Pour l'homme spirituel - l'ascète - qui chemine sur la route
de l'indigence, la véritable sérénité est
de garder sa vie du vide.
Le repos
du corps lie à une dimension temporelle est semblable à
l'arrêt de l'heure temporelle et à l'engourdissement qui
ressemble au sommeil. Apaisement mensonger, car le temps ne peut pas
s'arrêter; il se prolonge et passe furtif, au delà du conscient
de l'homme, et, se suivant, les heures, les jours, les mois, et les
années sombrent dans le gouffre de la mort ou de la non-existence.
Et subitement,
la conscience de l'homme s'éveille pour trouver que le temps
s'est allie contre lui avec la mort et le gouffre; et que l'occasion
de l'immortel et de la vie éternelle est, pour lui, devenue plus
faible qu'elle ne l'était!
Le temps
lui-même se déroule dans un immuable équilibre et
selon une loi inflexible; il forme à l'intérieur de l'homme
des tas harmonieux d'incidents physiologiques et psychologiques qui
ne sont que l'expression d'un passé inflationniste et qui ne
cesse, chaque jour, de charrier de nouveaux incidents influençant
ainsi son comportement, son tempérament, son activité
et tous ses mouvements.
La réalité
dont on ne peut pas se défaire est que l'homme est une histoire
compilée, produite par les jours et qui, en fin de compte, achève
de lui donner son aspect humain, non seulement du point de vue de la
stature du corps, mais encore de la grandeur de l'âge où
s'inscrivent la richesse et la profondeur de la personnalité
humaine compte tenu des incidents de parcours et du comportement de
l'homme à leur égard.
Mais
il se trouve dans l'homme une autre dimension, supra-temporelle et qui
en est séparée, elle ne dépend pas des changements
physiologiques, n'est pas soumise à l'influence psychologique,
elle est presque séparée de la poussière de la
terre, de tout ce qui en procède ou y revient.
Cette
dimension intemporelle ne s'accorde pas au mouvement du temps car elle
n'est pas de ce monde.
Ce pourquoi
elle n'a pas d'unité de mesure.
Elle
est seulement soumise à la disposition directe de Dieu. C'est
la loi de l'immortalité ou de la vie éternelle.
Quand
l'homme se conduit selon la dimension temporelle, sa conscience se meut
dans la dimension de l'heure et du jour.
Il adhère
à la terre, au ciel et à tout ce qu'ils renferment.
Il
est soumis à la loi du mouvement et du changement qui nécessairement
conduisent à l'anéantissement.
Mais
lorsqu'il suit la loi de l'immortalité, il ressent quelque chose
de l'infini, de l'existence absolue et de la vie éternelle.
Il adhère
à la vérité et se transforme en elle. C'est ce
qu'exprime la théologie par l' "Union à la Nature
Divine".
Ces
deux dimensions: temporelle, intemporelle vont de pair dans l'homme,
appelé à vivre selon ces deux dimensions à la fois,
soumettant le temps et poursuivant l'immortalité!
Et au
tant l'homme se presse de suivre l'une de ces orientations, au tant
l'autre s'amenuise et semble rapidement reculer.
L'attachement
à la terre et aux objets terrestres quand il atteint le degré
de la passion dans le plaisir ou le souci et l'inquiétude hâte
la conduite de la vie dans sa dimension temporelle et la soumet, en
conséquence, fatalement, à la loi du dépérissement
vers le néant qui est celle du temps.
S'attacher
à la vérité - et la vérité c'est
Dieu - et s'occuper de l'amour et de la vie éternelle jusqu'au
don de soi et livrer son âme, c'est la marche accélérée
dans la dimension intemporelle et c'est, en conséquence, pratiquer
la loi de l'éternité que Dieu gouverne.
Celui
qui s'enferme dans la dimension temporelle et use ses forces à
y patauger, s'affronte à un vide intérieur; car la vie
éternelle s'échappe de ce qu'il y a en lui de plus profond,
ou bien s'endurcit comme si elle était un ennemi ayant fait en
lui sa demeure!
Celui
qui, au contraire, se meut dans la dimension divine, sent le temps s'évader
de sa personne et passer derrière lui; ainsi d'un homme voyageant
en chemin de fer, qui voit les poteaux et les arbres fuir comme dans
l'horreur pour devenir minuscules, jusqu'à disparaître
de l'existence du voyageur qui reste stable à sa place, prenant
bien son parti de la hâte et de l'anéantissement du décor.
Ainsi
le monde entier et tous les objets qui s'y trouvent se replient en quelque
sorte, se minimisent et disparaissent derrière celui qui avance
sur la route de la vie éternelle.
L'homme
qui est loin de Dieu s'affronte soit à un certain sentiment d'arrêt
du temps, soit à une certaine insensibilité vis à
vis du temps parce qu'il y est plonge!
L'arrêt
du temps est un vide meurtrier pour l'esprit destine à passer
à travers le temps et aller au-delà.
De même
l'homme qui se lie au monde, en lui germe un sentiment enfle du monde,
de l'importance et de la grandeur des objets qui y sont disposes.
Car
l'homme, en soi, est magnifique dans l'être de sa création
et de sa formation; et tout ce qui entre dans le domaine de son attention
devient dans sa pensée consciente magnifique, comme dans l'illusion
d'une vision trompeuse.
C'est
le secret de la divinisation de l'univers et de la matière chez
certains physiciens et chez les communistes.
Au contraire,
l'homme uni à la vérité, dans sa marche vers l'éternel,
reçoit une ample impression du temps qui se détache de
lui comme si les jours et les années devenaient petits à
ses yeux, perdant de leur valeur à mesure que leur vitesse s'accroît.
Se crée
ainsi en lui un sentiment de plénitude car leur fuite rapide
rend plus intense en lui le sentiment de prolongement et de son rapprochement
du but suréminent.
Pareillement
pour l'homme qui vit en Dieu, le monde se dissocie de son intégrité,
et les choses et les événements qui s'y produisent paraissent
être dans la réalité futiles comme des jouets d'enfants
et comme leurs querelles.
Il existe
une vraie sérénité et une sérénité
trompeuse.
Dans
le contexte "dimension temporelle" une halte est un
arrêt momentané ou prolonge du labeur de l'homme pendant
lequel il reste tranquille et seul.
Ce qui
n'engendre pas un vrai repos mais refoule plutôt l'homme dans
l'effrayant vide temporel. Car même dans l'arrêt momentané
ou dans l'arrêt prolonge du labeur de l'homme, il est impossible
de se libérer du mouvement temporel; l'homme y paraîtrait
comme marchant sur place!
Ainsi
augmente son emportement contre le temps qui devient comme une force
qui l'oppresse et le foule de tous les côtés.
L'homme
ne peut se libérer du temps que s'il entre en son être
profond et s'attache à la vérité et à la
vie éternelle, c'est-à-dire s'attache à la dimension
intemporelle et croit à l'immortalité.
Il est
impossible de trouver le vrai repos par cessation de l'effort corporel
car la nature étant esclave du temps, est prête à
se venger de toute créature vivante qui a l'audace de s'arrêter
de la servir; à moins que la cessation ne soit qu'une détente
pour rassembler ses forces et reprendre le service et le labeur d'une
façon plus efficace et plus active!
Le temps
est toujours contre l'inaction! Or la nature proscrit le repos, en soi.
Le vrai
repos implique donc, dans son fond, non la cessation du travail mais
une solution apportée au problème du temps comme une issue
à sa perplexité et de s'élever au-dessus du statut
de la nature et sa nécessité.
Ainsi
par rapport à l'homme, repos et inaction deviennent parfaitement
clairs dans une conduite conforme à la dimension intemporelle
(de l'homme).
C'est-à-dire
par l'accès à la vie éternelle et par l'attachement
à Dieu, là où le repos n'est pas cessation de l'effort
à tout prix, mais détachement (que l'on garde) envers
lui.
Là
où la passivité ne vient pas de l'effacement du moment
de l'heure temporelle dans la conscience mais d'un dépassement
du temps.
Tout
homme, y compris l'ascète, est sujet à rechercher la sérénité.
Cette
tendance si forte à la sérénité vient de
la douleur du joug du monde (temps) et de la faiblesse de la chair (mouvement).
C'est
pourquoi l'homme est amené comme par force à chercher
la sérénité, au plus court chemin; c'est-à-dire
en fuyant le temps et en fuyant le mouvement.
Le Messie
- béni soit son nom - découvrait ce sentiment dans l'homme.
Il l'a
donc invité à la véritable sérénité
en acceptant son joug propre, affirmant que son joug est doux et son
fardeau léger.
Ce qui
ne s'établit pas sur la cessation de l'effort physique ou dans
le refuge d'un silence apparent, mais sur le passage à la vie
éternelle, passage au-delà du temps.
Or,
le cheminement vers la vie éternelle n'abolit pas le temps et
n'écarte pas non plus le mouvement.
Mais
il s'en sert comme un homme, pour monter, utilise les marches d'un escalier,
il reste donc, en tout les cas, devant nous, de l'effort (à produire)
et du mouvement (à déployer)!
Or,
dans la promesse du Seigneur relative à la sérénité:
"Vous trouverez une sérénité pour vos âmes"
un fond secret et mystérieux se trouve dans le sens du mot "joug".
Le joug,
l'attelage, indique la compagnie du Seigneur, pour nous au cours du
cheminement, car le joug n'est pas porté par un seul, il s'attache
sur deux cous.
Le savent
ceux qui labourent avec la charrue; si un buf vigoureux et un
buf faible s'accompagnent, tout le travail de la charrue sera
assumé par le plus fort!
O mystère
béni!
Dans
la compagnie du Seigneur une sérénité certaine
pour nous.
Mais
c'est une invitation de sa part, non une audace de la nôtre.
Même
le petit effort qui nous reste à accomplir, il s'en charge pour
nous.
Voyez-vous,
comme le Seigneur est bon!