Pratiques
du christianisme ...
extrait du livre
d'Alphonse et Rachel Goettmann "Sagesse et pratiques du christianisme"
(Sermon 69) Saint Augustin
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La méditation : une histoire d'amour La méditation silencieuse est le pivot indispensable d'une vie qui veut aller à la racine des choses. Elle est un commandement du Christ : « Pour prier, descends dans la crypte de ton coeur » (Mt 6, 6), toute la Tradition en est remplie depuis les origines. Avec elle, nous prenons le mot « méditation » non au sens moyenâgeux de réfléchir sur un sujet religieux, mais au sens étymologique : « itari in medio » : être conduit vers le centre, le centre étant bien sûr le coeur de l'homme, trône de Dieu. Or « le coeur est le corps le plus intérieur dans le corps », dit saint Macaire (Ve siècle). Inévitablement on prie toujours avec son corps, puisqu'il est là, mais pourquoi si mal et avec tant d'inconscience? N'est-ce pas scandaleux? Dieu a pris un corps pour expérimenter l'homme et l'homme en vivant pleinement son corps expérimente Dieu! Mon corps est donc un chemin éblouissant, sacrement de Celui qui s'y est incarné... On ose à peine croire à cette parole de saint jean Chrysostome (IVe siècle) « Mon corps est réellement, effectivement celui du Christ, et pas seulement par la foi »; pourtant c'est le réalisme même de l'eucharistie. « Chair de ma chair »! s'écrie saint Grégoire Palamas (XIVe siècle). Il faut donc d'abord apprendre à s'asseoir dans le silence et l'immobilité totale, savoir se reposer en soi et en Dieu, corporellement. Devant une icône, être simplement là, conscient de son corps, le sentir de l'intérieur, l'habiter. La respiration nous conduira alors jusqu'au silence de l'Être, car rien n'est plus intime à Dieu et à l'homme que le souffle. Tout mon être respire, je suis respiré... Sentir cela consciemment, s'en laisser saisir. Surtout ne pas faire la respiration volontairement, la laisser se faire. À chaque inspir « Dieu insuffle dans mes narines son haleine de vie » (Gen 2,7), à chaque expir s'ouvrir à cette Présence, se détendre dans ses tensions et s'abandonner comme l'argile entre les mains du potier. C'est tout son amour que Dieu m'inspire. Je le reçois ,avec reconnaissance et demeure dans cette réciprocité du souffle où tout est accueil et don, à l'image même de ce qui se passe au sein de la Divine Trinité. Rien n'est au bout de la réflexion, surtout pas Dieu, mais tout est dans le sentir expérimental et conscient, jusqu'à « la sensation du Divin », selon l'expression des Pères. La prière de Jésus Ce n'est pas facile de sortir du multiple et de s'unifier ainsi autour d'un axe. C'est pourquoi la Tradition reconnaît dans la «Prière de Jésus» l'un des plus grands moyens pour y parvenir. Simple et accessible à tous, elle se répète inlassablement, tel un mantra, soit dans l'assise, soit en tous temps et en tous lieux, s'insérant dans le tissu de notre vie quotidienne : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur. » La répétition se fait lentement, dans la paix, sans chercher d'émotion, mais avec amour et adoration. Dire chaque mot favorise l'union de l'intellect avec le coeur dès le départ. Il y a toutefois de grandes étapes à travers des années de pratique, depuis la répétition de la prière par les lèvres jusqu'à l'embrasement du coeur par la grâce. Avant de commencer l'invocation, il est important de demander assistance à l'Esprit Saint, car « sans Lui on ne peut pas dire que Jésus est Seigneur » (1 Co 12,3). Par ailleurs le terreau de cette Prière est la vie ecclésiale avec les sacrements et l'ascèse. Hors d'eux elle ne prendra pas racine, pas plus qu'une fleur que l'on arrache de son sol. Il s'agit en effet d'une profession de foi, bien au-delà d'un mantra incompréhensible. Elle engage tout l'être et le structure en profondeur. La puissance du Nom est telle qu'il provoque la Présence réelle du Christ. Sa Présence nous pénètre, nous emplit, nous imbibe, comme la tâche d'huile silencieusement s'étend dans le papier pour le rendre transparent... Littéralement la Personne de Jésus déteint sur nous, nous modifie jusque dans le détail. À force de ruminer son Nom, il finit par passer en nous. Ses manières, ses réactions, ses pensées deviennent nôtres par une sorte d'osmose. Notre vie s'en trouve peu à peu radicalement changée. Nous devenons des ressuscités, et rien de notre vie quotidienne n'échappe à cette nouvelle orientation. C'est comme si tout était aimanté par ce Nom qui progressivement bat au rythme de notre coeur. La liturgie : pour que l'homme devienne dieu Cette transformation inouïe est une eucharistie. Comme le pain et le vin, qui sont notre corps en extension, deviennent corps et sang du Christ, ainsi en est-il de celui qui prie. C'est donc là, dans la liturgie, que toute prière trouve à la fois sa source continuelle et le sommet de son expression. Car il ne s'agit pas de participer de temps à autre à une liturgie, mais que l'être tout entier de l'homme devienne liturgique et sa vie quotidienne une célébration, une liturgie cosmique dont il est le prêtre à travers tout ce qu'il fait. De là seulement pourra sortir une humanité nouvelle, Corps du Christ, et la transfiguration du monde. Mais le foyer incandescent de cette eucharistie universelle restera toujours le coeur de l'homme. Quand le diacre chante dès l'ouverture de la liturgie, « Debout, soyons attentifs, en silence! », c'est pour nous arracher à l'esprit du monde, aux motifs erronés de son idéologie qui fait de l'homme la mesure de toutes choses (t lui fait croire que le bonheur se trouve seulement dans l'économie, la politique ou la psychologie. Le monde n'a pas été créé pour être exploité et livré aux caprices de tout un chacun, où contrairement à son attente, l'homme est réduit à l'esclavage que nous connaissons. La
liturgie nous initie à une autre connaissance l'homme est prêtre,
il se tient debout au centre de la création qu'il reçoit
des mains de Dieu et qu'il lui offre en rendant grâce pour tout.
Le monde est ainsi la matière première d'une eucharistie,
qui transforme à chaque instant sa vie en une vie en Dieu. Tout
est fait pour communier avec Dieu, le travail lui-même est un sacerdoce.
Puisque rien n'a la vie sans Dieu, tout ne prend sens et valeur qu'en
le recevant de Lui et en le Lui offrant dans l'amour. Cela est notre nourriture
quotidienne, notre eucharistie ininterrompue, le sacrement de notre Joie.
Car finalement tout est là : Dieu n'a pas créé l'univers
par besoin, mais pour faire participer les créatures à sa
joie. Plus sur Alphonse et Rachel Goettmann |
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