Dieu
et rien d'autre
Chaque
semaine, après un temps de prière, le patriarche copte orthodoxe
d'Alexandrie Shenouda III répond aux questions du peuple et donne
un enseignement devant plusieurs milliers de personnes dans sa cathédrale
du Caire. Cet article est retranscrit de ces conférences. Nous avons
gardé le style oral et le tutoiement qui rendent bien compte de
la proximité du patriarche et des fidèles égyptiens. C'est un pasteur
qui s'adresse à nous.
J'aimerais beaucoup vous parler d'un
sujet actuel : la position de Dieu dans la vie de chacun de nous.
Y a-t-il une relation entre nous et Dieu ? Quelle est la nature
de cette relation ? Quelle est sa profondeur et son étendue ? Est-elle
une relation claire ? Ou bien la passion et l'amour terrestres se
mêlent-ils avec elle ? Quelle importance donnons-nous à notre relation
avec Dieu, comparée avec les autres? Il
faut d'abord expliquer l'importance de notre relation avec Dieu.
Il existe des millions de gens dans
toutes les régions de la terre auxquels tu ne t'intéresses pas assez
pour établir avec eux une relation spéciale. Mais Dieu est le seul
être avec lequel il faut absolument rester en relation. C'est pourquoi
des privilèges uniques sont réservés à cette relation avec Lui.
Car ta relation avec Dieu est la seule
qui ne change pas mais qui dure.
Entre toi et un autre être humain que
tu rencontres, il ne peut y avoir de relation qui vous lie de façon
immuable sur cette terre ! Il est possible, et même probable, que
tu te sépares de lui sur terre, à un moment donné, que tu suives
dans la vie un chemin complètement différent du sien, et que tu
réalises qu'il s'agit d'une relation passagère. De même pour les
gens auxquels tu te mêles, il est probable que votre relation soit
limitée à un seul domaine qu'elle ne dépasse pas, et qu'elle se
termine à peine ébauchée.
Mais avec Dieu, ta relation est totale
et éternelle, elle n'est pas limitée à ta vie terrestre. Ta relation
avec Dieu comprend aussi ton éternité dans l'autre vie.
C'est une relation qui commence et qui
dure jusqu'en l'éternité, car Dieu qui t'a créé et prend soin de
toi a le droit de déterminer ton destin dans l'éternité et ta relation
avec lui dans l'au-delà. Bien sûr que cela diffère beaucoup de ta
relation avec les humains et les autres êtres. Même les hommes et
les anges avec lesquels tu auras une relation dans l'éternité auront
comme centre ta relation avec Dieu. C'est pourquoi examine-la, et
reconnais-la telle qu'elle est dans sa réalité pratique.
Ici je te pose quelques questions plus
en détails :
As-tu connu Dieu ? Ou bien ne le connais-tu
pas encore ? Si tu crois le connaître, quelle est la nature de cette
connaissance ? Quelle est sa profondeur ? Qui est Dieu par rapport
à toi ?
Est-ce que Dieu est une présence claire
dans ta vie ? Quel est le genre de relation qui te lie à Dieu ?
A-t-il la priorité absolue dans tes
intérêts, tes occupations et ton amour ?
Est-ce que Dieu est non seulement le
premier dans ta vie mais encore le tout ? Ou bien y a-t-il dans
ta vie une autre chose qui a de l'importance, à côté de Dieu ? Qu'est-ce
? Essayes-tu de te débarrasser de tout ce qui fait concurrence à
Dieu dans ton coeur pour qu'Il soit Lui, le seul, l'essentiel ?
Il y a des degrés dans ta relation avec
Dieu ; où en es-tu actuellement ?
Permets-moi de reprendre chaque question à part, pour la
discuter avec toi.
Connais-tu Dieu ? Quelle est la profondeur de cette connaissance ?
La question paraît étrange, car chaque
personne croit qu'elle connaît Dieu. Peut-être veut-elle simplement
dire que, selon elle, il existe un Dieu.
Nous ne voulons pas du tout de cette
connaissance superficielle, car Satan lui-même sait qu'il existe
un Dieu. Saint Jacques disait : Tu
crois que Dieu est Un ? Les démons le croient eux aussi et ils tremblent
(Jc 2, 19). Saint Jacques parle ici de la foi intellectuelle, morte,
qui est sans fruits et sans vie en Dieu...
Quelques existentialistes et matérialistes
(tels les épicuriens) reconnaissent qu'il existe un Dieu au ciel,
mais ils se moquent de cette connaissance en disant "Que Dieu
reste au ciel et qu'il nous laisse la terre pour que nous nous réjouissions".
C'est comme l'homme qui sait qu'il existe de l'électricité, sans
savoir vraiment ce que c'est, ni comment elle fonctionne, sans l'utiliser
dans sa vie. Mais nous, nous voulons arriver à une connaissance
utile et profonde dans tous les domaines.
Est-ce que tu connais Dieu par une connaissance
intellectuelle ? superficielle ? le connais-tu suffisamment ? Est-ce
que ta connaissance de Dieu trouve sa source dans les livres, les
prêches et les sermons ? Sans aucune expérience dans ta vie et dans
ton coeur ? Est-ce que tu entends parler de Dieu de la même manière
que tu entends parler de peuple qui vivent au loin, que tu n'as
ni vus ni fréquentés ? Est-ce que tu connais un Dieu qui se trouve
seulement à l'église ? Alors si tu en sors, tu ne le connaîtras
plus et tu ne le rencontreras pas !
Est-ce qu'il est simplement le Dieu
qui se trouve dans les instituts de théologie et dans les livres
sur la foi ? La chose la plus discutable dans la connaissance intellectuelle,
c'est qu'elle est sans relation avec la vie ! C'est pourquoi, elle
ne peut jamais suffire...
Elle montre Dieu de loin. Elle reste
incomplète si tu ne t'approches pas de Lui.
Mais si tu Le connais à travers le dialogue, la communion
et la vie avec Lui, alors tu peux vraiment le connaître comme le
Dieu qui vit en toi et qui ne se trouve pas seulement dans les livres.
Alors, tu ressens la présence de Dieu en toi et avec toi.
Sinon, tu vis le drame qu'a vécu saint Augustin, enfermé dans sa
philosophie, avant de connaître Dieu d'une connaissance réelle.
Il a parlé de cette situation tragique dans ses "Confessions",
lorsqu'il a dit au Seigneur : Tu étais avec moi, mais moi je n'étais pas avec toi à cause de mes tendances
si perverses. Dieu était avec lui, mais il ne le sentait pas.
Est-ce que Dieu est une présence claire et effective
dans ta vie?
Dieu est-il simplement une idée pour
toi ? Ou bien a-t-il une existence réelle que tu
ressens ? Est-il une présence effective dans ta vie ? A quelle profondeur
ressens-tu la présence de Dieu, son influence sur toi ? Qui est
Dieu par rapport à toi ?
En effet, la question que Jésus avait
posée à ses apôtres nous est toujours encore posée :
Qui
croyez-vous que je suis ?
Qui est Dieu, selon ta conception ? Quel est le genre de relation qui te lie à
Dieu ? Est-ce simplement une relation de demande de ta part et de
don de la sienne ? Est-il un caissier qui te fournit de l'argent
? Est-il celui qui pourvoit à ta nourriture, l'assistant qui te
donne du repos ? Et s'il n'accorde pas cette aide, je veux dire
si tu ne le ressens pas comme le Sauveur qui résout tes problèmes,
s'il ne parait pas les résoudre dans l'immédiat, n'y a-t-il plus
de relation entre toi et Lui ?
Pour toi, Dieu est-il seulement un moyen, ou bien est-il un but ?
Est-il juste un moyen pour arriver à
la réalisation de tes envies et de ta formation personnelle, simplement
un moyen de "prendre ? Existe-t-il un lien qui te lie à Dieu
en dehors du fait de recevoir ? Est-ce que chaque fois que tu restes
avec lui, que tu lui parles, c'est seulement pour lui demander quelque
chose ? Ou bien, au contraire, veux-tu lui offrir ton coeur, ton
temps, en lui disant :
Et ce que nous t'avons donné vient de ta main (1 Ch 29, 14).
Si tu veux prendre de Dieu... Est-ce
que ce que tu veux prendre et te réjouir avec Lui dans son amour,
ou bien prendre ses dons matériels et ses biens ?... Vraiment, Dieu
passe partout en bienfaiteur... Mais:
aimes-tu Dieu ou bien ses bienfaits ?
L'aimes-tu pour lui-même ou bien pour ses dons ?
Est-ce que tu te réjouis en Dieu seulement lorsqu'Il te donne
quelque chose, mais pas lorsque tu ne vois pas ses dons ?
Dans ce cas, tu es heureux à cause des
dons mais pas à cause de Dieu qui donne; le don est ton but et non
pas Dieu !Quand aimes-tu Dieu ? Lorsqu'Il donne et aussi
lorsqu'Il ne donne pas ? Pardon pour cette expression... Je veux
dire: lorsqu'Il donne et lorsque tu ne penses pas ou ne sens pas
qu'Il donne. Dieu, par sa nature, donne toujours, que tu le sentes
ou pas.
Croyez-moi, mes frères, si nous réalisons
combien Dieu donne avec persévérance, la vie toute entière ne suffira
pas pour Le remercier ! Nous connaissons seulement les dons apparents,
qu'en est-il des dons cachés ? Dieu nous a commandé de donner dans
le secret, Il nous donne, lui aussi, dans le secret. Si nous cherchons
ses dons cachés, nous les trouverons plus souvent que nous le croyons
ou le supposons...
Pour le moment, laissons de côté notre
discussion au sujet du don car notre relation avec Dieu ne doit
pas être basée sur le don.
As-tu peur de Dieu ?
Quelle est donc ta relation avec Dieu
en dehors du domaine de ton besoin de Lui ? Est-ce que ta relation
avec Lui est une relation de peur ? Est-ce que tu marches avec Dieu
et essaies d'obéir à ses commandements par peur de Lui... as-tu
peur de sa punition et de son jugement seulement... as-tu peur du
jour où tu te tiendras devant Lui et où Il réglera ses comptes avec
toi... as-tu peur de la surveillance de Dieu, Lui qui scrute les
pensées et les intentions, qui voit ce qui est au fond de ton âme,
où rien ne Lui est caché ?
Seul, le pécheur craint la punition
de Dieu. Es-tu encore dans cette période de la vie, où tu ne t'es
pas encore repenti, ni réconcilié avec Dieu ?
La Bible dit : Le
commencement de la sagesse est la crainte de Dieu. Es-tu encore
au début du chemin et n'es-tu pas encore arrivé à l'amour
qui jette dehors la crainte comme le dit Saint Jean ? (1 Jn
4, 18).
Est-ce que ta relation avec Dieu est
celle qu'on a avec un juge ? Est-il, par rapport à toi, simplement
un Seigneur et toi un esclave ? Dieu est-il un gouverneur qui te
domine et qui te donne des ordres et des interdictions appelés commandements
? Es-tu obligé de Lui obéir car Il est le Dieu fort, le tyran des
mains duquel on ne peut s'échapper ?
Soit tu es convaincu que ses commandements
sont des signes d'amour, soit tu ne l'es pas ! Si tu ne l'es pas,
alors tu vis encore sous l'esclavage. Tu n'es pas encore arrivé
à la vie de grâce et de pureté dans laquelle tu aimeras les commandements
de Dieu, de sorte que tu ne les trouves plus lourds. Alors, tu peux
dire avec David :
La loi du Seigneur est parfaite, elle rend la vie agréable.
Que tes ordres sont doux à mon palais, plus que le miel
à ma bouche !
Je me réjouis de tes ordres (Ps 119).
Dieu est amour
De même, es-tu arrivé à la conviction
que Dieu est un père pour toi ? au moins chaque fois que tu pries
et dis "notre Père" ?
Quelle est ta relation avec Dieu ? Est-elle
mise à l'épreuve ? Es-tu arrivé au niveau de la confiance avec Lui,
en son amour et en ses promesses ? Es-tu encore en train de l'examiner,
de le tenter par une exigence ou une autre pour voir comment Il
agira avec toi, s'Il t'accordera l'objet de tes requêtes ou pas...
tout cela pour déterminer ta relation avec Lui sur cette base ?
Alors, ou bien tu L'aimes, ou tu te
fâches avec Lui, tu te sépares de Lui, de son Eglise et de son livre,
la Bible; et tu commences à douter de ce que tu connais de Lui.
Tu sais que Dieu est amour. As-tu confiance
en cela et crois-tu que tout ce qu'Il fait envers toi est plein
d'amour, quelle qu'en soit l'apparence ? Quelle est ta relation
avec cet amour ? Est-ce que l'amour te remplit, amour envers Dieu
et envers les autres ? Alors, ressens-tu que Dieu agit en toi ?
De même, Dieu étant la vérité, quelle
est ta relation avec la vérité ?
Si tu es loin de la vérité, tu es loin de Dieu.
Je reviens encore une fois à ma question:
Est-ce que ta relation avec Dieu comprend la fidélité, l'amour,
et la vie en Lui ? Peux-tu dire de Dieu, comme dans le Cantique
des cantiques : Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi (Ct 6, 3).
Je sais que tu crois en Dieu étant donné
qu'Il est le créateur, le Seigneur, le pasteur, l'ordonnateur, et
tu Le considères ainsi. Mais Le considères-tu comme l'Ami de l'humanité
et l'Ami de ton âme tout spécialement?
Est-ce que ta relation avec Dieu est
arrivée au niveau de l'amour ?
Est-ce que ton amour pour Dieu lui donne
la première place dans ta vie, et à lui seul ? Lui dis-tu dans tes
prières : lorsque je T'ai connu, mon Dieu, et que j'ai goûté à ton
amour, tous les autres sentiments ont diminué en moi. Même tous
les autres amours, je les ai trouvés légers et superficiels. Ton
amour est le seul qui me remplit jusqu'au fond de moi-même !
Est-ce que ton amour pour Dieu te pousse
à rester avec Lui et à Lui parler ? Tes prières sont-elles devenues
pleines d'amour, enflammées par tes sentiments pour Dieu ? De même
pour tous les autres moyens spirituels, se sont-ils remplis de la
chaleur de cet amour divin ? Dans ce cas, ils ne sont plus de simples
pratiques ou des exercices spirituels mais sont devenus des expressions
de ce qui se trouve dans ton coeur ; tes sentiments à l'égard de
Dieu !
Heureux es-tu si tu es ainsi, et si
tu ne l'étais pas, réveille-toi avant que ne t'avertisse la Parole
de Dieu : Ce peuple ne s'approche de moi qu'en parole,
ses lèvres seules me rendent gloire, mais son coeur est loin de
moi (Is 29, 13).
Dans ta relation avec Lui, Dieu ne veut
que cet amour. Dieu ne demande que cela : Mon
fils donne-moi ton coeur... Lorsque Jésus-Christ a vu Pierre
après la résurrection, il ne lui a pas dit: pourquoi m'as-tu renié,
ou : comment as-tu faibli, ou : quelle était ton intention avec
ces jugements, ces imprécations et la phrase : Je
ne le connais pas ? Il lui a posé une seule question : Simon,
fils de Jonas, m'aimes-tu ? (Jn 21, 15).
Et lorsque Pierre répondit : Seigneur, toi qui connais tout, tu sais bien que je t'aime, le Seigneur
lui a dit : Sois le berger
de mes brebis. Pais mes brebis ! Il ne veut que cet amour.
Faut-il plusieurs exercices, ou un seul ?
A cette occasion, je me rappelle d'une
question qui m'avait été posée par un correspondant :
Chaque
fois que je lis la Bible, je découvre une vertu spéciale ; alors
je m'efforce de l'acquérir. Puis quand je lis de nouveau, je découvre
une autre vertu, puis une troisième, et ainsi de suite. J'essaie
de m'entraîner à pratiquer ces vertus, jusqu'à ce que je me trouve
embarrassé par leur nombre. Conseillez-moi, par où pourrais-je commencer
? Que choisir ? Car à force de pratiquer ces nombreux exercices,
j'en oublie certains, ou même la plupart !
Si l'homme s'attache à aimer Dieu, il
y trouvera tout.
C'est le seul exercice universel qui
te combleras, si tu le perfectionnes. A condition que ton amour
soit réel, profond et réfléchi, il te suffira. Tu n'auras pas à
te soucier d'autres exercices spirituels. Un amour par lequel le
coeur s'attache à Dieu et oublie toute chose à part Lui-même, lui
donnant la priorité sur tout désir ou envie.
Tout homme peut dire : "j'aime
Dieu". Mais alors on peut poser notre question précédente :
C'est bien d'aimer Dieu, mais est-il le premier, l'unique, dans
ton coeur ? Est-ce que l'amour de Dieu satisfait ce coeur ?
Dans ce cas, il n'a besoin d'aucun amour
supplémentaire ! Il est clair que si son amour est véritable, l'homme
y trouvera un parfait bonheur. L'amour véritable pour Dieu libère
la personne de tout besoin.
Notre amour pour Dieu se situe, dans
notre coeur, à une certaine profondeur ; s'il pénètre jusqu'au fond,
tous les autres amours flotteront à la surface ; et l'amour de Dieu
règnera sur l'ensemble.
Tout amour qui ne découle pas de l'amour
de Dieu disparaît ; et Dieu devient, Lui, notre tout. Ainsi, grâce
à l'amour pour Dieu, l'homme se libère. L'amour libère de tout désir
et de toute envie qui irait à l'encontre de Dieu. Tout désir auquel
l'homme s'attache l'attire et le lie. Au lieu que l'homme maîtrise
ce désir, c'est le désir qui tient l'homme. Le désir règne sur l'homme
qui perd ainsi une grande partie de sa liberté effective.
Comment l'homme peut-il se défaire des
attaches, des désirs et des envies ? Il se détache d'eux par un
amour plus fort, plus profond régnant dans son coeur, qui peut remplacer
toute autre passion puisque c'est lui le plus profond !
Il n'y a pas d'amour plus fort que le
véritable amour pour Dieu : c'est ce qui libère l'homme de tous
ses désirs et lui permet de se détacher de tout pour s'attacher
à l'Unique. Et il voit que tout ce qui est en dehors de Dieu n'est
pas un plaisir authentique. Dieu devient, Lui, l'unique objet du
désir de l'âme. Il n'y en a pas d'autre. C'est pourquoi l'un des
saints a dit cette parole à propos du repentir :
le repentir
est un amour qui en remplace un autre.
L'amour de Dieu a pris la place de l'amour
du monde, du corps et des choses matérielles. Est-ce que l'amour
pour Dieu dans ton coeur se trouve à ce niveau ? Est-ce qu'il t'a
libéré des envies ?
Même dans l'éternité, le bonheur éternel,
c'est Dieu ! Il n'y a de bonheur durable qu'en Lui, et aucun autre
bonheur ne saurait être le véritable... La félicité permanente et
complète en Dieu, c'est ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille
n'a pas entendu; voilà ce qu'est le vrai royaume : vivre avec Dieu,
en Dieu, pour l'éternité, sans limitation !
L'amour de Dieu libère l'homme des envies
et même de la peur. On veut dire par l'expression "des envies" qu'aucune envie
ne peut gouverner ou asservir l'homme soumis à Dieu. C'est ce qu'a
dit St Paul : Tout m'est permis,
mais moi, je ne me laisserai pas asservir par quoi que ce soit (1
Co 6, 12).
Elle est belle cette parabole de l'oiseau
qui trouve un endroit plein de grains ; il en recueille un ou deux,
puis s'envole, sans s'attacher à ce lieu ni chercher à amasser plus
que nécessaire. Ainsi, celui qui aime Dieu ne craint rien, car la
peur est liée aux désirs. L'homme est inquiet quand il découvre
en lui-même un désir qu'il craint ne pas pouvoir satisfaire. Il
a peur, peur de ne pas arriver à le maîtriser. Ou bien, ce désir
étant source de jouissance, il craint de le perdre. Mais celui que
l'amour pour Dieu a libéré, de quoi a-t-il peur ? Que craint-il
? Rien. Il chante avec St Augustin :
Je
suis assis sur le sommet du monde lorsque je sens en mon âme que
je ne convoite rien et que je ne crains rien.
Alors son coeur se remplit de force
et il dit avec St Paul :
Qui
nous séparera de l'amour du Christ ? La détresse, l'angoisse, la
persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive?... mais
en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous
a aimés (Rm 8, 35-37).
Les enfants de Dieu ont un coeur libre
à l'intérieur d'eux-mêmes. C'est l'amour de Dieu qui les a mis au
large. Il est entré dans leur coeur et leur a conféré la pureté
et la libération. Il leur a donné la force et le courage, il a enlevé
de leur coeur toutes les attaches des désirs. Ainsi, déliés, ils
sont libérés et deviennent, tous, plus libre qu'un rayon du soleil
ou qu'un souffle d'air...
Si on te demande : qui est Dieu par
rapport à toi ? Peut-être diras-tu : c'est mon amour. Sa
main gauche soutient ma tête, et son bras droit m'enlace la taille
! (Ct 2, 6). C'est une communion par laquelle je ne pense même
plus à posséder puisque c'est par elle que j'existe, que je vis
et que j'ai le mouvement. Cet amour n'est pas une simple idée. Il
existe dans mon esprit, mon sang et ma raison ; il est pour moi
le tout. Oui, c'est Toi Seigneur qui agis en moi et non pas moi
en Toi ; Tu es le souverain, Tu agis avec moi, par moi, et en moi.
Peut-être que je ne Te comprends pas, mais je Te saisis par mon
coeur. Je Te connais, mais mes paroles et ma langue ne peuvent pas
le dire. Les paroles sont trop faibles pour l'exprimer. Toi, Dieu,
tu n'es pas en dehors de moi mais Tu es en moi. Lorsque je pense
à Toi, je n'élève pas seulement mon regard, car Tu n'es pas en haut
dans le ciel. Tu es en moi, et je ne Te cherche pas au dehors !
Ainsi j'espère, mon Dieu, tout oublier pour que Tu restes, Toi seul,
à rassasier ma vie.
La multiplicité des pensées
Le problème de notre père Adam, ce fut
tout ce qui était entré dans son coeur et son esprit, en plus de
sa foi en Dieu ! Au début, Dieu était tout dans la vie d'Adam. Mais,
à cause du péché, d'autres pensées ont pénétré dans son coeur.
Satan lui a présenté la connaissance
pour elle-même, de sorte qu'il l'aime à la place de Dieu.
Il lui a présenté l'envie de se déifier sans Dieu; il l'a
séduit par la tentation de vouloir devenir, lui et Eve, des dieux
comme Dieu (Gn 3, 5). Il lui a présenté un arbre et un fruit à manger...
Il lui a montré le fruit qui était beau à regarder, bon à manger
et splendide pour les yeux. Ainsi, il a fait pénétrer dans sa vie
une chose nouvelle: la jouissance sans Dieu et le désir sans Dieu,
le plaisir de manger pour lui-même.
Bref, il lui a offert de nouvelles choses
qui entrèrent dans son coeur et s'établirent en lui, à côté de Dieu,
et qui prirent une plus grande importance que Dieu. L'homme sacrifia
Dieu pour elles...! Ainsi, Dieu ne fut plus le "tout"
en Adam mais il trouva en lui un concurrent.
Pour Adam, Dieu était devenu un être
parmi les autres !Dieu ne possédait plus tout l'amour
du coeur d'Adam, car dans ce coeur avaient pénétré aussi l'amour
de la connaissance, l'amour de la déification autonome, la convoitise
de la nourriture et la jouissance des sens. En résumé, "le
moi" était entré en concurrence avec Dieu, tant au point de
vue place que de l'importance. Puis avec la succession des jours
et des siècles, d'autres choses encore ont pénétré dans le coeur
des hommes au détriment de Dieu. Et plus l'amour de ces choses augmente
chez l'homme, plus son amour pour Dieu diminue.
Où donc se trouve le remède à une telle
situation ? Il est sans doute dans la décision d'abandonner toutes
ces choses logées à l'intérieur de notre coeur.
Dieu et rien d'autre.
Shenouda III, patriarche d'Alexandrie
Cet article est publié avec la bénédiction
d'Abba Marcos et d'Abba Athanatios, métropolite et évêque de l'Eglise
Copte Orthodoxe, représentants en France de sa sainteté le Pape
Shenouda III, patriarche d'Alexandrie.
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