Voici
le texte de la déclaration commune qui a été signée
le 10 mai par Paul VI et le patriarche Shenouda, dans la tour Saint-Jean,
au moment de la visite d'adieu du Pape au Patriarche, après que
le cardinal Willebrands en eut donné lecture
(1) :
Paul
VI, évêque de Rome et Pape de l'Eglise catholique, et Shenouda
III, Pape d'Alexandrie et Patriarche du siège de saint Marc,
rendent grâce à Dieu dans le Saint-Esprit qu'après
ce grand événement que fut le retour des reliques de saint
Marc en Egypte, les relations se sont développées entre
les Eglises de Rome et d'Alexandrie, au point qu'elles ont pu maintenant
se rencontrer personnellement. Au terme de leurs rencontres et de leurs
conversations, elles désirent déclarer ensemble ce qui
suit :
Nous
nous sommes rencontrés dans le désir d'approfondir les
re1ations entre nos églises et de trouver les moyens concrets
de surmonter les obstacles existant sur la voie de notre réelle
coopération au service de Notre-Seigneur Jésus-Christ
qui nous a donné le ministère de la réconciliation
pour réconcilier le monde avec lui-même (2 Co 5, 18-20).
La foi commune
En accord
avec nos traditions apostoliques transmises à nos Eglises et
conservées en elles, et en conformité avec les trois premiers
Conciles oecuméniques, nous confessons une seule foi en l'unique
Dieu un en trois Personnes, la divinité du Fils unique incarné
de Dieu, deuxième Personne de la Sainte Trinité, Verbe
de Dieu, splendeur de sa gloire et image fidèle de sa substance,
qui s'est incarné pour nous en prenant pour lui-même un
corps réel avec une âme raisonnable, et qui avec nous a
partagé notre humanité, à l'exclusion du péché.
Nous
confessons que notre Seigneur et Dieu, Sauveur et Roi de nous tous,
Jésus-Christ, est Dieu parfait pour ce qui est de sa divinité,
et homme parfait pour ce qui est de son humanité. En Lui sa divinité
est unie à son humanité; cette union est réelle,
parfaite, sans mélange, sans commixtion, sans confusion, sans
altération, sans division, sans séparation.
Sa divinité
n'a été séparée de son humanité à
aucun instant, pas même pendant un clin d'oeil. Lui, qui est Dieu
éternel et invisible, est devenu visible dans la chair et a pris
la forme de serviteur .
En Lui
sont conservées toutes les propriétés de la divinité
et toutes les propriétés de l'humanité, unies d'une
façon réelle, parfaite, indivisible et inséparable.
La vie
divine nous est donnée et est alimentée en nous par les
sept sacrements du Christ dans son Eglise: le baptême, le saint
chrême (la confirmation), la sainte eucharistie, la pénitence,
l'onction des malades, le mariage et les saints ordres.
Nous
vénérons la Vierge Marie, Mère de la vraie Lumière,
et nous confessons qu'elle est la Mère de Dieu toujours vierge.
Elle
intercède pour nous et, étant Theotokos (Mère de
Dieu), sa dignité dépasse celle de tous les choeurs des
anges.
Nous
avons dans une large mesure, la même conception de l'Eglise, fondée
sur les apôtres, et du rôle important des Conciles oecumeniques
et locaux.
Notre
spiritualité est bien et profondément exprimée
dans les rituels et dans la liturgie de la messe qui contIent le centre
de notre prière publique et le sommet de notre incorporation
au Christ dans son Eglise.
Nous
observons les jeûnes et les fêtes de notre foi.
Nous
vénérons les reliques des saints et nous implorons l'intercession
des anges et des saints, ceux qui vivent et ceux qui sont morts.
Ils
constituent une phalange de témoins dans l'Eglise.
Eux
et nous attendons dans l'espérance la seconde venue de Notre-Seigneur
lorsque sa gloire se révélera pour juger les vivants et
les morts.
Les
divergences théologiques
Nous
reconnaissons humblement que nos Eglises ne sont pas à même
de donner un témoignage plus parfait de cette nouvelle vie dans
le Christ à cause des divisions existantes qui ont derrière
elles des siècles d'histoire difficile.
En effet,
depuis l'année 451 après Jésus-Christ, ont surgi
des divergences théologiques qui ont été entretenues
et aggravées par des facteurs non théologiques.
Ces
divergences ne peuvent être ignorées.
Malgré
elles, cependant, nous nous redécouvrons comme des Eglises ayant
un héritage commun et nous nous efforçons avec détermination
et confiance dans le Seigneur de parvenir à la plénitude
et à la perfection de cette unité qui est son don.
Création d'une Commission mixte
Pour
nous aider dans cette tâche, nous créons une Commission
mixte représentant nos Eglises.
Elle
aura pour fonction de guider l'étude commune dans les domaines
de la tradition ecclésiale, de la patristique, de la liturgie,
de la théologie, de l'histoire et des problèmes pratiques,
de telle sorte que, par un travail commun, dans un esprit de respect
mutuel, nous puissions chercher à résoudre les divergences
existant entre nos Eglises, et que nous soyons capables de proclamer
ensemble l'Evangile d'une façon correspondant à l'authentique
message du Seigneur, ainsi qu'aux besoins et aux attentes du monde d'aujourd'hui.
En même
temps, nous remercions et nous encourageons les autres groupes de pasteurs
et d'érudits catholiques et orthodoxes qui se consacrent à
des activités communes dans ces domaines et d'autres qui leur
sont connexes.
Le prosélytisme
Nous
rappelons avec sincérité et insistance que la vraie charité,
enracinée dans une fidélité totale à l'unique
Seigneur Jésus-Christ et dans le respect mutuel des traditions
de chacun, est un élément essentiel de cette recherche
de la communion parfaite.
Au nom
de cette charité, nous rejetons toutes les formes de prosélytisme,
dans le sens d'agissements par lesquels des personnes cherchent à
troubler les communautés des autres en recrutant parmi elles
de nouveaux membres par des méthodes ou avec des états
d'esprit contraires aux exigences de l'amour chrétien ou à
ce qui devrait caractériser les relations entre Eglises.
Que
cela cesse là où cela peut exister.
Catholiques
et orthodoxes doivent s'efforcer d'approfondir la charité et
de développer les consultations réciproques, la réflexion
et la coopération sur le plan social et intellectuel, et doivent
s'humilier devant Dieu, en suppliant Celui qui a commencé cette
oeuvre en nous de la porter à son achèvement.
Les Palestiniens
Tandis
que nous nous réjouissons dans le Seigneur qui nous a donné
les bénédictions de cette rencontre, nos pensées
se tournent vers les milliers de Palestiniens qui souffrent et sont
sans toit.
Nous
déplorons toute utilisation abusive des arguments religieux à
des fins politiques dans ce domaine.
Nous
désirons ardemment et nous cherchons une juste solution à
la crise du Moyen-Orient, de sorte que puisse prévaloir la vraie
paix dans la justice, spécialement sur cette terre qui a été
sanctifiée par la prédication, la mort et la résurrection
de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, ainsi que par la vie
de la Sainte Vierge Marie, que nous vénérons comme la
Theotokos. Que Dieu, auteur de tout don parfait, écoute nos prières
et bénisse nos efforts.
Au Vatican,
le 10 mai 1973.
(1)Texte
anglais dans l'Osservatore Romano du 11 mai 1973. Traduction et sous-titres
de la DG. Ce même numéro de l'Osservatore Romano publie,
sous le titre " Une visite d'espérance ", un commentaire
de la visite du patriarche Shenouda, dans lequel nous lisons, à
propos de la Déclaration commune :
[...] La foi dans le Christ, Fils de Dieu fait homme, a été
exprimée avec une clarté et une abondance d'expressions
qui peuvent peut-être étonner. Mais les disputes théologiques
du passé furent âpres et on a senti le besoin de déclarer,
sans aucune espèce d'équivoque, l'accord substantiel sur
ce point fondamental de la foi chrétienne. La Déclaration
indique des points de divergence, par exemple en ce qui concerne la
compréhension intégrale de la structure de l'Eglise. Cette
question, avec d'autres, est maintenant laissée aux spécialistes.
Mais pour assurer que ces études se fassent loyalement et contribuent
au rapprochement des deux Eglises, on a voulu créer une Commission
mixte pour les guider. Les membres de cette Commission seront choisis
d'ici peu et on espère que sa première réunion
pourra avoir lieu à la fin de cette année.
L'un des problèmes à affronter est la façon de
rendre un témoignage commun de la foi chrétienne devant
les problèmes du monde d'aujourd'hui sans créer de confusion
parmi les fidèles des deux Eglises et sans empêcher leur
rapprochement, mais bien au contraire en le favorisant [...] . (Traduction
de la DC, d'après le texte italien.)