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L'ACTION SPIRITUELLE
par

LE PERE MATTA EL MASKINE

père spirituel du Monastère de Saint Macaire

 



L'ÉVEIL DE L'ESPRIT ET LE COMMENCEMENT DE
L'ACTION SPIRITUELLE


L'esprit est tellement attaché aux occupations sensibles, aux tâches et aux intérêts relatifs aux événements temporels du quotidien qu'il finit par perdre sa capacité de se distinguer du corps et par ne se concevoir que soudé aux sensibilités corporelles.

Quelles que soient les tentatives de se faire une image de l'esprit séparé du corps, on n'atteint qu'un niveau de l'imaginaire à travers les formes et les mouvements de l'intelligence qui sont loin d'être dégagés des impressions du corps et de l'élément sensible.

Ainsi s'illusionne l'esprit, ainsi se trouve-t-il poussé à admettre que le monde de l'homme se réduit à ce qui peut être concevable.

Ainsi éprouve-t-il de grandes difficultés à concevoir des objets éternels sans y mêler le temporel et le corporel comme si le royaume des cieux qui ne se touche ni ne se goûte sensiblement s'obtenait par le manger et le boire.

S'il arrive à l'esprit de mettre en question la prière, il sera parfaitement incapable de discerner réellement les pensées spirituelles.

En conséquence, il lui serait difficile de mener l'action spirituelle dans un contexte spirituel!

Un tel esprit, avant de s'exercer dans la prière ou de tenter d'accéder au milieu purement spirituel, a d'abord besoin d'apprendre à s'apaiser, à cesser de porter son intérêt aux attraits sensibles.

Que de tout son effort, il tâche à se débarrasser de la servitude du corps et de sens.

Ce qui n'exige aucunement d'écarter charges et obligations physiques ou de négliger les besoins de tous les jours.

Que l'esprit seulement se libère autant que possible par ses pensées, sentiments et attraits spirituels des tendances corporelles, des pensées, de la sensibilité et des attraits temporels.

L'esprit commence alors à connaître ses capacités, ses dons et le but pour lequel ils lui ont été procurés et à exercer ses propres capacités qui n'interviennent pas dans les affaires du corps.

Ainsi l'esprit commence-t-il sa préparation à l'action spirituelle.

L'esprit cependant ne peut se livrer à l'action spirituelle sans acquérir le regard spirituel, l'oreille spirituelle et la langue spirituelle, en s'illuminant par la lumière de la connaissance née de la vérité, comme il a été dit par le Seigneur.

Ces acquisitions ne sont pas le fruit d'une recherche ou de nombreuses lectures, moins encore d'un apprentissage, de l'argumentation ou du débat comme c'est le cas pour l'usage de la raison, ou pour le développement des aptitudes corporelles et techniques qui dépendent des sens.

Au contraire, pour devenir spirituel, apte à percevoir l'éternité et à s'initier à l'action spirituelle, il importe que l'esprit se dépouille de tous les moyens sensibles innés du corps, au point qu'il cesse d'avoir recours à l'habileté de la pensée, à la finesse de l'imagination; cesse de s'appuyer sur la puissance de l'expression, sur l'éloquence et la rhétorique, sur la conversation et l'influence qui sont toutes rassemblées par l'Évangile dans l'expression: "La sagesse du monde".

Or il est indispensable à l'esprit qui entreprend l'action spirituelle, de saisir les objets spirituels et de les admettre par un pouvoir devenu personnel.

Car les capacités de l'esprit sont spirituelles!

Quant à la pénétration spirituelle et l'action spirituelle représentées par la croix, le monde les ignore.

C'est là, très clairement, ce que dit le livre: "Si quelqu'un parmi vous pense qu'il est sage; qu'il devienne ignorant pour devenir sage!".

C'est-à-dire qu'il lui faut nécessairement renoncer à la sagesse du monde qui n'est par elle-même que temporelle, sensuelle et corporelle.

Enfin, jusqu'au moment où l'esprit commence à se livrer à l'action spirituelle et à la goûter, l'esprit continue dans sa prière et le dialogue avec Dieu, à user du langage courant des mortels et des manières qu'ils emploient dans la conversation humaine pour exprimer ses sentiments, embellir ses dires et se créer des excuses.

Mais quand l'esprit devient capable de renoncer à ces façons, il devient capable de communiquer avec Dieu par ses propres forces, sans langue, sans le langage parlé des hommes et sans les façons et les artifices du sentiment et de l'expression.

Petit à petit l'esprit parvient à exprimer à Dieu ses profondes impressions et le fourmillement de sentiments qu'il ressent pour lui ou que suscitent les objets de l'éternité et que le langage humain, quel que soit le niveau de l'exactitude, de richesse et de sagesse auquel il parvient, ne peut rien en saisir, ni élucider, ni exprimer.

Grâce à ces moyens nouveaux, l'esprit peut présenter son amour au Christ, non par des paroles mais par la ferveur, par le mouvement intérieur de l'esprit et un retentissement spirituel qui déborde du subconscient.

C'est l'amour qui s'explique par l'amour, la soumission par la soumission et la résignation par la résignation.

Telle est l'action spirituelle affranchie de toute intervention du corps.

Quand l'esprit s'éveille et commence à observer son action spirituelle intérieure, alors il peut comprendre les objets spirituels, leurs directions et leurs natures; il peut même vivre cette connaissance de la vie éternelle et de l'immortalité sans ombres corporelles, sans interposition des sens ou intervention de méthodes humaines: " Ce qu'aucun oeil n'a jamais vu, ce qu'aucune oreille n'a jamais entendu et ce à quoi personne n'a jamais songé. Paroles qu'on ne peut proférer et dont il ne sied pas d'en parler - Dieu nous les a révélées par son esprit".

Par cette connaissance spirituelle, dépouillée des difformités d'une pensée alourdie par le corps et dépouillée de rembarras des intérêts sensibles, l'esprit commence à saisir la vérité comme s'il y demeurait et à travers laquelle il touche Dieu.

Mais que l'esprit demeure dans la vérité et en Dieu, n'est pas le fruit d'un effort corporel, ni même si cela était possible, de la mort des sens; c'est le fruit de la permanente soumission à Dieu et du continuel éveil du coeur tourné vers l'action spirituelle qui le conduit à achever la connaissance (des choses divines).

Ces paroles ne sont pas réservées aux lettrés, mais elles sont pour l'homme en tant qu'homme. Pour tout homme, quelle que soit son éducation, ou excellente lui ayant procuré toute science, ou défaillante, celle de l'illettré qui ne sait ni lire ni écrire. Il convient particulièrement à l'intellectuel de redevenir ignorant car "Dieu a préféré sauver ses fidèles par des prédicateurs ignorants".

L'esprit qui parvient à la connaissance de soi ou qui a exercé l'action intérieure menée par la sincère expression du coeur, est certainement conduit par l'amour et la ferveur intérieure à continuer toute activité extérieure telles que sont les actions de la piété et celles de toutes les vertus, avec l'appui de l'âme.

Cette activité extérieure qui se manifeste comme une action du corps, est en ce cas, une extension de l'action spirituelle intérieure; et par conséquent, elle est aussi une action spirituelle.

Quant à l'activité extérieure, si elle ne procède pas de mobiles purement spirituels et d'une conformité avec la vérité et avec Dieu, elle est peu utile et nous ne dirions pas insignifiante...

Le signe à quoi reconnaître que les oeuvres réalisées - services ou adoration, piété ou vertu, ascèse ou toute autre action, quoi que ce soit - émanent réellement de l'intérieur et que la source est purement spirituelle, c'est qu'elles soient toutes réalisées, non par obligation, par l'effet d'une pression ou d'une contrainte, ou par lassitude, mais au contraire avec joie et allégresse, avec ardeur, zèle et libéralité.

Car l'amour serait alors la bienheureuse origine de laquelle dériveraient tous les mobiles! "L'homme bon, du bon trésor, du coeur, tire la bonté".

L'amour est le trésor de l'homme bon, il inspire à l'esprit le service, l'adoration, la vertu, l'ascèse et tout ce qui est bon!

Là où l'angoisse et l'inquiétude des conséquences n'existent pas.

Car l'oeuvre s'opère selon la volonté de Dieu, par un motif d'amour acquittant la dette de l'amour.

"Quant à celui qui accomplit une oeuvre, la grâce ne lui est pas imputée sous forme rémunératoire, mais plutôt sous forme de dette".

C'est un danger d'avoir pour motif de nos oeuvres de nos services rendus, de nos adorations, de notre pratique des vertus, un désir d'atteindre une étape ou de mener des essais qui permettraient d'acquérir un objet visé.

Car ainsi l'esprit se trouve condamné à se cantonner dans ses oeuvres, dans un souci exclusif de soi.

L'esprit les préfère et s'en réjouit dans la mesure où elles lui paraissent profitables.

Il est rendu de plus en plus fier par sa réussite dans cette voie. Il s'accommode si bien de la rigueur exigée par ces avantages qu'il s'endurcit dans l'espérance des biens qu'ils promettent. Il tire vanité de ces règles à force de les observer avec soin.

A la fin, s'hypertrophie le souci du moi, il s'épaissit et se gonfle; même en pratiquant la piété. Cependant, nous avons ici un apophtegme que l'on peut nommer: parole de secours!

"L'action doit provenir de Dieu et orienter vers Dieu" ou comme dit la Bible: "Me voici arrivé, mon Dieu, pour accomplir ta volonté".

C'est de cette façon que le Christ a vécu, et c'est ainsi que vivent les anges et tous les saints du ciel; c'est de la même façon qu'ont agi les Pères, les Prophètes et les Envoyés de Dieu, loin, très loin de la satisfaction de soi ou de la recherche de l'intérêt personnel...

Telle est la nature de l'action spirituelle.

 


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