La voie du silence
Des pistes pour méditer


par

Père Alphonse Goettmann



La sensation du divin

 

Dans l'assise méditative, l'exercice de détente dans le sentir du corps, une fois que l'on a atteint une certaine profondeur et un bien-être à entrer dans son corps, sous la peau en quelque sorte avec toute sa conscience, demeurer longuement et sans résistance dans la lourdeur de ses membres ; là, goûter le corps que je suis, percevoir avec toutes mes fibres le changement profond qui s'introduit peu à peu dans ma manière d'être là : cette absence de frontières, l'exclusion du moi dominateur, une chaleur inhabituelle qui n'a rien à faire avec la température du corps, le sentiment d'une force mystérieuse qui me porte et me soutient, l'impression d'une remise, d'un abandon total ; je ne m'appartiens plus et pourtant je suis plus moi que jamais, intensément recueilli en moi-même et cependant relié à tout l'univers...

Ouverture de tout mon être à ce qui le dépasse infiniment, comme s'il venait de répondre à l'invitation secrète mais permanente du souffle de l'Esprit au fond de son cœur : « Epheta - Ouvre-toi ! » (Mc 7,34).

Et, en effet, la profondeur de chaque sensation, dirait Vittoz, est une recréation de soi, une véritable marche vers la liberté, c'est-à-dire l'éveil de la personne sous les cendres du petit moi. La détente au sens initiatique, loin d'une simple relaxation musculaire, ouvre les portes du mystère intérieur et offre le corps comme lieu d'alliance avec Dieu. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Apoc 3,20)... « Offrez vos corps à Dieu... le corps est pour le Seigneur... Ne saviez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu ? » (Rom 12,1 ; 1 Cor 6,13).

Mais, s'il est vrai que notre corps est le sanctuaire de la Présence divine, on peut dire avec saint Grégoire Palamas que nous sommes « chair de Sa Chair et os de Ses Os »... Dieu cesse enfin d'être un fantôme pour l'homme, nous pouvons le toucher (Lc 24,39) ! On ne le rencontre pas dans des abstractions ou des mots, « ne rabâchez pas » dit le Christ (MT 6,7), « touchez-moi ! » (Lc 24,39). S'il est en effet sorti de l'Abîme infranchissable de ce que « nul oeil n'a vu, nulle oreille entendu », c'est précisément pour devenir chair et s'assimiler à nous afin que nous puissions « voir Sa Majesté de nos propres yeux » (2 P 1,16), « l'entendre de nos oreilles » (MT 13,9 et 16), « le toucher de nos mains » (1 JN 1/1), le sentir avec tout notre être... et nous « laisser saisir par Lui ».

Cette méditation par le sentir va de l'extérieur vers l'intérieur, de notre surface vers la profondeur. La sensation, telle une vague de l'océan, selon la belle image d'Aurobindo, est éphémère : elle apparaît et disparaît, ne dure qu'une fraction de seconde, mais comme la vague est reliée à l'immensité profonde de l'océan tout entier, ainsi la sensation est reliée à l'infini de notre conscience intérieure et, s'il y demeure pour l'approfondir, le méditant entre peu à peu dans ce que Claudel appelle, à la suite des Pères, la sensation du Divin... Le sentiment d'une Présence ineffable au contact du Mystère qui l'imprègne jusque dans la moindre de ses cellules. Comme le feu qui pénètre le fer lorsque celui-ci est jeté dans le brasier : le fer garde la substance du métal mais il devient et réalise le feu qui l'habite et le transfigure littéralement.

Cette parabole merveilleuse utilisée pour la première fois par saint Macaire le Grand résonne à travers toute la tradition chrétienne, de l'Orient à l'Occident. Aujourd'hui comme hier, le Christ nous invite à gravir la Sainte Montagne pour entrer avec Lui dans ce feu divin. La méditation nous en ouvre le chemin concrètement...


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