" Digest "
La connaissance de Dieu dans la tradition orientale
Paul Evdokimov

- La connaissance de Dieu ne relève pas de la connaissance, soit philosophique, soit théologique. Elle est le mystère de la Révélation divine et relève donc de l'Expérience directe de celle-ci.

- Selon Saint Paul, la connaissance de Dieu en tant que Père céleste est l'acte gratuit de la Révélation.

- La tradition patristique renonce à toute définition formelle, car Dieu est au-delà de toute parole humaine : " les concepts créent des idoles de Dieu, l'émerveillement seul saisit quelque chose " (Saint Grégoire de Nysse).

- " On ne peut voir Dieu et rester vivant ". Cet avertissement biblique signifie pour les Pères : on ne sait voir Dieu avec la lumière de notre raison, on ne peut jamais définir Dieu car toute définition est une " limitation ". Et pourtant, " Il nous est plus intime que nous-mêmes ".

- Comme le dit Saint Maxime le Confesseur : " Dieu a déposé dans le cœur humain le désir de Dieu " et, selon Saint Grégoire de Nysse : " L'homme porte en lui-même une certaine mesure de connaissance de Dieu ".

- Evagre précise bien la différence des niveaux et de leur hiérarchie : " L'intelligence réside dans le cœur, la pensée dans le cerveau ". Le cœur, centre inétendu, est le siège de l'intelligence dans le sens de l'Esprit - nous.

- L'intellect, une fois réuni, recueilli dans le cœur, signifie l'unification de l'être tout entier, esprit, âme et corps, appelé intégralement à la connaissance illuminante et à l'amour unitif.

- La foi orthodoxe ne se définit jamais en terme d'adhésion intellectuelle, mais relève de la métanoïa, du nous, de l'esprit, de son revirement par l'évidence et la certitude vécues dans une certaine et paradoxale " sensation du transcendant ".

- … " Mystique ", à l'opposé de toute théologie cérébrale, signifie " théologie du mystère ", qu'on ne connaît que par révélation du côté de Dieu, et par participation réceptive du côté de l'homme.

- Théologie vivante : tout en comportant l'élément d'enseignement, la théologie apparaît avant tout et dans son aspiration même comme la voie expérimentale de l'union avec Dieu.

- " L'homme parfait est tout entier possédé du Saint-Esprit, c'est la gnose supérieure, de laquelle vient l'aptitude à la fonction de théologien " (Saint Siméon le Théologien).

- " Un théologien est enseigné de Dieu " (Saint Maraire).

- " C'est l'Esprit Saint qui d'un érudit fait un théologien " (Saint Siméon).

- … L'Esprit Saint instruit dans la sagesse les illettrés, de pêcheurs il fait des théologiens (Office de la Pentecôte).

- C'est toute la tradition mystique de la " Prière de Jésus ", conçue comme eucharistie intérieure de la présence de Dieu. Nommer, c'est rendre présent.

- " La vraie théologie libère des passions " (Saint Basile).

- Pour tout théologien, ce n'est pas le chemin qui est impossible, c'est l'impossible qui est le chemin.

- Mais tout apprenti en théologie doit trembler devant ce ministère charismatique afin de toucher au Saint de Dieu.

- " Les concepts créent des idoles de Dieu, l'étonnement seul saisit quelque chose. Les mystères simples se révèlent au-delà de toute connaissance, au-delà même de l'inconnaissance, dans la ténèbre plus que lumineuse du silence " (Saint Grégoire de Nysse).

- Trouver Dieu consiste à le chercher sans cesse… C'est là vraiment voir Dieu que de n'être jamais rassasié de le désirer.

- Il est " l'éternellement cherché " (Saint Grégoire de Nysse), on ne le trouve qu'en le cherchant toujours.

- L'apophase, en tant que méthode, enseigne l'attitude correcte de tout théologien : l'homme ne spécule pas, mais se change.

- Selon la Bible, l'âme vivifie le corps, le fait " âme vivante ", et l'esprit " pneumatise " le tout de l'être humain. Le corporel et le psychique existent l'un dans l'autre, chacun dirigé par ses propres lois. Le spirituel n'est pas la troisième sphère, mais le principe de qualification qui s'exprime à travers le psychisme, le charnel et les rend spirituels.

- L'esprit est ce point avancé qui communique avec l'au-delà et y participe.

- Mes sentiments, mes pensées, mes actes, ma conscience m'appartiennent, sont miens et c'est d'eux que j'ai conscience ; mais le moi est au-delà du mien ; il est transcendant à ses propres manifestations. Il ne s'agit pas du moi empirique, connaissable, mais du moi spirituel qui échappe à toute investigation. C'est la notion-Limite, centre de la totalité, que Jung appelle le soi (pas le Soi !).

- " L'Esprit n'engendre aucune volonté qui lui résiste. Il ne transforme par divinisation que celle qui le veut " (Saint Maxime).

- La grâce presse sur toute âme en secret, sans jamais la contraindre.

- En disant le fiat, le oui, je m'identifie à l'être aimé.

- C'est parce que nous pouvons dire non que notre oui résonne pleinement, car librement. Il faut donc que ce oui soit enfanté au plus profond de notre être.

- Dieu ne donne pas des ordres, mais lance des invitations, des appels.

- Chaque faculté de l'esprit humain reflète l'image (connaissance, liberté, amour, création) et le tout est centré sur le spirituel, dont le propre est de se dépasser pour se jeter dans l'océan du divin et y trouver l'apaisement de sa nostalgie.

- " L'homme a deux ailes pour atteindre le ciel, la liberté et la grâce " (Saint Maxime).

- " Pour participer à Dieu, il est indispensable de posséder dans son être quelque chose de correspondant au participé " (Saint Grégoire de Nysse).

- " Omoousios " de Saint Athanase : Essence Une en trois hypostases, trinité consubstantielle et indivisible.

- " Nous connaissons Dieu dans ses énergies, sans nous approcher de son essence. Car si ses énergies descendent jusqu'à nous, son essence reste inaccessible " (Saint Basile).

- Les trois âges de la vie spirituelle : Enfance, les Proverbes - Jeunesse, l'Ecclésiaste - Maturité, le Cantique des Cantiques. Praktiké Théoria, Physiké Théoria, Théologia.

- " Pour rien au monde, ne cherche à percevoir une forme ou une figure au temps de l'oraison. Efforce-toi de rendre ton intelligence sourde et muette et tu pourras prier " (Evagre).

- " La psyché est une déformation du nous qui s'éloigne de Dieu et se matérialise " (Origène).

- L'Oraison pure, " intellection de l'intelligence ", opère le retour vers l'état initial. Le nous devient simple, dépouillé même des pensées ; alors la lumière de la trinité éclate dans l'esprit.

- Les apophtegmes coptes attribuent à Macaire la tradition de la Prière de Jésus. Elle n'est pas mentionnée dans les Homélies, mais la notion du cœur est constamment présente. " Le cœur commande et régit tout le corps. La grâce s'empare des pâturages du cœur. Ceux qui s'approchent du Seigneur doivent faire leur prière dans un état de quiétude (Hésychia)… en appliquant leur attention au Seigneur par l'effort du cœur et la sobriété (nepsis) des pensées. "

- L'héritage des anachorètes égyptiens débouche chez Jean Climaque sur la " mémoire de Jésus " unie au souffle. Le nom de Jésus assimilé à la respiration attire sa présence au cœur de l'hésychaste.

- C'est dans ce climat du Sinaï, des déserts, que l'hésychasme byzantin prend ses origines.

- Denys, chef incontestable de la mystique chrétienne.

- " La contemplation mystique est une pure vision immatérielle au-delà du discours, des sens et de l'intelligence. En pénétrant dans la ténèbre qui est au-delà de l'intelligible, (…) il s'agira d'une cessation totale de la parole, de la pensée, au terme de laquelle nous serons totalement muets et pleinement unis à l'ineffable " (Denys).

- Nicéphore le Solitaire (" Traité de la sobriété et de la garde du cœur ") : Faire " descendre ", poser l'intellect dans le cœur, signifie rendre consciente et vécue la présence de Jésus dans le cœur. C'est en "respirant Dieu " que l'homme le retrouve dans son cœur.

- Cette Prière (du cœur) résonne dans cesse au fond de l'âme, même en dehors de la volonté et de la conscience ; à la fin, le nom de Jésus résonne de lui-même et prend le rythme de la respiration ; en quelque sorte il est " collé " au souffle, même pendant le sommeil : " Je dors mais mon esprit veille " (cant. 5, 2).

- Hésychasme : Saint Grégoire le Sinaïte systématise méthode et pratique de la " Prière de Jésus ".

- La théologie dans le sens de Pères n'est jamais un système de concepts, mais la transmission de l'expérience de Dieu et le fruit de l'adoration orante de la doxologie liturgique et pour cela forcément antinomique.

- Ce n'est pas celui qui est qui provient de l'essence, mais c'est l'essence qui provient de " celui qui est ".

- Les personnes divines se compénétrent mutuellement de façon à ne posséder qu'une seule énergie, une, mais multiforme dans ses manifestations.

- Un " père spirituel " n'est pas un maître qui enseigne, mais celui qui " engendre ", à l'image du Père céleste ; c'est un " sacrement de filiation ".

- La condition essentielle pour devenir " père spirituel ", c'est d'abord être devenu soi-même "pneumatikos".

- " Celui qui n'est pas engendré n'est pas capable d'engendrer ses enfants spirituels " (Saint Siméon).

- Un " Père " ne dirige pas, il donne l'exemple.