La voie du silence
Des pistes pour méditer


par

Père Alphonse Goettmann



La divinisation

 

Ceux qui essaieront d'avancer dans cette voie pourront y intégrer tout leur corps. Mais là un guide est indispensable. Assis sur un petit banc ou sur les talons, comme le conseillent certains Pères, soit dans la verticale, soit au contraire le dos incurvé jusqu'à ce que le menton vienne se poser sur le sternum. Puis diriger le regard sur le milieu de la poitrine.

Dans la détente totale et l'attention la plus aiguë, faire descendre l'intellect dans le coeur et de là laisser jaillir la prière de Jésus, en y ramassant toute la force de notre être : corps-âme-esprit. Toute la visée est la, comme pour toute autre méditation ou prière : que l'intellect descende dans le coeur. Là est le centre de l'homme, la racine de sa substance humaine et en même temps, le locus Dei, trône de Dieu. « C'est par le coeur, dit Théophane le Reclus, que la vie divine se diffuse dans l'homme tout entier... et c'est par le coeur que l'homme entre en contact avec tout ce qui existe et peut saisir le secret même de l'univers... »

Le coeur est l'organe même de notre divinisation... C'est là que l'homme rencontre Dieu face à face. Aussi, tant que l'on ne prie qu'avec l'intellect dans la tête, on ne réalisera jamais une rencontre personnelle avec Dieu, ni avec qui que ce soit d'ailleurs. On peut s'imaginer un brasier ou une flamme, une lumière dans la région du coeur.

Même si l'on recommande parfois de diriger la concentration vers l'ombilic (le nombril) ou de « pousser le Nom de Jésus jusque dans les entrailles » selon certains Pères, c'est toujours le coeur qui reste le point culminant de toute maturité spirituelle. Il est le centre intégrateur du haut (intellect) et du bas (entrailles), le Lieu où l'Homme redevient un. Le coeur s'ouvre quand l'homme a des racines terrestres (Hara) et que l'intellect accepte de descendre de son autonomie indue.

D'autres Pères hésychastes synchronisent respiration et répétition du Nom. Il faut « coller à notre souffle le Nom de Jésus », dit saint Jean Climaque comme si « la prière était continuellement respirée », écrit Hésychius. Concrètement, d'après la tradition byzantine, on peut dire Seigneur Jésus Christ Fils de Dieu sur l'inspir : et aie pitié de moi pécheur sur l'expir. Si la respiration est trop courte au début, partager la phrase en quatre : sur l'inspir Seigneur Jésus Christ, expir : Fils de Dieu, inspir : aie pitié, expir : de moi pécheur. Aspirer doucement l'air avec les paroles.

En général, à moins d'une grâce exceptionnelle, l'invocation du Nom est d'abord extérieure : on la prononce avec les lèvres et les cordes vocales ; puis elle pénètre dans l'intellect pour devenir mentale : on la prononce alors sans les lèvres ni la participation des cordes vocales ; ensuite elle s'intériorise en descendant dans le coeur où sa répétition se fait de plus en plus spontanément et sans effort volontaire ; enfin, dernière étape, le méditant est entièrement saisi par la grâce qui désormais est l'auteur de la prière, remplissant le coeur d'amour et de lumière.
Ce sont là les degrés habituels de ce chemin, où chaque pas doit être respecté, sans en sauter aucun. Rien dans ce domaine ne peut être le résultat de notre effort volontaire, rien surtout n'oblige la grâce à être au bout d'une technique psychosomatique. La vraie prière est don gratuit accueilli dans la foi et le repentir. « Plus profond est le repentir, plus court est le chemin », dit le staretz Sophrony, « voilà son unique fondement ». D'où la nécessité d'une lutte sans merci contre tout ce qui fait barrage : toutes les passions qui assiègent notre coeur, dont la première est l'orgueil.

« Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu ! » (MAT 5,8). C'est toute l'oeuvre du retournement de la conscience et du renversement des idoles, la métanoia. Combat ascétique et prière sont inséparables, l'un ne cesse de provoquer l'autre, la réalisation de l'un étant la condition de l'autre et vice-versa. Aussi la prière ellemême est-elle déjà une véritable ascèse. « Le nom du Seigneur descend profondément dans le coeur », dit le moine Chrysostome, « il écrase le dragon et vivifie l'âme ».

Il faut que notre coeur absorbe le Seigneur et que le Seigneur absorbe notre coeur et que tous deux deviennent un. La prière de Jésus pose donc son levier à la racine même de nos passions. Elle entre d'abord dans notre vie « comme une lampe, dans les ténèbres, puis c'est comme un clair de lune, enfin c'est le lever du soleil » (HÉSYCHIUS). A mesure que le démon dénoue ses amarres, nous sommes « incorporés au Christ et devenons sa substance ! » (SAINT SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN).
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