La
méditation chrétienne
dans la tradition orthodoxe : la Prière du cœur.
par Anne Ducrocq
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La Prière de Jésus, aussi appelée Prière du cœur, fait partie intégrante de la tradition spirituelle hésychaste (du grec « hesychia » : silence, paix de l’union avec Dieu). Son origine remonte aux Pères du désert (ascètes chrétiens des premiers siècles de l’Eglise) des IV et Vè siècles. Certains y voient la “ perle précieuse ”, la colonne vertébrale de la spiritualité orthodoxe. Prière-respiration, on a souvent dit d’elle qu’elle était la contrepartie chrétienne du yoga, replacée dans un contexte biblique. Elle s’est répandue hors des monastères grâce à un ouvrage, La Philocalie (littéralement “ amour de la beauté ”), publié en 1782 par un moine grec, Nicodème l’Hagiorite, et a été découverte par un large public grâce aux Récits d’un pèlerin russe , un petit livre anonyme paru à Kazan, en Russie, au XIXe siècle. La forme extérieure de la prière du cœur est simple à l’extrême et accessible à tous, sous réserve d’être baptisé et d’y être initié par un guide spirituel. Elle peut se pratiquer à toutes sortes de degrés de conscience et d’intensité : la prière de Jésus est parfaitement adaptée à l’homme contemporain qui n’a “ plus le temps de prier ” car, dès que l’on y est initié, on peut la vivre n’importe où et face à n’importe quelle situation. Elle consiste à répéter inlassablement le Saint Nom de Jésus sur le rythme respiratoire naturel. Le nom, ici comme dans toutes les religions, est l’expression de la Présence. Connaître quelqu’un par son nom, c’est le connaître intimement. La prière du coeur ignore les discours et s’articule autour d’une phrase unique, ciselée par les Pères de l’Eglise : “ Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pêcheur ”. Un cri d’amour, un cri de détresse. Il ne s’agit pas de répéter mécaniquement le nom de Jésus mais de s’en nourrir comme d’un aliment. Les chrétiens orientaux considèrent que la manducation du Nom porte un germe de vie. Parce que “ le Nom de Jésus est un parfum qui se répand ” , la Prière de Jésus épouse le rythme respiratoire. En “ collant ” ainsi sa respiration sur le nom de Jésus, l’esprit s’apaise et trouve le repos, il prie avec le corps et s’incarne. Esprit et corps retrouvent alors leur unité originelle. Peu à peu, avec une pratique assidue, la Prière de Jésus devient la Prière du Cœur : le cœur prie et respire la Prière de Jésus. À un moment, d’elle-même, la prière bascule en une “ prière perpétuelle ”. C’est même sa vocation. Alors, tout prie en nous, de jour comme de nuit. L’hésychasme trouve son fondement dans l’exhortation paulinienne : “ Priez sans cesse ” . De ce fait, aucune posture particulière n’est imposée puisque toutes activités, attitudes et situation, même le sommeil, peuvent donner lieu à la méditation. Mais avant de pouvoir la réciter en tous lieux et en toutes circonstances, l'Hésychia est avant tout une oraison silencieuse et solitaire que l’on pratique dans un coin calme et obscur, en retrait du monde : Retire-toi dans ta cellule pour prier invite la Bible. La cellule, c'est le cœur de l'homme. Des postures non obligatoires existent cependant qui peuvent accompagner le méditant et creuser son cœur : la Prière du cœur est aussi une prière du corps… • La
posture traditionnelle : • Se
détendre corps et âme avant d’entrer en hesychia Après l’âme, le corps va pouvoir à son tour entrer en paix : parcourir lentement le corps, de la tête aux pieds, et prendre conscience profondément de chaque partie. Tout notre être respire, nous sommes respirés. Nous sommes aux portes de l’hesychia. L’exercice de détente préparatoire a pris quelques minutes. Puis, dans l’immobilité totale du corps, se concentrer sur le moment présent, celui où la liberté s’exerce. • Ouvrir
son cœur, étape par étape - Seconde étape
: rééduquer sa vue. Ces deux étapes
préliminaires ne sont pas indispensables mais, exercice d’humilité,
elles peuvent devenir de vraies prières. À mesure que l’hesychia s’installe, les moments de silence vont devenir de plus en plus “ palpables ” et la respiration va naturellement ralentir. Y déposer alors doucement la prière, en la récitant du bout des lèvres. La méthode la plus classique est de poser “ Seigneur Jésus Christ ” sur l’inspir, “ Fils de Dieu ” sur le silence à la fin de l’inspir puis “ Aie pitié de moi pécheur ” sur l’expir. Pour plus de facilité, les débutants divisent la prière en quatre : “ Seigneur Jésus Christ “, “ Fils de Dieu ”, “ Aie pitié ”, “ de moi pécheur ” en alternant simplement chaque phrase sur un inspir puis sur un expir. Demeurer d’abord longuement sur chaque mot, puis sur le suivant jusqu’à s’installer dans la prière toute entière. Peu à peu, le va-et-vient du souffle se fait plus lent. On peut changer la formule – notamment la raccourcir en “ Seigneur Jésus Christ, aie pitié de moi ” ou “ Fils de Dieu, aie pitié de moi ”- mais pas trop souvent car “ les plantes trop transplantées ne prennent plus ”. Les plus avancés encore se contentent du nom de Jésus. Jusqu’au jour où ils n’ont plus besoin de parole : l’invocation s’identifie aux battements du cœur, la prière devient ininterrompue. À l’acte de prière succède un état de prière. La dernière étape, l’embrasement du cœur, appartient à Dieu. Quand l’âme est prête, quand notre esprit est tourné vers Lui, le cœur s’ouvre et le Seigneur entre. À faire : À ne pas faire : ne pas méditer les yeux fermés. Le combat contre la somnolence et les distractions mentales est plus vite gagné. De plus, dans une spiritualité de l’incarnation, on ne vit pas les yeux fermés ! Extrait de l'ouvrage La Méditation
Témoignage : |
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