
Un
petit schéma va nous aider à identifier les différents
niveaux de conscience par lesquels nous passons tous dans ce pèlerinage
de la méditation Comme tous les schémas et les systèmes
pseudo mystiques des grands maîtres de la tradition, il peul créer
de la confusion si l'on croit qu'il dit tout ou si l'on veut y retrouver
à tout prix notre propre expérience. Comme une carte, il
peut être utilisé par tons le monde et s'appuie sur une expérience
universelle mais chacun d'entre nous fait un voyage unique ci nous interprétons
la carte en fonction de notre propre expérience. La méditation
est un travail où nous cherchons Dieu et où Dieu nous cherche.
C'est aussi un pèlerinage dans l'univers mystérieux de la
per sonne humaine, une exploration de la connaissance de soi où
la transcendance de l'égoïsme permet à la connaissance
unitive et non duelle de Dieu d'émerger. Le sens et l'authenticité
de notre vie vont gagna en profondeur par cette connaissance de soi.
Premier
niveau
Toute personne qui s'est assise pour rester immobile accède immédiatement
au premier niveau de conscience, juste en dessous de la surface immédiate
de la conscience mentale de tous les jours. C'est une rude prise de conscience
du degré d'indiscipline et d'agitation de nos esprits qui sont
semblables à des singes. Sainte Thérèse comparait
l'esprit à un navire où les membres de l'équipage
se mutinent avant de ligoter le capitaine et de prendre sa place dans
la plus grande confusion pour gouverner le bateau. Certains jours sont
meilleurs que d'autres en termes de distraction, ce qui prouve déjà
que notre esprit superficiel n'en fait qu'à sa tête, que
nous sommes dépendants des conditions externes et non centrés.
Donc, une fois assis, nous commençons à dire le mantra avec
foi et attention, mais au bout de trois secondes, dans les bons jours,
nous sommes déjà en train de faire la liste des courses,
de décider de ce que nous allons porter le soir ou de penser au
coup de fil que nous avons oublié de passer.
«
Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour
votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le
vêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps
plus que le vêtement ? » (Matthieu 6, 25). Nous avons
pour objectif de rester silencieux dans l'instant présent, le seul
instant de réalité ou de rencontre avec le Dieu qui est
« Je Suis ». Il n'empêche qu'en l'espace de quelques
secondes nous pensons à ce qui s'est passé la veille, nous
faisons des projets pour demain ou nous tombons en plein dans le domaine
du rêve, des désirs et des fantasmes. « Cherchez
d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donne par surcroît.
Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, demain s'inquiétera
de lui-même » (Matthieu 6,33). L'enseignement de Jésus
sur la prière est simple et pur, d'une sagesse incisive et pleine
de bon sens. Mais pourquoi le fait de le pratiquer semblerait-il au-delà
de nos capacités ? S'adressait-il réellement à l'humanité
ordinaire ?
La
découverte de nos distractions superficielles doit nous rendre
plus humbles et nous aider à ne pas oublier qu'il s'agit d'une
découverte universelle - pourquoi Cassien aurait-il recommandé
le mantra (« la formule », disait-il) il y a mille six cents
ans Au problème de la distraction naturelle vient s'ajouter l'énorme
masse d'informations et de stimulations auxquelles nous sommes soumis
chaque jour et que nous essayons d'absorber et de classifier entre le
moment où nous allumons la radio le matin et celui où nous
éteignons la télévision le soir.
Il
est facile de se laisser décourager par cette découverte
et de se détourner de la méditation. « Ce n'est
pas mon genre de spiritualité. Je ne suis pas assez discipliné.
Pourquoi mon temps de prière deviendrait-il un effort ? »
Ce découragement cache souvent un sentiment récurrent d'échec
et d'inadéquation, la faiblesse de notre ego blessé qui
se rejette. « Je ne suis bon à rien. Je ne suis même
pas bon pour méditer. »
Ce
dont nous avons le plus besoin à ce stade initial, c'est d'apercevoir
le sens de la méditation et la soif qui surgit d'un niveau de conscience
plus profond que celui auquel nous semblons accrochés. Ce niveau
plus profond est présent dès le début et, quand bien
même nous ne saurions pas encore le reconnaître, il nous invite
à la grâce. Cela nous vient sous la forme d'enseignement,
de tradition, d'amitié spirituelle et d'inspiration. De l'intérieur,
cela vient comme une soif intuitive qui nous pousse à vivre quelque
chose de plus profond. Le Christ, qui en tant qu'Esprit n'est pas plus
en nous qu'en dehors de nous, semble pousser de l'extérieur et
tirer de l'intérieur.
Cela
nous aide à comprendre clairement depuis le début le sens
et le but du mantra. Le mantra n'est pas une baguette magique qui ferait
le vide dans l'esprit ou un bouton sur lequel on pourrait appuyer pour
faire apparaître Dieu, mais une discipline « qui commence
dans la foi et finit dans l'amour » et nous conduit à la
pauvreté d'esprit. Nous ne disons pas le mantra pour chasser les
distractions mais pour nous aider à ne plus en être captifs.
Le simple fait de découvrir que nous sommes libres, ne serait-ce
qu'en partie, de placer notre attention ailleurs constitue la première
grande prise de conscience.
C'est
le début de l'approfondissement de la conscience qui nous permet
de laisser les distractions à la surface, comme des vagues à
la surface de l'océan. Même au tout début du voyage,
nous apprenons la vérité la plus profonde quand nous laissons
derrière nous nos concepts religieux et ordinaires, car ce n'est
pas notre prière mais la prière du Christ qui nous importe.
À mesure que le centre de conscience passe de l'ego au vrai Soi,
toutes les notions de « moi » et de « mien » commencent
à s'affaiblir.
Tant que nous continuerons de vivre une vie soi-disant normale, ce niveau
de conscience sera le premier que nous rencontrerons chaque fois que nous
méditerons. Les mauvais jours et les nuits obscures, nous aurons
peut-être l'impression de ne l'avoir jamais dépassé.
Mais le simple fait d'en être conscient et d'y faire face, c'est
déjà commencer à le transcender. Un changement prend
place peu à peu à ce niveau superficiel. Nous nous en rendons
compte à notre capacité de nous asseoir tranquillement sans
avoir besoin de lire un magazine ou de prendre un livre sur l'étagère,
dans la patience et le ressenti de la présence de Dieu quand nous
sommes coincés dans les bouchons ou en train de faire la queue
au supermarché. Une vie mentale plus calme et plus stable émerge
dans les relations quotidiennes Avec la méditation nous apprenons
à connaître les schémas et les habitudes de notre
esprit pour nous en faire des amis en étant plus tolérants
à leur égard
Deuxième
niveau
Atteindre
le deuxième niveau de zone ou de conscience ne signifie en aucun
cas que nous mail sons parfaitement la discipline du premier niveau Dans
ce voyage, nous emportons avec nous la plupart de nos défauts.
Arrivés à ce niveau plus profond, nous découvrons
la salle des coffres où est conservée toute notre vie. Tout
ce que nous avons fait, dit, pensé ou imaginé, toute impression,
réelle ou imaginaire, a sa place ici dans l'entité organique
de notre psyché. Les grands systèmes de classement de cet
univers intérieur unique sont nos relations, réelles et
imaginaires, tout ce que les autres nous ont fait ou dit.
Nous
sommes dès lors confrontés à ce que nos processus
inconscients tentent de nous éviter. Des souvenirs perdus, oubliés
ou enterrés ainsi que les émotions et les pensées
qui s'y rattachent peuvent réapparaître s'ils bloquent le
mouvement de la conscience vers le centre authentique de l'identité
personnelle. Ce travail de guérison, d'intégration et d'acceptation
de soi est parfois aussi perturbateur, à sa manière, que
les distractions de surface. Des émotions fortes, comme l'angoisse,
la peur ou la colère peuvent surgir de nulle part et sans raison
apparente. Plus rarement, des souvenirs vivaces d'événements
oubliés sont rejoués dans les yeux intérieurs de
l'imagination.
Mais,
en règle générale, c'est un travail qui se fait en
dessous de la surface de l'esprit conscient, hors du champ de la caméra
de l'ego. Le mantra devient alors comme la graine dans la parabole de
Jésus qu'un homme plante en terre avant de s'en aller et de reprendre
sa vie de tous les jours. Pendant tout ce temps, la graine n'a cessé
de pousser dans la matrice obscure de la terre, « comment, il ne
savait pas ».
Si
le danger correspondant au premier niveau était de se décourager
et de faire marche arrière, il y a ici un autre danger qui se situe
dans notre difficulté à accepter que nous n'accédons
pas instantanément à la paix et à la consolation
que nous attendions de la méditation. Un danger tout aussi grave
serait de tomber dans la fascination envers soi-même. Dès
lors qu'il est pénétré par la lumière de la
conscience, l'inconscient nous révèle quantité de
créatures étranges et fascinantes. Il y a plein de pièces
merveilleuses à explorer dans la psyché, que ce soit les
chaudières, les salles de travail, les bibliothèques ou
les ateliers de réparation. La répétition fidèle
du mantra peut sembler bien moins intéressante ou distrayante comparée
à ces merveilles. Mais la fidélité à ce stade
a encore plus de merveilles à révéler qu'on ne peut
même l'imaginer.
La
connaissance de soi, au sens spirituel du terme, ne se limite pas à
ce que nous découvrons sur nous-mêmes à ce niveau
de conscience. Mais la pleine conscience du Soi, but de notre voyage,
est préparée par ce que nous traversons à ce stade.
La mise au jour de nos ombres et de nos peurs les plus profondes peut
être vue à la fois comme une purification et comme une libération,
voire comme un exorcisme. À partir de ce qui se passe à
ce niveau et à l'occasion d'autres moments de réflexion
et de prière, nous prenons conscience des principales structures
de notre personnalité.
Nous
voyons nos besoins que la vie n'a pas satisfaits et les blessures qui
en ont résulté, des blessures que nous cachons ou que nous
affichons. Mais, au-delà de ces blessures, nous voyons aussi apparaître
des images d'espoir et de bonheur que nous allons désormais rechercher
dans tous les chemins de la vie. Les schémas de nos relations sont
plus visibles et nous voyons en quoi nous en sommes responsables au lieu
de toujours blâmer les autres. Nous découvrons que ce que
nous sommes aujourd'hui est le fruit de nos réactions et de nos
interactions (ou refus de réaction) et pas seulement de ce que
les autres nous ont fait.
Comme
toute connaissance, la conscience psychologique de soi a autant un potentiel
de créativité que de destructivité. Elle peut renforcer
l'égocentrisme ou produire une coquille d'autosuffisance, mais
elle peut aussi nous montrer la force du pardon et de la tolérance
en commençant par l'appliquer à nous-mêmes, ce qui
nous encourage à vivre plus pleinement et plus généreusement
avec tous les autres dans le lien de la compassion.
Ce
niveau de conscience nous amène dans une direction qui est de la
plus haute importance pour le reste du voyage. Il y a beaucoup de solitude
et parfois même une vraie souffrance à ce niveau. La grâce
nous donne alors l'amour et le baume nécessaires pour nous aider
à persévérer dans notre décision. «Et
il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient»
(Marc 1, 13). Nous prenons conscience de la relation entre la méditation
et la communauté. En devenant la personne que nous sommes appelés
à devenir, nous comprenons qu'être une personne, c'est plus
qu'être un ego, un individu isolé. Etre une personne, c'est
être en relation. Nous découvrons aussi quelque chose que
nous ne pouvons pas encore comprendre complètement sur la nature
de la réalité elle-même : que Dieu ne peut être
impersonnel.
À
ce niveau de conscience, les turbulences sont variables. À certains
moments, c'est le grand calme des périodes entières où
l'on se sent intégré et unifié. Puis, un jour, notre
comportement ou un sentiment venu de nulle part nous rappelle que ce processus
va durer aussi longtemps que le voyage lui-même. Nos distractions
de surface sont toujours là, même si nous ne les remarquons
pas, y compris quand nous sommes absorbés dans des pensées
plus profondes. Un soi psychologique plus abouti, plus mûr, commence
à prendre forme. Nous reconnaissons qu'il porte notre nom et notre
apparence. Il peut être à nous sans honte ni regret, et avec
amour. Cet acte même de reconnaissance et d'acceptation prouve que
ce n'est pas la fin du voyage, car ce soi que nous pouvons regarder et
auquel nous pouvons penser doit aussi être laissé derrière
nous. Nous avons déjà abandonné le soi de surface,
le soi de tous les jours toujours très occupé et passant
d'une activité à l'autre, mais il se trouve qu'avec l'ouverture
de niveaux plus profonds, nous sommes encore plus occupés qu'avant.
La vie continue sur de nombreux niveaux en même temps, qui s'harmonisent
les uns avec les autres dans la foi et l'amour du mantra. Nous avons gagné
en harmonie intérieure et nous voilà prêts pour un
nouvel approfondissement.
Troisième
niveau
L'ego
a été notre compagnon constant depuis le début. Maintenant
que nous sommes au troisième niveau, nous devons nous y attaquer
de plein fouet. Au premier niveau, nous l'avions rencontré dans
son pire état, habillé des costumes sans cesse changeants
de la vie quotidienne. Au deuxième niveau il s'habille des costumes
provisoires et plus spectaculaires des différents stades de notre
histoire personnelle, prenant tout à tour le rôle de victime,
de bourreau, d'enfant, d'adolescent, d'adulte, de chercheur religieux,
de rebelle ou de réformiste ; d'illusionniste, d'affligé,
d'amoureux, de magicien, de guerrier, de roi ou de reine. C'est de l'ego
que surgissent toutes les résistances à ce voyage vers le
vrai Soi. Et c'est aussi l'ego qui est le véhicule de ce voyage.
Le fait est qu'aujourd'hui nous mettons davantage l'accent sur le véhicule
que sur le voyage. Tout comme nous idolâtrons la voiture qui n'est
qu'un moyen de transport utile, nous pouvons être si concentrés
sur l'ego et ses processus que nous en perdons de vue le sens spirituel
de toute la personne.
Il
n'empêche qu'au troisième niveau de conscience, nous sommes
confrontés à l'ego dans toute sa nudité, tous les
costumes étant provisoirement mis de côté. Le Nuage
d'in connaissance décrit cet état comme une « conscience
absolue de notre propre existence » qui subsiste entre nous
et Dieu. Le Nuage nous dit que cette conscience doit disparaître
si nous voulons «expérimenter la contemplation dans sa
perfection.» C'est une conscience touchée par la tristesse
existentielle la plus profonde - non pas une tristesse liée à
un événement passé, mais au fait que l'existence
individuelle est fondamentalement séparée de l'Être.
Nous devons affronter et transcender cette tristesse existentielle pour
goûter à la joie d'être.
Cela
nous aide aussi à comprendre le sens qu'il y a à prendre
notre croix chaque jour et à suivre le Seigneur. Notre croix est
décorée par les épreuves de la vie, mais le bois
de la croix représente ce sens dénudé du caractère
séparé de l'ego. Aucun acte volontaire ne peut nous faire
franchir cet obstacle final, aucune technique ne peut le faire disparaître
d'un coup. Nous sommes invités à ce stade à nous
asseoir au pied de la croix dans une foi toujours plus pure. Quand le
feu est rouge, on n'a pas d'autre choix que de patienter. John Main a
fait remarquer qu'il faut davantage et pas moins de foi à mesure
que nous progressons dans le pèlerinage. À ce stade où
nous sommes confrontés non seulement à la distraction mais
aussi à la racine et à la cause de la distraction, notre
foi gagne en profondeur et en maturité grâce à la
coopération entre notre esprit et l'Esprit de Dieu, et cela jusqu'à
ce que nous soyons prêts - la coopération que nous voyons
dans la synchronicité que nous appelons le destin.
La
fidélité et la maturité qui ont grandi au cours des
stades précédents nous procurent une certaine stabilité.
Notre ami le mantra est désormais bien enraciné en nous,
et les doutes et les compromis présents au cours des premiers stades
de toute relation sont balayés. Le Nuage nous rappelle la nécessité
d'être fidèle au « petit mot » « en temps
de guerre et en temps de paix », tout comme Cassien insistait pour
qu'on dise la « formule » dans « la prospérité
et dans l'adversité ». Et dans cette ancienne tradition de
prière chrétienne, l'accent mis par John Main sur la simple
fidélité au mantra « du début à la fin
de chaque méditation » est aussi pratique qu'utile et sage.
Mais cette fidélité ne prend cependant tout son sens que
dans ce que notre propre expérience nous enseigne.
Et après, que se passe-t-il ?
Dans
une bande dessinée mettant en scène deux méditants
zen, l'un pose cette question à l'autre et ce dernier lui répond
: « Après ? Mais il ne se passe rien, c'est tout ! »
Nous
devons être prêts à vivre ce « c'est tout »
pendant un bon moment. Ce qui ne veut pas dire que la foi n'est qu'une
question d'endurance têtue. C'est aussi une nouvelle façon
de voir les choses. Et la foi ayant grandi, elle nous permet de voir au-delà
de notre perception physique ou mentale. Nous savons que nous n'attendons
pas sans joie ni espoir. « Sans l'avoir vu vous l'aimez ; sans
le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d'une joie indicible
et pleine de gloire, sûrs d'obtenir l'objet de votre foi le salut
des âmes » (1 Pierre 1, 8-9). Et comme l'a dit saint
Pierre, on peut regarder la foi « comme une lampe qui brille dans
un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre
et que l'astre du matin se lève dans nos coeurs » (2 Pierre
1, 19).
Le
sentiment qu'a l'ego de sa propre existence finie est comme un mur de
briques qu'on ne peut franchir soi-même. Au moment où Dieu
en décide et par un don gratuit, une ouverture se fait dans le
mur d'égocentrisme. Dans cette ouverture d'autotranscendance nous
laissons le soi derrière nous pour trouver notre vrai Soi en Christ.
C'est alors que se produit une rencontre avec l'humanité de Jésus
qui dépasse toute autre rencontre ou reconnaissance préalables.
Ici, nous le rencontrons dans la pure action non duelle de l'Esprit qui
transcende toute image ou idée à son sujet. Cela se produit
dans la réalité de l'Esprit qui dépasse tous les
dogmes et toutes les doctrines. Selon Thomas d'Aquin, nous plaçons
notre foi dans la réalité indiquée par les mots,
et non dans les mots eux-mêmes.
Comme
l'a dit John Main à propos du stade de ce voyage, nous rencontrons
Jésus à la frontière de notre propre identité.
Dès lors, il devient notre guide dans le nouveau pays de Dieu,
le Royaume. Tout ce que Jésus a dit de lui-même fait sens
dans cette rencontre : la Porte des brebis, le Bon Berger, le Chemin,
la Vérité, la Vie, la Résurrection, la Vigne, l'Ami.
Le fait de reconnaître Jésus dans cette rencontre est rédempteur.
Cela concentre notre être dans une expérience d'amour si
unique et personnelle qu'elle en devient le critère de Vérité
à l'aune duquel toutes les autres expériences ou compréhensions
pourront être jugées. Dans cette ouverture en nous-mêmes
et au-delà de nous-mêmes, nous sommes illuminés par
l'Esprit pour faire le voyage avec Jésus, dans l'Esprit du Christ,
dans l'amour sans limites de Dieu.
Quand
cela va-t-il se produire ? D'une certaine façon, de par l'Incarnation
et la Résurrection, cela s'est déjà produit en chacun
de nous. Ce n'est qu'une réalité qui attend d'être
éveillée. Les chercheurs en physique ont découvert
la nature duelle de la matière qui est à la fois onde et
particule selon notre façon de la regarder. De même, notre
pèlerinage méditatif à travers ces différents
niveaux de conscience peut être considéré comme se
déroulant d'une manière successive - un stade après
l'autre - ou simultanée - tout maintenant. Les deux sont vrais,
toujours selon notre façon de les regarder. Et cette manière
de regarder dépend de la profondeur de la vision que la foi nous
a permis de clarifier.
Dans
cette vision, nous pouvons regarder devant nous et derrière nous
à partir de l'immobilité du moment présent. Nous
pouvons voir comment chaque phase du voyage, même les niveaux superficiels
de l'esprit agité, a été touchée et guidée
tout du long par l'Esprit qui désormais nous révèle
Jésus et retire le voile. Nous voyons aussi comment au deuxième
niveau, les blessures et les conflits plus profonds de notre psyché
sont balayés par le pouvoir de guérison de l'Esprit. Et
à mesure que nous voyons chaque partie de nous vivre en Dieu, les
fruits de l'Esprit commencent à se manifester à tous les
niveaux de notre existence.
La
méditation est une voie de foi et d'amour. En traversant ses phases,
nous apprenons que la foi est plus qu'une croyance. «Même
le malin croit en Dieu.» C'est pourquoi le fait de trop mettre
l'accent sur l'orthodoxie dogmatique ne fait qu'affaiblir la foi. La foi
est avant tout l'engagement personnel dans la relation - c'est pourquoi
on parle des fidèles pour désigner les croyants, comme on
parle de couples ou d'amis fidèles. Si la foi ne se développe
qu'avec le temps, en grandissant elle révèle une union d'amour
qui est plus forte que la mort, le seigneur du temps.
La
méditation change notre vie non pas par magie mais dans la foi.
Le mantra devient un sacrement de foi - un sacrement de relation et d'union.
En apprenant à être fidèles pour de petites choses,
comme la répétition du nom, nous apprenons à être
fidèles dans toutes les relations de la vie. Comme l'a dit Jésus,
c'est une voie étroite, mais au-delà du point zéro
d'abandon, elle se poursuit dans l'expansion infinie de l'être à
laquelle nous sommes appelés en Dieu.
Le
voyage ne sera jamais ennuyeux s'il est accompli dans la foi. L'immobilité
n'est jamais statique. Et au-dessus de tout préside l'étreinte
de Jésus, les bras déployés et acceptant tout. Il
est la porte, le but et le chemin dans sa totalité. Nos vies sont
imprégnées de Dieu. Il n'y a nulle part où il ne
soit pas.
Avec
tout mon amour
Laurence
Freeman, OSB
Extrait
de la 12ième lettre sur la méditation
Lettres
sur la méditation
Le christianisme
face au silence
Ed. Albin Michel |
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