir d'imiter le Christ et de nous unir à Lui : "Suis-moi!". Elles expriment la communion d'esprit, de coeur et d'intention.

 

De telles oeuvres peuvent être un moyen d'exprimer ouvertement l'offrande de l'âme au Christ, l'amour qui s'abandonne, la volonté de le suivre parfaitement, comme l'ont fait Jean, Jacques son frère et les autres disciples. Ils ont offert leur vie et ont abandonné leur être au Seigneur, "aussitôt" qu'ils l'ont vu et entendu. Ils ont laissé leur maison et leur métier pour se mettre à sa suite :"Nous, nous avons tout laissé pour te suivre"  [24]. Ils sont ainsi devenus de véritables partenaires des oeuvres du Christ, de son itinéraire, de ses souffrances. "Vous êtes, vous, ceux qui ont tenu bon avec moi dans mes épreuves"  [25].

 

Ces oeuvres, jeûne, veille, prière, service, sacrifice, peuvent aussi exprimer un amour caché, et s'ajouter aux tâches de la vie quotidienne, au travail qui permet de gagner son pain, d'élever des enfants. C'est ce qu'ont vécu ceux qui ont suivi le Christ sans le faire publiquement, ainsi Nicodème, Joseph d'Arimathie, Marthe, Marie, Lazare et d'autres, dont le très haut degré d'amour pour le Christ ne le cédait en rien à celui des Apôtres eux-mêmes. Cependant, ceux qui ont, au pied de la lettre, tout quitté - maison, métier... - pour suivre le Christ expriment le mieux par leurs oeuvres spirituelles leur très haute estime pour sa personne: "Nous, nous avons tout quitté pour te suivre". Le verbe "suivre" marque ici le passage des oeuvres du monde à l'oeuvre selon l'Esprit : le Christ est assez grand pour remplir notre vie, combler tous nos besoins, devenir notre seule oeuvre, notre seul espoir, notre seul intérêt.

 

Telle est bien la doctrine orthodoxe que l'Eglise a reçue des Apôtres en ce qui concerne le zèle, la ferveur, l'effort dans les oeuvres en tant qu'expression de la très haute valeur que l'homme attribue à la personne du Christ. C'est notre degré d'engagement et de sincérité dans notre activité spirituelle qui manifeste la lumière intérieure dont nous jouissons par notre intime union au Christ. Et par suite, cela rend témoignage au Père. "Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu'en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux"  [26].

 

Les Apôtres ont hérité de tout ce qui a constitué la vie du Christ. Ils ont été témoins oculaires et coopérateurs de son activité. Ils ont hérité des longs jeûnes qu'ils Lui ont vu accomplir et qu'ils l'ont entendu conseiller : "Cette race ne peut sortir par rien, sinon par la prière et le jeûne"  [27]. Ils ont hérité des nuits entières passées à prier "Veillez et priez"  [28]. Ils ont hérité de l'angoisse dans la prière, avec de fréquentes prostrations et la sueur semblable à des gouttes de sang: "Pris d'angoisse, il priait plus instamment et sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre... Il leur dit : Quoi! vous dormez! Levez-vous et priez!"  [29]. Ils ont hérité de la patience à supporter les insultes de la hiérarchie et la trahison des compagnons: "S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi"  [30]. Ils ont hérité du ministère sur les places publiques, au service des malades, des pécheurs et des pauvres. Ils ont hérité de la souffrance, des supplices, de la croix, comme la part la plus précieuse de leur héritage: "La coupe que moi je bois, vous la boirez"  [31]. "Alors Paul répondit: Qu'avez-vous à pleurer et à me briser le coeur? Je suis prêt, moi, non seulement à être lié, mais à mourir à Jérusalem pour le Nom du Seigneur Jésus"  [32].

 

Ils ont hérité de toutes ces oeuvres, sans les détacher du Christ : c'est bien parce que "le Christ a habité leur coeur, par la foi"  [33], quand ils ont reçu l'Esprit Saint que, selon sa promesse, ils ont accompli toutes les oeuvres du Christ, même ses miracles et sa mort.

 

L'Eglise a hérité à son tour de cette expérience apostolique. Elle a hérité du "Christ oeuvrant dans les Apôtres"  [34]. Aussi, cher lecteur, lorsque tu entends parler de l'importance incontournable des oeuvres pour l'Eglise Orthodoxe, comprends bien que l'Eglise se centre sur la personne même du Christ, accomplissant en nous, tout comme dans les Apôtres, les mêmes oeuvres qu'il avait accomplies pour notre salut. Ce que l'Eglise croit, c'est exactement ce que St Paul exprime ainsi "C'est Dieu qui fait en vous et le vouloir et le faire, selon son dessein bienveillant"  [35]. L'Eglise a la conviction que par cette attitude elle accomplit cette autre parole de Paul "Faites tout pour la gloire de Dieu"  [36], car c'est par le Christ et en sa présence que toute oeuvre doit être accomplie, car seule l'oeuvre du Christ donne gloire à Dieu: "Jésus Christ est Seigneur, à la gloire du Père"  [37].

 

Il doit donc être clair que la foi de l'Eglise Orthodoxe aux oeuvres n'est que l'expression de sa fidélité à la vie parfaite en Christ. A cette vie parfaite appartiennent tout le vouloir du Christ et toute son activité, ou pour mieux dire, toute sa mission de compassion pour l'humanité entière. Les oeuvres ne sont donc pas des actes isolés, accomplis par la volonté humaine pour satisfaire le moi.

 

Dans la pensée de l'Eglise, l'importance des oeuvres se fonde sur le fait que toute oeuvre doit jaillir de la volonté du Christ et être accomplies par sa puissance: "Je peux tout en celui qui me fortifie" [38]. Les oeuvres doivent nécessairement aboutir à la gloire de Dieu le Père. En d'autres termes, elles doivent le révéler et lui rendre témoignage: "Qu'en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux"  [39].

 

Pour l'Eglise Orthodoxe, "la foi et les oeuvres" sont donc inséparables de la personne vivante du Christ qui est la source de la foi aussi bien que des oeuvres dans la vie de l'homme. Et si le but ultime de la foi comme des oeuvres est la glorification de Dieu le Père, cela revient exclusivement et ontologiquement au Christ: "Jésus Christ est Seigneur, à la gloire du Père".

 

Le critère d'authenticité des oeuvres, qui fait qu'elles sont accomplies en Christ et pour la gloire du Père, c'est la parfaite imitation du Christ dans chaque parole, chaque action et toute notre conduite. En tout, nous devrions invoquer par la prière l'Esprit du Christ, afin que nos oeuvres soient purifiées de toute imperfection provenant de la volonté propre ou d'une pensée toute humaine, que nos oeuvres soient pures de toute flatterie, hypocrisie, fausseté, opportunisme, amour de soi, qui les privent d'efficacité, de fruit et en font des "oeuvres mortes"  [40].

 

 

 

 

SANCTIFIEZ UN JEUNE [41].

 

 

Quand nous nous efforçons de progresser sur la voie étroite, il nous faudrait, pour pouvoir persévérer en dépit des difficultés, être bien conscient que nous marchons à l'ombre de la Croix. Pour atteindre la persévérance, il est essentiel que les sacrifices que nous offrons soient vraiment offerts par amour.

 

Vous savez que quand nous progressons sur la voie étroite, nous courons le double risque soit de tomber à gauche, dans le péché de désespoir, soit à l'inverse, à droite, dans le sentiment de notre héroïsme, de notre perfection dans la vertu. Et nous n'atteignons le véritable amour qu'en évitant ces deux dangers qui menacent notre progrès sur la voie étroite. Nous n'y parviendrons qu'en découvrant comment maîtriser notre moi et réaliser notre amour. Ne nous attristons pas au sujet du moi, de peur de tomber dans le désespoir; ne nous félicitons pas, de peur de tomber dans ce sentiment d'héroïsme que les saints appellent "la vaine gloire".

 

Si nous approfondissons l'essence de l'amour divin, modèle de l'amour que nous voulons vivre, nous découvrons qu'il ne s'est réalisé qu'en "se reniant soi-même"  [42], en s'abandonnant jusqu'à "se perdre"  [43], comme nous l'avons appris du Christ en croix, mais aussi de toute sa vie. Pour aller plus loin dans l'amour, il nous faut pratiquer la "haine de soi" [44] jusqu'à ce que nous ne nous préoccupions plus de nous mêmes, ni d'aucune de ces choses du monde que nous considérions jusqu'alors comme un gain.

 

Le jeûne est une épreuve par laquelle la personnalité défie le "moi". C'est un excercice dans lequel le "moi" doit être abandonné par l'être tout entier, qui lui résiste. On peut donc considérer le jeûne comme un acte d'amour d'ordre supérieur, une manière physique d'entrer dans l'expérience de la croix et qui fait partie intégrante de cette expérience.

 

La vie de l'Esprit Saint grandit en nous si nous sommes "conduits par lui dans le désert"  [45] du jeûne, comme un agneau est conduit au sacrifice, pour y subir la destruction - au moins partielle - de notre "moi". Le renouveau en nous de la vie de l'Esprit est lié à la façon dont nous parvenons à nous conformer à l'image de cet amour sacrifié. Un tel jeûne est la première épreuve à franchir, si nous voulons suivre la route de la croix jusqu'au bout.

 

Vous savez bien que l'effort du jeûne porte surtout sur le corps, qui est le "lieu physique" où se concentre le moi, et où il révèle sa nature et ses désirs. Ainsi, quand nous jeûnons, en "traitant durement le corps"  [46], nous affaiblissons indirectement le moi [47]; et si en traitant durement le corps, nous affaiblissons le moi, nous approchons de la "perte du moi", au moins partielle.

 

Ainsi, en jeûnant, nous accomplissons dans une certaine mesure la parole du Seigneur "Qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera".  Mais je voudrais corriger le mot "partielle", car ce qu'il nous faut viser, c'est la perte  "totale", et pas seulement "partielle", du moi. Et cette perte ne peut se réaliser qu"en intention. En d'autres termes, si nous entreprenons un exercice quelconque - comme le jeûne - qui nous amène à la perte partielle du moi, il nous faut compléter cela par la perte totale du moi. On obtient celle-ci en acceptant positivement l'idée de la mort, sans trouble, ni restriction. Car "nous portons en nous-mêmes notre arrêt de mort, pour que nous ne mettions plus notre confiance en nous-mêmes mais en Dieu"  [48].

 

Quand notre père Abraham a offert Isaac, son fils, il l'a offert de ses propres mains partiellement, mais, en intention, totalement. Lorsqu'Abraham a manifesté qu'il acceptait d'offrir totalement Isaac, son fils unique, Dieu ne l'a pas laissé achever son sacrifice, mais il s'est contenté  d'une offrande matériellement partielle et a considéré qu'Abraham avait rééllement sacrifié son fils. C'est pour cette raison - et seulement pour cette raison - que Dieu a racheté Isaac avec un bélier, qui représente le Christ, lequel devait racheter tous ceux qui avaient sacrifié leur "moi" partiellement par leurs actions, mais totalement en intention.

 

Quand Abraham a offert Isaac, son fils, il l'a échangé, conformément au dessein de Dieu, contre un bélier. Cela signifie la destruction du corps en rançon pour l'âme. De même, lors de l'épreuve du jeûne (ou en tout autre acte de renoncement, fondé sur le sacrifice et la rançon) nous sommes appelés à ne pas avoir "pitié de nous", mais à offrir totalement, en intention, notre moi et notre corps. Ceci signifie que nous devrions être prêts à accepter à tout instant une sentence de mort, bien plus à l'aimer intérieurement comme une source de vie.

 

Mais Dieu veille pour empêcher la destruction d'atteindre l'âme. Dieu rachète l'âme: "Béni soit Dieu qui a racheté mon âme"  [49]. Le Christ, béni soit son Nom, a racheté nos âmes. Il n'y a donc aucune crainte à avoir en envisageant la destruction de notre moi, comme si nous devions chercher nous-même un bélier à offrir à notre place. Cela signifierait que notre offrande était incomplète, notre intention défaillante et hésitante. Quand l'intention atteint le complet reniement du "moi", qu'elle consent à la complète perte du "moi", nous voyons le doux bélier attaché à l'arbre par les clous, offert au bon moment par notre Père compatissant, pour "que tout homme qui" l'aime et "croit en lui ne périsse pas"  [50].

 

Cela signifie que tout ce que nous offrons au lieu de nous offrir nous-même sera rejeté. Si nous cherchons autour de nous quelque bélier à offrir au lieu de notre "moi", nous perdons la promesse faite à jamais en Isaac, nous perdons le Christ lui-même. Quiconque n'offre pas totalement sa vie, quiconque s'effraie à l'idée de se sacrifier - et donc à la perspective de la mort - et voit sa volonté défaillir et rejeter la mort, cherchant à l'éviter par l'offrande d'un sacrifice extérieur, un service ou une somme d'argent - ou par tout autre stratagème pour éviter de sacrifier son "moi" - perd ainsi sa part en Christ, le Rédempteur, car le Christ rachète de la mort ceux qui ont accepté la mort.

 

En faisant l'expérience de la perte de notre "moi", nous ne devons donc pas avoir "pitié de nous-même", et notre foi ne doit pas vaciller. Il ne faut pas que cette expérience soit incomplète. Rien ne sert de la remplacer par le don d'une somme d'argent ou quoi que ce soit d'autre au monde; ni même par le monde tout entier, car l'âme est plus précieuse que toutes choses. Il n'y a rien qui puisse être offert en rançon pour l'âme, sinon le Christ, que son nom soit béni! Lui seul a estimé toute âme humaine à la valeur de sa personne divine,  son amour créateur l'a conduit à y condescendre humblement.

 

Mais, répétons-le encore, le Christ, béni soit son Nom, ne peut devenir rançon pour une âme humaine, à moins que l'homme n'offre son âme sur l'autel de l'amour, étant comme mort au monde, faisant de toute sa volonté une offrande totale, s'abandonnant lui-même ouvertement pour toujours, levant le couteau de sa propre main avec détermination et une intention sincère, prouvant ainsi qu'il a accepté la mort.

 

Toute épreuve, tout combat contre le moi, tout jeûne dans lesquels l'homme n'atteint pas ce degré de renonciation à soi (celui que nous voyons chez Abraham levant le couteau pour sacrifier Isaac son fils unique, ou en Dieu abandonnant son Fils unique, le bien-aimé, cloué à la croix) ne le rendent pas digne de la rançon préparée par Dieu en échange d'une âme ainsi offerte : le Christ. Car alors ce combat n'est plus un combat, ce jeûne n'est plus un jeûne pour la perte du «moi», selon le précepte, mais se réduit à une simple manière de cajoler le «moi» et de renforcer son pouvoir.

 

Le Seigneur a jeûné à un degré extrême. Il accomplissait dans la chair et par la chair ce qu'il avait déjà accompli en s'incarnant: il se "vidait de lui-même", il "s'anéantissait lui-même"  [51]. Cet anéantissement de lui-même, Il l'a accompli de bien des manières, mais tout particulièrement par le jeûne, car, par le jeûne, il a mystiquement mais réellement offert son corps en sacrifice. Le jeûne qu'il a entrepris et au cours duquel il a fait l'expérience extrême de la faim et de la soif pendant quarante jours a prouvé sa volonté évidente et sincère d'accomplir le sacrifice total.

 

En fait, le Seigneur a offert son corps en sacrifice, dès avant la Croix. Quand il a présenté son corps à ses disciples lors de la Cène, il l'a offert crucifié par un acte de sa propre volonté, avant qu'il ne soit crucifié par la main des pécheurs. Il l'a sacrifié en intention, avant qu'il ne soit sacrifié par les responsables du peuple. Si le Christ a dit: "Prenez, mangez, ceci est mon corps livré... Prenez, buvez, ceci est mon sang versé..."  [52], c'est parce qu'il avait intérieurement atteint cet état où il avait définitivement disposé de son âme. Il s'était déjà sacrifié, il avait déjà versé son sang de par sa propre volonté et selon son intention, comme son jeûne l'atteste et le prouve. Il eût été difficile au Seigneur, assis avec ses disciples, mangeant et buvant avec eux, de dire: "Ceci est mon corps livré... ceci est mon sang versé..." s'il n'avait réellement vécu ce sacrifice, certes de façon mystique, comme dans le jeûne.

 

Le Seigneur s'est crucifié "au monde"  [53], avant que le monde ne le crucifiât.

 

Il a accompli l'offrande de son corps, de son "moi", en sacrifice pour le monde, aussitôt après avoir été baptisé et sous l'impulsion de l'Esprit Saint. Il a obéi avec joie et est allé subir l'épreuve du jeûne. C'est l'aspect volontaire de la croix.

 

Ainsi, le Seigneur a eu soin d'instituer et de célébrer le rite de l'eucharistie avant la croix et non après la résurrection, pour bien montrer le caractère volontaire de son sacrifice et de son offrande.

 

Le corps mystique offert à la Cène, sous la forme du pain et du vin, est l'exemple le plus haut que l'homme connaisse de l'invisible rendu visible, du futur actualisé dans le présent. Dans l'A.T. la prophétie ne pouvait offrir au peuple qu'une image mentale d'événements situés dans un futur voilé; la prophétie offerte par le Christ dans le N.T. c'est la bonne nouvelle du futur accomplie dans le présent, la réception concrète de l'invisible et de l'intangible : "Prenez et mangez... Prenez et buvez... Ceci est mon corps... Ceci est mon sang...". Je voudrais bien que vous remarquiez que ces paroles ont été dites un jour entier avant la crucifixion. Le Seigneur voyait que les événements tout proches étaient en plein accord avec sa volonté. Il voyait la croix dressée et, sur celle-ci, le corps sacrifié et le sang répandu; il se voyait, agréant tout celà. Et c'est ainsi qu'il a pris le pain et l'a empli du mystère du corps brisé, qu'il a pris le vin et l'a empli du mystère du sang versé, qu'il en a nourri ses disciples. Ils ont mangé de ses mains le mystère de sa volonté et ont bu au mystère de son amour, de ses souffrances, au mystère du salut.

 

Alors donc que nous participons au mystère du corps et du sang dans l'eucharistie, nous ne participons pas seulement à la croix, mais à une vie intérieure livrée et à un corps qui s'est exercé au jeûne sévère, à la misère et la souffrance.

 

Si nous nous trouvons confrontés à une des nombreuses épreuves qui nous attendent chaque jour lorsque nous témoignons de la vérité, nous communions avec Celui qui "a été ainsi traité"  [54], nous participons à son oeuvre. Nous ne faiblissons pas, car la communion à la chair et au sang est une expression implicite de la communion à toute la vie du Christ, dans laquelle abondaient les épreuves, le jeûne et les souffrances.

 

Quand le Seigneur Jésus a offert son corps le Jeudi, déjà sacrifié par un acte délibéré de volonté, avant même d'être crucifié le Vendredi, il puisait la force de ce geste dans tout ce qu'il avait déjà vécu. La croix elle-même ne fut que l'expression d'une réalité antérieure, puisque le Christ s'était crucifié au monde avant d'être crucifié par lui. La crucifixion constitue en apparence le dernier acte du Seigneur, mais en fait ce fut le thème de sa vie tout entière, à partir de l'épreuve du jeûne, où il a offert son corps en sacrifice, par la faim, et son sang, par la soif, pendant quarante jours entiers.

 

Moïse a jeûné pendant une semblable période de quarante jours, mais afin de se préparer à recevoir les Commandements de la Torah, la parole de Dieu mise par écrit. Elie aussi a jeûné pendant quarante jours, mais afin de se préparer à rencontrer Dieu et à le voir. Le jeûne de Moïse et celui d'Elie leur a été profitable et il l'a été pour l'humanité. Le Seigneur Jésus, Lui, n'a pas jeûné pour recevoir quelque chose, mais pour s'offrir lui-même librement, volontairement comme dans une anticipation du sacrifice de la Croix.

 

Quant à nous, nous jeûnons, non pour recevoir - ni pour offrir - quoi que ce soit, car nous avons reçu le Christ et, en Lui, nous avons déja tout reçu, avant de jeûner, ou plutôt avant même d'être nés.

 

De même nous ne jeûnons pas pour offrir quelque chose, car aucune offrande de notre part, même si nous allons jusqu'à la mort, n'a le pouvoir d'enlever un seul péché. Nous ne pouvons dire que notre jeûne soit rédempteur, comme si en sacrifiant notre corps par la faim et et notre sang par la soif nous pouvions racheter la plus petite âme de l'humanité ou nous-même. Pourquoi? Parce que le péché, en nous, annule l'acte rédempteur et rend notre sacrifice impuissant.

 

Qu'est-ce donc que notre jeûne?

Nous jeûnons et offrons notre corps en sacrifice; l'aspect extérieur de cette offrande est l'effort corporel, mais sa réalité profonde est l'acceptation volontaire de la mort par l'intention, afin d'être trouvés digne de nous unir mystiquement à la chair et au sang du Christ. C'est alors que, dans le sacrifice du Christ, nous devenons nous-mêmes un sacrifice pur, capable d'intercéder et de racheter.

 

Aussi le jeûne, qui constitue un sacrifice incomplet à cause du péché, doit se terminer par l'eucharistie, par la participation à la chair et au sang très purs, pour devenir un sacrifice parfait, une prière d'intercession efficaces. Chaque communion à l'eucharistie doit être précédée par le jeûne et chaque jeûne doit s'achever par la sainte communion. Quand nous communions ainsi, nous pouvons valablement intercéder, car notre offrande et notre sacrifice ont été rendus parfaits. C'est ainsi que la Liturgie Copte dit: "Priez pour recevoir dignement la communion, Priez pour nous et pour tous les chrétiens".

 

Pendant le Carême, nous nous préparons à la dernière Cène, "nous préparons le semblable au semblable" [55]. Comment ceux qui ne se sacrifient pas eux-mêmes pourraient-ils recevoir valablement celui qui a sacrifié sa vie? Si nous mangeons un corps sacrifié et ne nous sacrifions pas nous-même, comment pouvons-nous prétendre être unis à lui? La Cène mystique du Jeudi, qui est l'acceptation volontaire d'une vie de sacrifice, n'est qu'une préparation à l'acceptation de souffrances réelles, même jusqu'à la mort.

 

Chaque fois que nous mangeons de ce corps et buvons de ce sang, nous sommes mystiquement préparés à proclamer la mort du Seigneur [56] et à confesser sa résurrection. On ne peut témoigner de la mort et de la résurrection du Seigneur, sans être prêt au témoignage suprême, au martyre; et chaque martyre comporte une résurrection.

 

Traduction de l’anglais Jacques Porthault
La Communion d’Amour
Père Matta El Maskîne

Spiritualité Orientale, N° 55-Abbaye de Bellefontaine


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[1]  Le jeûne est imitation du Christ, qui constitue la première partie de ce chapitre est paru, en arabe, dans la St Mark Rewiew, publiée au monastère de Saint-Macaire, en mars 1977.

[2]  Mt 9,9.

[3]  Mc 9,29.

[4]  Jn 1,31.

[5]  Mt 4,1.

[6]  Ga 2,20.

[7]  Ep 5,27.

[8]  2 Co 11,2.

[9]  Lc 1,27.

[10]  Jc 1,27.

[11]  1 Jn 2,16.

[12]  Jn 8,36.

[13]  Jn 15,4.

[14]  Mt 11,29.

[15]  Hb 6,20.

[16]  1 Co 15,23.

[17]  Jn 14,6.

[18]  Jon 8,12.

[19]  Mc 10,29.

[20]  Mc 10,21.

[21]  Mt 19,29.

[22]  Lc 14,26.

[23]  Mt 26,38.

[24]  Mc 10,28.

[25]  Lc 22,28.

[26]  Mt 5,16.

[27]  Mc 9,29.

[28]  Mc 14,38.

[29]  Lc 22,44-46.

[30]  Jn 15,20.

[31]  Mc 10,39.

[32]  Ac 21,13.

[33]  Ep 3,17.

[34]  Voir Mc 16,20.

[35]  Ph 2,13.

[36]  1 Co 10,31.

[37]  Ph 2,11.

[38]  Ph 4,13.

[39]  Mt 5,16.

[40]  Hb 6,1.

[41]  Sanctifiez un jeûne, qui constitue la deuxième partie de ce chapitre est paru, en arabe, dans la St Mark Rewiew, publiée au monastère de Saint-Macaire, en 1965.

[42]   Mc 8,34.

[43]  "Qui veut sauver sa vie la perdra

          et qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Evangile

          la sauvera".                (Mc 8,35)

       La perte de soi s'obtient par l'élimination de la volonté propre.

       Ce qui mesure l'élimination de cette volonté propre, c'est la mesure dans laquelle nous sommes prêts à subir la mort.

[44]   "Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère...

         et jusqu'à lui-même, il ne peut être mon disciple"

(Lc 14,26).

       La haine de soi signifie que nous nous efforçons intérieurement de délivrer notre véritable personnalité de l'esclavage du "moi", afin de pouvoir être uni à l'autre (qu'il s'agisse de Dieu ou d'un homme) dans un véritable amour.

[45]   Lc 4,1.

[46] 1 Co 9,27.

[47]   Affaiblir le moi s'obtient en entreprenant des activités qui ne sont ni agréables, ni désirables. Mais il ne s'agit que d'un effet secondaire du jeûne, non de son but principal, qui est l'amour.

[48]   2 Co 1,9.

[49]   2 Sm 4,9.

[50]   Jn 3,16.

[51]   Ph 2,7.

[52]   Lc 22,19-20.

[53] Ga 6,14.

[54]   Hb 10,33.

[55]   Cette expression, chère à l'auteur, veut dire que nous nous rendons semblable au Christ, pour que, par cette assimilation, il puisse se reposer en nous.

[56]   1 Co 11,26.

Matta el Maskine