Rappelons
ce menu événement, qui fut un signe: en 1923, lorsque
s'achevait le massacre des habitants de la "petite Arménie
", en Cilicie, des Arméniens fugitifs arrivèrent
à Corfou. Ces réfugiés n'avaient avec eux aucun
prêtre.
Le métropolite
orthodoxe de l'île leur donna la communion.
C'était
le futur patriarche Athénagoras.
LUI
Avec
les Églises antéchalcédoniennes, rien n'empêche
l'union dans un bref délai.
Ces
Églises ont préservé des structures, une spiritualité,
une doctrine fondamentale qui sont celles de la grande époque
patristique.
Leur
vie liturgique et leurs coutumes sont souvent plus proches de la pratique
apostolique que nos rites byzantins actuels.
Le
fait même qu'elles aient survécu pendant plus de quinze
siècles dans un monde hostile, isolées du tronc principal
de la chrétienté, est le meilleur témoignage de
l'authenticité de leur foi.
MOI
Depuis
que nous avons engagé avec elles un dialogue théologique,
nous avons vérifié ce que certains soupçonnaient,
c'est-à-dire qu'elles ne sont nullement monophysites.
Quand
elles parlent, avec Cyrille d'Alexandrie, d'une seule nature du Christ,
elles veulent dire une seule réalité existentielle, personnelle.
Mais
le contenu de cette réalité est divino-humain, avec un
accent très fort, il est vrai, mis sur la chair déifiée
du Seigneur; c'est que la chair, dans ce langage archaïque proche
de la Bible, signifie l'humain tout entier, et, bien entendu, le cosmique...
Le
drame de ces Eglises est leur éloignement culturel après
Chalcédoine...
Car
les grandes intuitions de Cyrille ont trouvé place dans les définitions
des conciles qui ont suivi.
Aujourd'hui,
les non-chalcédoniens découvrent la dialectique d'ensemble
des sept conciles et des élaborations byzantines,
notamment la synthèse palamite.
Ils
peuvent mesurer à quel point toute cette théologie "
chalcédonienne " est aussi "cyrillienne", centrée
sur l'acquisition réelle de l'Esprit par la participation au
" corps spirituel " du Christ.
Palamas
a même repris l'expression de la " chair de Dieu ",
" flambeau de verre " d'où rayonne la lumière
incréée, expression
chère à la pensée d'Alexandrie...
Au
fond, ce que nous exprimons avec plus de rigueur dans les notions de
personne (d'hypostase) et de nature, ils le suggèrent dans l'existence
concrète du Verbe incarné.
Là
où nous parlons de l' " union hypostatique " du divin
et de l'humain, ils parlent d'une seule réalité divino-humaine.
Là
où nous évoquons l'union, dans l'unique personne du Verbe,
de la volonté divine et de la volonté humaine, de l'énergie
divine et de l'énergie humaine, ils parlent d'un unique vouloir
divino-humain, d'un unique agir divino-humain...
En
précisant chaque fois que cette réalité, cet agir,
ce vouloir, expriment une " composition ", une " union
".
LUI
L'accord
n'est pas difficile.
Et
il n'y a aucun problème pour les structures ecclésiales:
c'est la même succession apostolique, le même sens de l'Église
comme mystère du Ressuscité, la même communion d'Églises
soeurs au sein de l'Église universelle.
Le
dialogue avec ces vieilles et nobles Églises a fait d'immenses
progrès depuis quelques années.
Discrètement, presque silencieusement.
Maintenant
il faut secouer l'inertie historique, et aboutir.
"
Regardez cette île, me dit à Halki le patriarche.
C'est
Proti, la " première " des îles des Princes qu'on
rencontre quand on vient de Constantinople.
Nous
y organisons pour nos jeunes un camp d'été. Mais il y
a beaucoup d'Arméniens à Proti, ils y sont maintenant
les plus
nombreux.
Ces
derniers jours, pour la Dormition de la Vierge, le patriarche arménien
est venu dans l'île.
Il
a été accueilli comme patriarche dans la principale église
orthodoxe.
Et
de jeunes Arméniens participent au camp d'été.
Ainsi
se prépare l'union, - de facto! "