Karlfried
Graf Dürckheim
extraits
de son enseignement sur la méditation
Ne
saviez-vous pas que votre corps |
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Karlfried Graf Dürckheim, le « Vieux Sage de la Forêt Noire », ( 1896 – 1988 ) nous a enseigné comment passer du psychologique au spirituel. Ayant sondé l’Orient et l’Occident, il est, avec quelques autres, le géniteur d’une nouvelle façon de penser et de vivre ! Voici quelques extraits de son enseignement : Considérons le corps comme le lieu de la rencontre avec Dieu, et de sa manifestation dans le monde ! Chaque geste peut alors devenir une prière. C’est dans l’Instant Présent que Dieu nous attend ! Le Chemin initiatique n’est pas possible, sans exercice constant. Et il n’y a pas d’exercice fécond sans la participation du corps… Pour celui qui a expérimenté le corps dans sa capacité de « transparence », le corps devient un maître intérieur sur le Chemin… C’est là maintenant dans le Cœur de l’Homme, que se manifeste le Nouveau… Toute la destinée humaine est chemin de transformation, où l’Homme devient dieu… Chaque
instant est la meilleure des occasions pour avancer sur le Chemin …
Le Chemin initiatique n’est pas possible, sans exercice constant. Et il n’y a pas d’exercice fécond sans la participation du corps… C’est le corps entier, le corps qu’on est, qui est l’ « organe » grâce auquel, et avec lequel on peut se mettre à l’écoute du Divin dans son corps intérieur… A.G. : Ouvrons nos coeurs au souffle de Dieu car il respire en notre bouche plus que nous-mêmes ! G.D. : Tout cela, ce n'est pas des images ou une théorie à appliquer durant l'exercice, mais c'est ce qui se produit en fait dans l'acte respiratoire quand il est juste et dont il faut prendre conscience d'une manière toujours plus parfaite en le vivant : le grand lâcher-prise jusqu'à l'abandon dans l'expiration, et dans l'inspiration le retour régénéré, nouvelle créature. Ainsi l'homme est saisi dans sa totalité, corps-âme-esprit, par ce mouvement de la transparence qui, à chaque respiration, contient en raccourci tout ce qui doit mûrir sur le chemin. Il n'y a pas de limites au progrès de ce mouvement de la transformation. La respiration est le mouvement transformant par excellence, il nous est inné. Il faut être extrêmement vigilant à la relation entre expiration et inspiration. Lorsqu'on a compris qu'il ne faut pas inspirer, capter l'inspiration, mais que « ça nous inspire>, au sens propre du mot, alors on pourra vivre à fond la respiration. I1 faudra donc mettre d'abord l'accent sur l'expiration, c'est-à-dire se lâcher. Ce n'est qu'après avoir lâché prise que l'on peut recevoir ; l'inspiration vient d'elle-même. Dès que l'inspiration est active et volontaire, on ferme la porte au lieu de l'ouvrir. L'inspiration comporte trois aspects dans un même mouvement : l'ouverture, la visitation et la plénitude. Si vous demandez à quelqu'un d'expirer profondément, la plupart du temps il fera une grande inspiration persuadé qu'il faut d'abord prendre pour pouvoir donner. C'est juste sur le plan existentiel : il faut avoir pour donner mais sur le plan spirituel c'est exactement le contraire ; il faut tout donner pour recevoir. Au fond l'inspiration est toujours le cadeau d'une bonne expiration ; on la reçoit et dans ce sens elle a une double signification : c'est le souffle qui me remplit pour le bon fonctionnement de mon organisme, et c'est sur un tout autre plan « l'in-spiration », je suis inspiré ou Cela m'inspire ; dans l'inspiration une Présence s'empare de moi... A. G. : L'Occidental a l'habitude de mettre la main sur les choses les plus merveilleuses et de s'en constituer propriétaire, ce n'est pas étonnant qu'il le fasse aussi avec l'inspiration et qu'à ce compte il s'oxygène sans être vivifié... Mais l'expiration peut-elle être un acte volontaire ? G. D. : Oui, dans l'exercice elle est d'abord un acte volontaire, puis elle coule d'elle-même . Il s'agit d'en devenir conscient, de la suivre, non de la « faire ». Ceci est vrai pour tout le mouvement respiratoire ; en général la respiration de l'homme est faussée, la plupart des gens ont aujourd'hui une respiration mal placée et trop haute, ils respirent avec la poitrine au lieu du diaphragme : résultat d'une attitude de qui-vive et d'un moi toujours engagé. Dès que l'on s'agite, la respiration monte, on est « hors de soi, pas d'aplomb ni dans son assiette. A l'inverse quand on est bien « dans son assiette, détendu et centré, on a une respiration juste, par le diaphragme, c'est alors seulement que la respiration devient un mouvement de la personne entière. Le premier devoir dans l'expiration, c'est donc de lâcher prise, d'abord dans les épaules, c'est-à-dire se lâcher en tant que personne et non en tant que muscle. On travaille sur soi-même non sur son corps. Au lâcher-prise dans la partie supérieure de soi-même au début de l'expiration succède spontanément une descente au cours de l'expiration, un don de soi qui se termine à la fin de l'expiration par un abandon. On s'assied dans son bassin, dans sa bonne assiette. Etre « bien dans son assiette , est une expression de cavalier qui signifie avoir une bonne assise, mais en mème temps « assiette a désigne un plat ou une coupe ; on pourrait dire « être bien dans sa coupe », le bassin se fait coupe d'accueil pour la vie nouvelle, on est d'aplomb, calme, sans peur... Comme dans l'inspiration, nous retrouvons dans l'expiration trois aspects dans un même mouvement : lâcher-prise, don de soi, abandon. A. G. : L'abandon est une remise totale de soi, le sommet de l'ouverture dans l'attente confiante. Le moment entre l'expiration et l'inspiration n'est pas un arrêt statique et voulu mais il ouvre sur un abîme mystérieux et vivant d'où naît l'inspir qui donne la vie... G. D. : Avec la pratique, ces deux grands mouvements : expiration-inspiration, deviennent les deux pôles d'un mouvement unique appelé « roue de la métamorphose s, mort... naissance... détente... tension... et l'harmonie entre tension et détente mène à la « tension juste ». Il est important de faire la différence entre détente et avachissement-dissolution. Tension-détente justes sont les deux faces de l'être vivant tandis que crispation-dissolution sont deux états qui s'excluent. L'homme qui n'est pas centré fait sans cesse le pendule entre crispation et avachissement : tendu dans le haut ou laisser-aller, deux attitudes qui mènent à la mort. Le Diable, l'Adversaire de la vie, fait deux choses : il arrête le mouvement en haut ou en bas, dans le durcissement ou l'avachissement, deux attitudes statiques que l'homme épouse dans la mesure où il est enfermé dans son petit moi existentiel qui veut maintenir sa position. La sagesse de la Vie est un mouvement perpétuel qui ne permet pas un seul instant de s'arrêter. Par contre, quand la « tension juste » s'approfondit, le mouvement respiratoire devient presque imperceptible ; alors, la source de la Vie, l'Être, peut nous visiter : grands bouleversements qui nous portent parfois jusqu'à l'extase, ou petits touchers de l'Être, et enracinement en soi jusqu'à l'instase. Autant l'instase peut devenir une expérience fréquente pour celui qui avance sur le chemin, autant le satori, la grande illumination est-elle rare. On parle trop facilement du satori ; un des plus grands maîtres Zen a dit qu'il en avait eu trois dans sa vie. Toujours est-il que l'expiration est un saut dans l'inconnu avec une totale confiance et sans restrictions, qui développe la réceptivité du chercheur à l'extrême, le conduit à l'abandon radical d' absolument tout et le fait entrer alors dans la nuit mystique, les ténèbres de la mort. Sans elle, il n'y a pas de résurrection. Cela suppose souvent des années de pratique. Extraits de "Graf Durckheim" Dialogue sur le chemin initiatique de Père Alphonse Goettmann
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