De
Bethléem au christianisme
Deux
mille ans de quoi ?
Père
Jean-Robert Armogathe Le Figaro du 7 01 2000
Amnésie,
pudeur ou hostilité ? En fêtant l'an 2000, on n'a pas pu
parler du point de départ. On a mentionné la naissance de
Jésus. Mais on a passé sous silence ce qui, depuis deux
mille ans, nous rattache à lui : le christianisme. On a
un peu oublié, ces dernières semaines, de rappeler que,
depuis deux mille ans, l'humanité a été liée au christianisme
pour le meilleur et pour le pire. Sans doute à quelques
années près, le compte est approximatif. Il reste que le
monde entier se réfère au calendrier chrétien. Et que la
réforme introduite par un pape du XVIè siècle a été partout
adoptée. (1)
En gros,
le christianisme a imprégné les sociétés pendant deux mille
ans. L'Europe l'a exporté dans le reste du monde, Marchands
et soldats, explorateurs, prêtres, religieuses et volontaires
laïcs, c'est toute une humanité, à l'image de nos sociétés,
qui a été missionnaire du christianisme, il y a des ombres
et des lumières dans les actions commises, Mais qui peut
nier que le message a été rayonnant?
Pendant
deux mille ans, on a prêché l'amour des ennemis et le primat
de la charité, le partage fraternel et la fidélité évangélique.
La pratique a pu contredire le message. Car le message a
été transmis par des hommes, avec leurs passions et leurs
limitations. Il n'a pas pour autant perdu sa vigueur d'appel
au pardon, à l'amour, à la paix. Des idéologies totalitaires
ont souvent combattu le message de l'Evangile. Elles se
voulaient conquérantes, impérialistes, victorieuses. Elles
exaltaient la force, l’ordre et la puissance. L'Evangile
a été prêché par un Maître crucifié, qui pardonna à ses
bourreaux. Ses disciples furent des hommes et des femmes
simples, souvent pauvres et souvent opprimés. Ce sont de
tels messagers qui montrent la qualité du message. C'est
grâce à eux que le christianisme a traversé les siècles.
Car la
durée n'est pas une qualité en soi: ce qui compte, c'est
d'avoir imprégné la conscience des hommes. C'est d'avoir
fait des droits de la personne un acquis irréversible. C'est
d'avoir affirmé, contre toutes les tentations, la dignité
du plus malheureux, du plus démuni, l'enfant à naître, la
personne handicapée, le mourant. Le christianisme a semé
l' espérance au cœur des sociétés, pour ceux qui croient
comme pour ceux qui ne croient pas. Affirmer que Dieu s'est
incarné, qu'il a vécu comme un homme au milieu de nous,
c'est changer radicalement la mesure de l'homme et lui attribuer
une valeur infinie.
Il serait
étrange que tout cela fût simple et limpide: l'histoire
est tumultueuse, comme les passions humaines. Mais les paillettes
d'or se recueillent dans des fleuves de boue. Deux mille
ans de christianisme ont rendu précieuse l'histoire des
hommes. Que nous soyons croyants ou incrédules, le christianisme
a laissé dans notre conscience des traces qui n'ont pas
de prix.
1) Les
chrétiens orientaux suivent le calendrier julien. N.D.L.R.