extrait
du livre "Evangiles de l' oral à l'écrit" de Pierre
Perrier aux éditions du Jubilé
Croix pectorale monastique copte en cuir rouge
et noir. Il s'agit en fait d'une « croix d'évangélisation
» qui perpétue la tradition judéo-chrétienne. L'annonce
orale des douze Apôtres vers les quatre points cardinaux y est symbolisée
par trois perles sur chaque bras de la croix ; la perle centrale représentant
le Verbe en Marie dans l'Église-mère de Jérusalem avec
les quatre petites perles des quatre textes de référence évangélique
Extrait:
Pour annoncer la Bonne Nouvelle, les Apôtres
ont disposé d'un ensemble bien structuré de textes oraux qui
livraient la totalité de la Parole de Jésus. La caractéristique
de cet enseignement est d'être contenu dans des colliers de «
perles-récitations » qui se complètent et s'enrichissent
les uns les autres, de sorte que leur signification se dilate et devient de
plus en plus globale au fur et à mesure qu'on les assimile. C'est ce
qu'expriment symboliquement les 153 poissons de la deuxième pêche
miraculeuse. 153 est en effet la « gloire » de 17, c'est-à-dire
le nombre que l'on obtient en additionnant successivement les 17 premiers
chiffres (1+2+3+4 + 16 + 17 = 153). Or 17, c'est le nombre des colliers (d'à
peu près 14 perles-récitations chacun) que Marie et les disciples
ont fixés oralement et collectés. Ils en ont fait un filet bien
serré qui, pour ne laisser perdre aucun chercheur de vérité,
ne devaient laisser échapper aucun geste ni aucune parole essentielle
de la prédication de Jésus. Le produit de ces additions arithmétiques
successives évoque, par analogie, l'extrême amplification de
sens que doit produire la succession de ces colliers, quand le contenu de
chacun s'étoffe du contenu de tous les autres. C'est, on le voit bien,
un mode d'expression holistique et il faut noter, par parenthèse, qu'il
est aux antipodes de la méthode, cartésienne dont la démarche
rationaliste continue de s'inspirer.
Les chiffres 17 et 153 sont importants dans
la tradition hébraïque. On les trouve en particulier dans le Rosaire
qui compte 153 perles et dont la litanie est rythmée par les 17 signes
de croix qui accompagnent le début de la récitation et la proclamation.
des Gloria. Ces 17 croix, d'ailleurs, sont aussi présentes dans les
scapulaires-schèmes des moines orientaux et surtout dans la «
croix d'évangélisation » dont la signification symbolique
est très claire. Elle a une perle centrale qui représente le
coeur du message du Crucifié, 3 perles sur chaque bras de la croix
qui évoquent les trois Apôtres envoyés depuis Jérusalem
dans chacun des points cardinaux, et près du centre, les 4 perles des
évangélistes.
À cette amplification du sens dans les
textes des Évangiles fait écho, dans le développement
de l'Église primitive, la croissance exponentielle mais visiblement
contrôlée du nombre des disciples. Elle est liée à
l'organisation hiérarchique de la communauté qui, elle aussi,
a été instituée par le Christ. Cette croissance est régulée
par un ordre de base 6. Il structure l'ensemble de l'Église qui a ses
prêtres « ordonnés » et déjà ses évêques
appelés en araméen rahia, c'est-à-dire bergers. Dès
le vivant du Sauveur, elle compte ainsi les 12 Apôtres, les 72 diacres
et les 432 disciples qui en s'additionnant forment une petite communauté
de chrétiens dont saint Paul nous dit qu'ils sont « plus de 500
» à témoigner de la Résurrection (1 Co 15). Ils
sont en fait (12 + 72 + 432 = 516, multiple de 6). Et on se rappelle qu'ils
seront « environ 3 000 » (soit 6 fois 500) à recevoir le
baptême le jour de la Pentecôte.