La méditation chrétienne :
les différents niveaux de conscience

« Méditer, c’est abandonner le superficiel, quitter la surface, pour entrer dans les profondeurs de notre être. La raison pour laquelle nous méditons, dans la tradition chrétienne, est que nous croyons que Jésus a envoyé son Esprit dans ces profondeurs pour habiter dans notre coeur. En d’autres mots, l’Esprit de Dieu, l’Esprit du Créateur de l’univers habite en nos coeurs et, dans le silence, nous aime tous. Dans la tradition chrétienne, méditer, c’est simplement être ouvert à l’Esprit d’amour, à l’Esprit de Dieu. »

John Main, o.s.b.

Un petit schéma va nous aider à identifier les différents niveaux de conscience par lesquels nous passons tous dans ce pèlerinage de la méditation Comme tous les schémas et les systèmes pseudo mystiques des grands maîtres de la tradition, il peul créer de la confusion si l'on croit qu'il dit tout ou si l'on veut y retrouver à tout prix notre propre expérience. Comme une carte, il peut être utilisé par tons le monde et s'appuie sur une expérience universelle mais chacun d'entre nous fait un voyage unique ci nous interprétons la carte en fonction de notre propre expérience. La méditation est un travail où nous cherchons Dieu et où Dieu nous cherche. C'est aussi un pèlerinage dans l'univers mystérieux de la per sonne humaine, une exploration de la connaissance de soi où la transcendance de l'égoïsme permet à la connaissance unitive et non duelle de Dieu d'émerger. Le sens et l'authenticité de notre vie vont gagna en profondeur par cette connaissance de soi.

Premier niveau

Toute personne qui s'est assise pour rester immobile accède immédiatement au premier niveau de conscience, juste en dessous de la surface immédiate de la conscience mentale de tous les jours. C'est une rude prise de conscience du degré d'indiscipline et d'agitation de nos esprits qui sont semblables à des singes. Sainte Thérèse comparait l'esprit à un navire où les membres de l'équipage se mutinent avant de ligoter le capitaine et de prendre sa place dans la plus grande confusion pour gouverner le bateau. Certains jours sont meilleurs que d'autres en termes de distraction, ce qui prouve déjà que notre esprit superficiel n'en fait qu'à sa tête, que nous sommes dépendants des conditions externes et non centrés. Donc, une fois assis, nous commençons à dire le mantra avec foi et attention, mais au bout de trois secondes, dans les bons jours, nous sommes déjà en train de faire la liste des courses, de décider de ce que nous allons porter le soir ou de penser au coup de fil que nous avons oublié de passer.

« Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? » (Matthieu 6, 25). Nous avons pour objectif de rester silencieux dans l'instant présent, le seul instant de réalité ou de rencontre avec le Dieu qui est « Je Suis ». Il n'empêche qu'en l'espace de quelques secondes nous pensons à ce qui s'est passé la veille, nous faisons des projets pour demain ou nous tombons en plein dans le domaine du rêve, des désirs et des fantasmes. « Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donne par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, demain s'inquiétera de lui-même » (Matthieu 6,33). L'enseignement de Jésus sur la prière est simple et pur, d'une sagesse incisive et pleine de bon sens. Mais pourquoi le fait de le pratiquer semblerait-il au-delà de nos capacités ? S'adressait-il réellement à l'humanité ordinaire ?

La découverte de nos distractions superficielles doit nous rendre plus humbles et nous aider à ne pas oublier qu'il s'agit d'une découverte universelle - pourquoi Cassien aurait-il recommandé le mantra (« la formule », disait-il) il y a mille six cents ans Au problème de la distraction naturelle vient s'ajouter l'énorme masse d'informations et de stimulations auxquelles nous sommes soumis chaque jour et que nous essayons d'absorber et de classifier entre le moment où nous allumons la radio le matin et celui où nous éteignons la télévision le soir.

Il est facile de se laisser décourager par cette découverte et de se détourner de la méditation. « Ce n'est pas mon genre de spiritualité. Je ne suis pas assez discipliné. Pourquoi mon temps de prière deviendrait-il un effort ? » Ce découragement cache souvent un sentiment récurrent d'échec et d'inadéquation, la faiblesse de notre ego blessé qui se rejette. « Je ne suis bon à rien. Je ne suis même pas bon pour méditer. »

Ce dont nous avons le plus besoin à ce stade initial, c'est d'apercevoir le sens de la méditation et la soif qui surgit d'un niveau de conscience plus profond que celui auquel nous semblons accrochés. Ce niveau plus profond est présent dès le début et, quand bien même nous ne saurions pas encore le reconnaître, il nous invite à la grâce. Cela nous vient sous la forme d'enseignement, de tradition, d'amitié spirituelle et d'inspiration. De l'intérieur, cela vient comme une soif intuitive qui nous pousse à vivre quelque chose de plus profond. Le Christ, qui en tant qu'Esprit n'est pas plus en nous qu'en dehors de nous, semble pousser de l'extérieur et tirer de l'intérieur.

Cela nous aide à comprendre clairement depuis le début le sens et le but du mantra. Le mantra n'est pas une baguette magique qui ferait le vide dans l'esprit ou un bouton sur lequel on pourrait appuyer pour faire apparaître Dieu, mais une discipline « qui commence dans la foi et finit dans l'amour » et nous conduit à la pauvreté d'esprit. Nous ne disons pas le mantra pour chasser les distractions mais pour nous aider à ne plus en être captifs. Le simple fait de découvrir que nous sommes libres, ne serait-ce qu'en partie, de placer notre attention ailleurs constitue la première grande prise de conscience.

C'est le début de l'approfondissement de la conscience qui nous permet de laisser les distractions à la surface, comme des vagues à la surface de l'océan. Même au tout début du voyage, nous apprenons la vérité la plus profonde quand nous laissons derrière nous nos concepts religieux et ordinaires, car ce n'est pas notre prière mais la prière du Christ qui nous importe. À mesure que le centre de conscience passe de l'ego au vrai Soi, toutes les notions de « moi » et de « mien » commencent à s'affaiblir.

Tant que nous continuerons de vivre une vie soi-disant normale, ce niveau de conscience sera le premier que nous rencontrerons chaque fois que nous méditerons. Les mauvais jours et les nuits obscures, nous aurons peut-être l'impression de ne l'avoir jamais dépassé. Mais le simple fait d'en être conscient et d'y faire face, c'est déjà commencer à le transcender. Un changement prend place peu à peu à ce niveau superficiel. Nous nous en rendons compte à notre capacité de nous asseoir tranquillement sans avoir besoin de lire un magazine ou de prendre un livre sur l'étagère, dans la patience et le ressenti de la présence de Dieu quand nous sommes coincés dans les bouchons ou en train de faire la queue au supermarché. Une vie mentale plus calme et plus stable émerge dans les relations quotidiennes Avec la méditation nous apprenons à connaître les schémas et les habitudes de notre esprit pour nous en faire des amis en étant plus tolérants à leur égard

Deuxième niveau

Atteindre le deuxième niveau de zone ou de conscience ne signifie en aucun cas que nous mail sons parfaitement la discipline du premier niveau Dans ce voyage, nous emportons avec nous la plupart de nos défauts. Arrivés à ce niveau plus profond, nous découvrons la salle des coffres où est conservée toute notre vie. Tout ce que nous avons fait, dit, pensé ou imaginé, toute impression, réelle ou imaginaire, a sa place ici dans l'entité organique de notre psyché. Les grands systèmes de classement de cet univers intérieur unique sont nos relations, réelles et imaginaires, tout ce que les autres nous ont fait ou dit.

Nous sommes dès lors confrontés à ce que nos processus inconscients tentent de nous éviter. Des souvenirs perdus, oubliés ou enterrés ainsi que les émotions et les pensées qui s'y rattachent peuvent réapparaître s'ils bloquent le mouvement de la conscience vers le centre authentique de l'identité personnelle. Ce travail de guérison, d'intégration et d'acceptation de soi est parfois aussi perturbateur, à sa manière, que les distractions de surface. Des émotions fortes, comme l'angoisse, la peur ou la colère peuvent surgir de nulle part et sans raison apparente. Plus rarement, des souvenirs vivaces d'événements oubliés sont rejoués dans les yeux intérieurs de l'imagination.

Mais, en règle générale, c'est un travail qui se fait en dessous de la surface de l'esprit conscient, hors du champ de la caméra de l'ego. Le mantra devient alors comme la graine dans la parabole de Jésus qu'un homme plante en terre avant de s'en aller et de reprendre sa vie de tous les jours. Pendant tout ce temps, la graine n'a cessé de pousser dans la matrice obscure de la terre, « comment, il ne savait pas ».

Si le danger correspondant au premier niveau était de se décourager et de faire marche arrière, il y a ici un autre danger qui se situe dans notre difficulté à accepter que nous n'accédons pas instantanément à la paix et à la consolation que nous attendions de la méditation. Un danger tout aussi grave serait de tomber dans la fascination envers soi-même. Dès lors qu'il est pénétré par la lumière de la conscience, l'inconscient nous révèle quantité de créatures étranges et fascinantes. Il y a plein de pièces merveilleuses à explorer dans la psyché, que ce soit les chaudières, les salles de travail, les bibliothèques ou les ateliers de réparation. La répétition fidèle du mantra peut sembler bien moins intéressante ou distrayante comparée à ces merveilles. Mais la fidélité à ce stade a encore plus de merveilles à révéler qu'on ne peut même l'imaginer.

La connaissance de soi, au sens spirituel du terme, ne se limite pas à ce que nous découvrons sur nous-mêmes à ce niveau de conscience. Mais la pleine conscience du Soi, but de notre voyage, est préparée par ce que nous traversons à ce stade. La mise au jour de nos ombres et de nos peurs les plus profondes peut être vue à la fois comme une purification et comme une libération, voire comme un exorcisme. À partir de ce qui se passe à ce niveau et à l'occasion d'autres moments de réflexion et de prière, nous prenons conscience des principales structures de notre personnalité.

Nous voyons nos besoins que la vie n'a pas satisfaits et les blessures qui en ont résulté, des blessures que nous cachons ou que nous affichons. Mais, au-delà de ces blessures, nous voyons aussi apparaître des images d'espoir et de bonheur que nous allons désormais rechercher dans tous les chemins de la vie. Les schémas de nos relations sont plus visibles et nous voyons en quoi nous en sommes responsables au lieu de toujours blâmer les autres. Nous découvrons que ce que nous sommes aujourd'hui est le fruit de nos réactions et de nos interactions (ou refus de réaction) et pas seulement de ce que les autres nous ont fait.

Comme toute connaissance, la conscience psychologique de soi a autant un potentiel de créativité que de destructivité. Elle peut renforcer l'égocentrisme ou produire une coquille d'autosuffisance, mais elle peut aussi nous montrer la force du pardon et de la tolérance en commençant par l'appliquer à nous-mêmes, ce qui nous encourage à vivre plus pleinement et plus généreusement avec tous les autres dans le lien de la compassion.

Ce niveau de conscience nous amène dans une direction qui est de la plus haute importance pour le reste du voyage. Il y a beaucoup de solitude et parfois même une vraie souffrance à ce niveau. La grâce nous donne alors l'amour et le baume nécessaires pour nous aider à persévérer dans notre décision. «Et il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient» (Marc 1, 13). Nous prenons conscience de la relation entre la méditation et la communauté. En devenant la personne que nous sommes appelés à devenir, nous comprenons qu'être une personne, c'est plus qu'être un ego, un individu isolé. Etre une personne, c'est être en relation. Nous découvrons aussi quelque chose que nous ne pouvons pas encore comprendre complètement sur la nature de la réalité elle-même : que Dieu ne peut être impersonnel.

À ce niveau de conscience, les turbulences sont variables. À certains moments, c'est le grand calme des périodes entières où l'on se sent intégré et unifié. Puis, un jour, notre comportement ou un sentiment venu de nulle part nous rappelle que ce processus va durer aussi longtemps que le voyage lui-même. Nos distractions de surface sont toujours là, même si nous ne les remarquons pas, y compris quand nous sommes absorbés dans des pensées plus profondes. Un soi psychologique plus abouti, plus mûr, commence à prendre forme. Nous reconnaissons qu'il porte notre nom et notre apparence. Il peut être à nous sans honte ni regret, et avec amour. Cet acte même de reconnaissance et d'acceptation prouve que ce n'est pas la fin du voyage, car ce soi que nous pouvons regarder et auquel nous pouvons penser doit aussi être laissé derrière nous. Nous avons déjà abandonné le soi de surface, le soi de tous les jours toujours très occupé et passant d'une activité à l'autre, mais il se trouve qu'avec l'ouverture de niveaux plus profonds, nous sommes encore plus occupés qu'avant. La vie continue sur de nombreux niveaux en même temps, qui s'harmonisent les uns avec les autres dans la foi et l'amour du mantra. Nous avons gagné en harmonie intérieure et nous voilà prêts pour un nouvel approfondissement.

Troisième niveau

L'ego a été notre compagnon constant depuis le début. Maintenant que nous sommes au troisième niveau, nous devons nous y attaquer de plein fouet. Au premier niveau, nous l'avions rencontré dans son pire état, habillé des costumes sans cesse changeants de la vie quotidienne. Au deuxième niveau il s'habille des costumes provisoires et plus spectaculaires des différents stades de notre histoire personnelle, prenant tout à tour le rôle de victime, de bourreau, d'enfant, d'adolescent, d'adulte, de chercheur religieux, de rebelle ou de réformiste ; d'illusionniste, d'affligé, d'amoureux, de magicien, de guerrier, de roi ou de reine. C'est de l'ego que surgissent toutes les résistances à ce voyage vers le vrai Soi. Et c'est aussi l'ego qui est le véhicule de ce voyage. Le fait est qu'aujourd'hui nous mettons davantage l'accent sur le véhicule que sur le voyage. Tout comme nous idolâtrons la voiture qui n'est qu'un moyen de transport utile, nous pouvons être si concentrés sur l'ego et ses processus que nous en perdons de vue le sens spirituel de toute la personne.

Il n'empêche qu'au troisième niveau de conscience, nous sommes confrontés à l'ego dans toute sa nudité, tous les costumes étant provisoirement mis de côté. Le Nuage d'in connaissance décrit cet état comme une « conscience absolue de notre propre existence » qui subsiste entre nous et Dieu. Le Nuage nous dit que cette conscience doit disparaître si nous voulons «expérimenter la contemplation dans sa perfection.» C'est une conscience touchée par la tristesse existentielle la plus profonde - non pas une tristesse liée à un événement passé, mais au fait que l'existence individuelle est fondamentalement séparée de l'Être. Nous devons affronter et transcender cette tristesse existentielle pour goûter à la joie d'être.

Cela nous aide aussi à comprendre le sens qu'il y a à prendre notre croix chaque jour et à suivre le Seigneur. Notre croix est décorée par les épreuves de la vie, mais le bois de la croix représente ce sens dénudé du caractère séparé de l'ego. Aucun acte volontaire ne peut nous faire franchir cet obstacle final, aucune technique ne peut le faire disparaître d'un coup. Nous sommes invités à ce stade à nous asseoir au pied de la croix dans une foi toujours plus pure. Quand le feu est rouge, on n'a pas d'autre choix que de patienter. John Main a fait remarquer qu'il faut davantage et pas moins de foi à mesure que nous progressons dans le pèlerinage. À ce stade où nous sommes confrontés non seulement à la distraction mais aussi à la racine et à la cause de la distraction, notre foi gagne en profondeur et en maturité grâce à la coopération entre notre esprit et l'Esprit de Dieu, et cela jusqu'à ce que nous soyons prêts - la coopération que nous voyons dans la synchronicité que nous appelons le destin.

La fidélité et la maturité qui ont grandi au cours des stades précédents nous procurent une certaine stabilité. Notre ami le mantra est désormais bien enraciné en nous, et les doutes et les compromis présents au cours des premiers stades de toute relation sont balayés. Le Nuage nous rappelle la nécessité d'être fidèle au « petit mot » « en temps de guerre et en temps de paix », tout comme Cassien insistait pour qu'on dise la « formule » dans « la prospérité et dans l'adversité ». Et dans cette ancienne tradition de prière chrétienne, l'accent mis par John Main sur la simple fidélité au mantra « du début à la fin de chaque méditation » est aussi pratique qu'utile et sage. Mais cette fidélité ne prend cependant tout son sens que dans ce que notre propre expérience nous enseigne.

Et après, que se passe-t-il ?

Dans une bande dessinée mettant en scène deux méditants zen, l'un pose cette question à l'autre et ce dernier lui répond : « Après ? Mais il ne se passe rien, c'est tout ! »

Nous devons être prêts à vivre ce « c'est tout » pendant un bon moment. Ce qui ne veut pas dire que la foi n'est qu'une question d'endurance têtue. C'est aussi une nouvelle façon de voir les choses. Et la foi ayant grandi, elle nous permet de voir au-delà de notre perception physique ou mentale. Nous savons que nous n'attendons pas sans joie ni espoir. « Sans l'avoir vu vous l'aimez ; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d'une joie indicible et pleine de gloire, sûrs d'obtenir l'objet de votre foi le salut des âmes » (1 Pierre 1, 8-9). Et comme l'a dit saint Pierre, on peut regarder la foi « comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans nos coeurs » (2 Pierre 1, 19).

Le sentiment qu'a l'ego de sa propre existence finie est comme un mur de briques qu'on ne peut franchir soi-même. Au moment où Dieu en décide et par un don gratuit, une ouverture se fait dans le mur d'égocentrisme. Dans cette ouverture d'autotranscendance nous laissons le soi derrière nous pour trouver notre vrai Soi en Christ. C'est alors que se produit une rencontre avec l'humanité de Jésus qui dépasse toute autre rencontre ou reconnaissance préalables. Ici, nous le rencontrons dans la pure action non duelle de l'Esprit qui transcende toute image ou idée à son sujet. Cela se produit dans la réalité de l'Esprit qui dépasse tous les dogmes et toutes les doctrines. Selon Thomas d'Aquin, nous plaçons notre foi dans la réalité indiquée par les mots, et non dans les mots eux-mêmes.

Comme l'a dit John Main à propos du stade de ce voyage, nous rencontrons Jésus à la frontière de notre propre identité. Dès lors, il devient notre guide dans le nouveau pays de Dieu, le Royaume. Tout ce que Jésus a dit de lui-même fait sens dans cette rencontre : la Porte des brebis, le Bon Berger, le Chemin, la Vérité, la Vie, la Résurrection, la Vigne, l'Ami.
Le fait de reconnaître Jésus dans cette rencontre est rédempteur. Cela concentre notre être dans une expérience d'amour si unique et personnelle qu'elle en devient le critère de Vérité à l'aune duquel toutes les autres expériences ou compréhensions pourront être jugées. Dans cette ouverture en nous-mêmes et au-delà de nous-mêmes, nous sommes illuminés par l'Esprit pour faire le voyage avec Jésus, dans l'Esprit du Christ, dans l'amour sans limites de Dieu.

Quand cela va-t-il se produire ? D'une certaine façon, de par l'Incarnation et la Résurrection, cela s'est déjà produit en chacun de nous. Ce n'est qu'une réalité qui attend d'être éveillée. Les chercheurs en physique ont découvert la nature duelle de la matière qui est à la fois onde et particule selon notre façon de la regarder. De même, notre pèlerinage méditatif à travers ces différents niveaux de conscience peut être considéré comme se déroulant d'une manière successive - un stade après l'autre - ou simultanée - tout maintenant. Les deux sont vrais, toujours selon notre façon de les regarder. Et cette manière de regarder dépend de la profondeur de la vision que la foi nous a permis de clarifier.

Dans cette vision, nous pouvons regarder devant nous et derrière nous à partir de l'immobilité du moment présent. Nous pouvons voir comment chaque phase du voyage, même les niveaux superficiels de l'esprit agité, a été touchée et guidée tout du long par l'Esprit qui désormais nous révèle Jésus et retire le voile. Nous voyons aussi comment au deuxième niveau, les blessures et les conflits plus profonds de notre psyché sont balayés par le pouvoir de guérison de l'Esprit. Et à mesure que nous voyons chaque partie de nous vivre en Dieu, les fruits de l'Esprit commencent à se manifester à tous les niveaux de notre existence.

La méditation est une voie de foi et d'amour. En traversant ses phases, nous apprenons que la foi est plus qu'une croyance. «Même le malin croit en Dieu.» C'est pourquoi le fait de trop mettre l'accent sur l'orthodoxie dogmatique ne fait qu'affaiblir la foi. La foi est avant tout l'engagement personnel dans la relation - c'est pourquoi on parle des fidèles pour désigner les croyants, comme on parle de couples ou d'amis fidèles. Si la foi ne se développe qu'avec le temps, en grandissant elle révèle une union d'amour qui est plus forte que la mort, le seigneur du temps.

La méditation change notre vie non pas par magie mais dans la foi. Le mantra devient un sacrement de foi - un sacrement de relation et d'union. En apprenant à être fidèles pour de petites choses, comme la répétition du nom, nous apprenons à être fidèles dans toutes les relations de la vie. Comme l'a dit Jésus, c'est une voie étroite, mais au-delà du point zéro d'abandon, elle se poursuit dans l'expansion infinie de l'être à laquelle nous sommes appelés en Dieu.

Le voyage ne sera jamais ennuyeux s'il est accompli dans la foi. L'immobilité n'est jamais statique. Et au-dessus de tout préside l'étreinte de Jésus, les bras déployés et acceptant tout. Il est la porte, le but et le chemin dans sa totalité. Nos vies sont imprégnées de Dieu. Il n'y a nulle part où il ne soit pas.

Avec tout mon amour

Laurence Freeman, OSB

Extrait de la 12ième lettre sur la méditation

Lettres sur la méditation

Le christianisme face au silence
Ed. Albin Michel

 



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