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CESAIRE D'ARLES
ET LA CHRISTIANISATION DE LA PROVENCE

Actes des journées " Césaire "
(Aix-en-Provence - Arles - Lérins
3-5 novembre 1988, 22 avril 1989)

DOMINIQUE BERTRAND,
MARIE-JOSÉ DELAGE,
PAUL-ALBERT FÉVRIER,
JEAN GUYON,
ADALBERT DE VOGÜÉ

Ouvrage publié avec le concours
du Conseil général des Bouches-du-Rhône
Institut des Sources chrétiennes, Lyon

LES ÉDITIONS DU CERF, PARIS 1994

 

Les journées consacrées à Césaire d'Arles en 1988 et en 1989 dans les lieux mêmes où il a vécu et oeuvré ont permis à plusieurs spécialistes de faire le point à son sujet.

On trouvera dans ce livre le fruit de leurs recherches et l'écho de l'intérêt profond qu'elles ont suscitées.

 



Il y eut un temps où la France, à son tour, a rencontré l'Évangile comme une lumière d'intelligence et une force de bonté.

Ce sont les siècles -IIIe, IVe, Ve et VIe siècle- où elle est devenue chrétienne.

De cette Gaule qui se convertit une région est ici présentée la Provence.

Un reportage à plusieurs voix - extrêmement vivant - nous livre quelques secrets de ce qui s'est passé en ce temps-là.

Rien qui sente, sur les populations, quelque contrainte que ce soit.

Rien non plus qui ressemble à de la propagande, avec la présentation d'un christianisme au rabais.

Non, mais la simple beauté provençale de l'Évangile, des figures de moines, de moniales, de clercs, avec un arrière-fond de princes, de commerçants, de lettrés, d'années victorieuses ou
en déroute, de réfugiés.

Et ces peuples que rassemblent les grands évêques de ce temps.

Tout se concentre ici sur le visage et les mains de l'un d'entre eux.

Sa culture, son intelligence pastorale, sa bonté lumineuse.

Une dense époque, rude, mais fondatrice, s'exprime en ce portrait contrasté de Césaire d'Arles

Dans Arles, où sont les Aliscans,
Quand l'aube est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses

(Paul-Jean Toulet, Contre-rimes)

 

ISBN 2-204-05030-X


La vie de Césaire

   

(Extraits)

Rappelons-nous que Césaire est né en 470 à Chalon-sur-Saône, qu'il a passé deux ans dans le clergé de Chalon - de 487 à 489.

Puis il entre à Lérins, qui est dirigé par l'abbé Porcaire, et y reste dix ans; le temps de se détruire la santé, car c'est un jeune moine très zélé pour la règle et très austère pour lui-même, à tel point que, à force de jeûnes, il s'est rendu malade.

Son abbé l'a donc envoyé pour se soigner à Arles, et c'est là que, reconnu par son parent, l'évêque Eonius, il est ordonné prêtre et devient abbé d'un monastère dans une île près d'Arles qu'il gouverne pendant trois ans (500-502).

Il devient évêque en 502, et un de ses grands soucis dans toute sa carrière épiscopale, qui va durer quarante ans, est de fonder et d'assurer la subsistance d'un monastère de moniales qui sera dédié à saint Jean.

Il s'agit évidemment de saint Jean-Baptiste : ce nom provient probablement d'un ancien baptistère qui avait été inclus dans les bâtiments conventuels.

Il fonde ce monastère de Saint-Jean pour sa soeur et deux ou trois compagnes, et à la fin de sa vie, en 542, le succès de cette fondation est tel que celle-ci compte plus de deux cents moniales.


Ecrits

(Extraits)

Après avoir feuilleté sommairement les oeuvres monastiques, pour en dresser le catalogue, attachons-nous à mieux cerner les plus importantes.

Les Sermons aux moines (quatre sur six au moins) sont adressés à des communautés à l'invitation des abbés.

Le 4e sermon (236), est adressé aux moines de Lérins, c'est-à-dire à la communauté d'où sortait Césaire.

C'est un magnifique éloge de Lérins.

Le sermon 237, sur le bon exemple, est très général; il s'adresse aussi bien aux moines qu'aux vierges et aux clercs.

Le sermon 238, au contraire, traite d'un point tout à fait particulier : c'est un sermon sur le carême, comportant la recommandation très soulignée de lire, d'apprendre et de répéter les Psaumes.

Ce qui est frappant dans ces six sermons, c'est qu'ils s'adressent apparemment à des communautés bien constituées, qui n'ont pas de problèmes spéciaux importants, et auxquelles on se contente de donner quelques exhortations à persévérer dans les grandes vertus monastiques, qui sont pour Césaire au nombre de trois: l'humilité, l'obéissance et la charité.

" Ce sont les ailes de l'âme ", dit-il.

Tantôt les ailes sont l'humilité et l'obéissance, tantôt c'est l'humilité et la charité, tantôt l'obéissance et la charité, parce qu'un oiseau n'a que deux ailes!

Mais il y a tout de même trois ailes en tout: l'humilité, l'obéissance et la charité.

La Lettre aux moniales, quant à elle, n'est pas bâtie sur un schème bipartite, mais sur un schème finalement tripartite.

Il y a certes deux questions majeures.

Avant tout, la sauvegarde de la chasteté par la limitation des relations avec les hommes.

Ceci est bien dans la ligne de toute la littérature pour les vierges de l'Antiquité : Tertullien, Cyprien, Pélage, Jérôme, Augustin.

L'axe de la vie consacrée féminine est la sauvegarde de la chasteté.

Voilà le problème principal.

Le second est celui du renoncement aux biens matériels, qui doit être rapide et complet.

Nous pouvons encore noter que Césaire, sur le premier point, a un mot clé, jamiliaritas, qui désigne le danger majeur: la familiarité entre les deux sexes.

Il faut éviter toute familiarité avec les hommes.

Quant au deuxième point, Césaire insiste sur la nécessité de ne pas laisser ses biens à la famille, qui n'en a pas besoin, en général, mais de les laisser aux pauvres, car le Seigneur a dit: " Donne tes biens, vends tes biens et donne-les aux pauvres " et non pas à tes parents riches.

Voilà les deux points essentiels.

Mais à côté de ces points majeurs on trouve dans la Lettre aux moniales quelques éléments d'observance qui en font une sorte de première règle préparant la Règle des vierges.

Voici quelques-uns de ces points: la lecture jusqu'à tierce, selon une prescription reprise de Pélage; la simplicité du vêtement - avec les femmes, même consacrées, il faut toujours faire attention à ne pas tomber dans le luxe de la toilette; pour la nourriture, elle doit être mesurée.

Chose curieuse: presque rien n'est dit sur l'obéissance (une phrase seulement) et presque rien non plus sur la charité fraternelle.

On a l'impression que Césaire s'adresse à une communauté à peine constituée.

C'est un des indices qui font penser que cette lettre aux moniales date tout à fait des débuts de la fondation de Saint-Jean, si même elle est vraiment destinée, comme le titre l'indique, à cette communauté.

En tout cas, Saint-Jean n'est alors qu'une communauté tout à ses débuts .


Une lettre de Césaire à ses moniales

(Extraits)

" Gaudete ergo et exultate in Domino ", réjouissez-vous donc et exultez dans le Seigneur, vénérables filles, et rendez-lui constamment d'abondantes actions de grâces.

À lui qui, de la vie ténébreuse de ce monde, a daigné vous attirer et vous appeler au port tranquille de la vie religieuse.

Rappelez-vous constamment d'où vous êtes sorties et où vous avez mérité d'arriver.

Vous avez laissé avec foi les ténèbres du monde, et vous avez commencé à voir avec bonheur la lumière du Christ.

Vous avez maîtrisé le feu des passions, et vous êtes parvenues à la fraîcheur de la chasteté.

Vous avez rejeté la gourmandise, et vous avez choisi l'abstinence.

Vous avez répudié l'avarice et la luxure, et vous avez gardé la chasteté et la miséricorde.

Et, bien que jusqu'à la fin de votre vie, le combat ne doive pas vous manquer, cependant, Dieu aidant, nous sommes sûrs de votre victoire.

Mais je vous prie, vénérables filles, autant vous êtes sûres du passé, autant vous devez être vigilantes pour l'avenir.

En effet, tous les crimes et péchés reviennent vite en nous, si chaque jour nous n'en triomphons pas par de bonnes oeuvres.

Écoutez l'apôtre Pierre dire: " Soyez sobres et vigilantes car votre adversaire le Diable rôde autour de vous comme un lion rugissant cherchant à dévorer quelqu'un. "

Aussi longtemps que nous vivons dans ce corps, jour et nuit, avec l'aide et sous la conduite du Christ, résistons au diable .


La méditation du moine

(Extraits)

Le travail s'accomplit non seulement dans l'obéissance, mais en silence.

Ceci est très important.

Il n'y a pas ici une simple interdiction, toute négative, de parler, mais, positivement, la pratique capitale de la " méditation " au sens ancien du terme.

Il ne s'agit pas là de ce que nous entendons aujourd'hui par méditation, c'est-à-dire une cogitation, une réflexion qui se fait juste avec la tête; il s'agit de la répétition orale d'un texte de l'Écriture appris par coeur.

Le mot meditari, dans l'usage séculier, s'appliquait à l'exercice de l'avocat par exemple, du rhéteur , qui prépare son discours en le répétant.

Ce terme de " méditation " a été repris par les moines pour signifier l'exercice capital de la vie monastique qui est la répétition continuelle de textes de l'Écriture appris par coeur.

Je vous disais tout à l'heure que les heures de lectio du début de la journée étaient employées non seulement à lire, mais encore à apprendre par coeur.

Il s'agit de se meubler la mémoire de l'Écriture, de façon à pouvoir continuer, en dehors des heures de lecture, à écouter la Parole de Dieu - ce qui doit être l' occupation continuelle du moine et du chrétien.

Ainsi, tout en travaillant manuellement, on répète oralement et dans son coeur ces paroles de l'Écriture qu'on a apprises par coeur : " méditation de la Parole de Dieu ", ou encore selon une autre expression, " rumination des Saintes Écritures ".

Elle est très jolie, l'image de la rumination.

Il y a deux façons de manger, pour le moine comme pour l'animal.

L'une, qui consiste à prendre sa nourriture de l'extérieur; l'autre, qui consiste à ramener de sa panse dans sa bouche la nourriture déjà triturée.

Le moine pratique ces deux façons de se nourrir.

Il lit avec ses yeux, donc il prend du dehors sa nourriture; et puis il ramène de la panse de sa mémoire à son esprit et à sa bouche la parole qui y était contenue, et il la savoure, la rumine de nouveau.

Pour employer une métaphore moins pastorale et plus moderne, nous pourrions prendre l'image du transistor, ou plutôt de l'ouvrier qui part pour le travail avec son transistor.

Une fois sur son chantier, il ouvre son transistor et il écoute les choses plus ou moins intelligentes que lui dit la radio.

Le moine fait de même ; il arrive dans son atelier de travail avec son transistor intérieur, qui est sa mémoire meublée de l'Écriture, et, dès qu'il se met au travail, il ouvre son transistor et il écoute la Parole de Dieu d'un bout à l'autre de son travail.

Et non seulement il l'écoute mais il y répond, car toute méditation de la Parole de Dieu est ponctuée d'oraisons.

On ne peut pas s'arrêter longtemps, mais on essaie le plus souvent possible, même régulièrement, d'interrompre son travail par une oraison.

Et c'est très facile, si on rumine, si on médite la Parole de Dieu.

On entend Dieu continuellement, et, de temps en temps, on lui répond par la prière.

Voilà l'occupation fondamentale du moine toute la journée: le travail manuel et l'occupation spirituelle qui accompagne le travail des mains, et qui consiste tantôt à écouter la Parole de Dieu, tantôt à y répondre par l'oraison.

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