Le
Seigneur lui apparut au Chêne de Mambré [...].
Ayant
levé les yeux, voilà qu'il vit trois hommes qui se tenaient
debout près de lui ; dès qu'il les vit, il courut de
l'entrée de la tente à leur rencontre et se prosterna
à terre.
Il
dit : " Monseigneur, je t'en prie, si j'ai trouvé grâce
à tes yeux, veuille ne pas passer près de ton serviteur
sans t'arrêter.
Qu'on
apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds et vous vous étendrez
sous l'arbre. [...] "
Abraham
[...] prit du caillé, du lait, le veau qu'il avait apprêté
et plaça le tout devant eux [...].
Ils
lui demandèrent : " Où est Sara, ta femme ? "
Il
répondit : " Elle est dans la tente. "
L'hôte
dit : " Je reviendrai vers toi l'an prochain ; alors, ta femme
Sara aura un fils. "
Sara
écoutait, à l'entrée de la tente qui se trouvait
derrière lui.
Or
Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge
[...] (Gn. 18, 1-5, 8-11).
Ce texte
est lu le Jeudi saint, au cours de la liturgie très solennelle
du lakane (lavement des pieds), et avant la célébration
eucharistique (1).
La scène
est baignée de la lumière crue de l'Orient ; les teintes
brunes dominent l'ensemble du décor, englobant Abraham et Sara
: elles évoquent la sécheresse du désert ainsi
que la stérilité qui est le lot de ce couple, malgré
la promesse de Dieu à Abraham.
Sara,
à l'entrée de la tente, porte sur la scène un regard
contemplatif : fille d'Eve blessée par les conséquences
du péché, elle attend la réalisation de la promesse
et, par son attitude d'intériorisation, préfigure la Nouvelle
Eve.
A l'arrière-plan,
les arbres verts - nous sommes au Chêne de Mambré - sont
déjà signes de vie.
En effet,
c'est à une Annonciation que nous assistons : à ce couple
stérile vivant au coeur du désert, les trois anges, première
évocation biblique de la Sainte Trinité (2),
viennent annoncer le fils de la promesse.
Les
ailes des anges se fondent discrètement dans le décor
brun, mais leurs vêtements introduisent la couleur et la joie.
L'ange
qui se tient à l'arrière-plan, vêtu de pourpre et
de rouge, évoque la présence royale, discrète et
aimante du Père ; les deux autres anges, assis sur la table rectangulaire
qui représente le monde, portent également l'étole
rouge, symbole sacerdotal, mais aussi le manteau bleu, qui indique leur
rôle particulier dans la révélation de la vérité
céleste à l'humanité ; l'ange de droite, présence
de l'Esprit Saint, se tourne vers celui de gauche, l'ange du dialogue,
dont Abraham lave les pieds et avec lequel il parle, le Verbe de Dieu,
dont l'étole descendant vers la terre annonce l'Incarnation et
le sacrifice rédempteur.
Il est
le seul des trois à ne pas porter de sceptre, car dans son Incarnation
il se dépouille de tout insigne royal et devient lui-même
la houlette qui guidera les nations.
Le jeu
de lumière entre les trois visages indique qu'ils s'éclairent
l'un l'autre et que leur communion est le centre lumineux de leur relation.
Abraham
lave les pieds de son hôte ; ce geste d'hospitalité, d'humilité
et d'amour recevra le Jeudi saint une valeur quasi sacramentelle car
il représente le service, l'amour en actes, par lequel l'homme
peut " toucher Dieu ".
Le geste
d'Abraham préfigure également le baptême du Christ,
tandis que le pain, la coupe et le morceau de viande évoquent
à la fois l'hospitalité d'Abraham, le repas pascal et
l'Eucharistie, annonce du Festin eschatologique où l'homme, uni
au Christ, partagera la vie trinitaire.
"
Par miséricorde, Abraham a eu la joie de recevoir Dieu, par
ses saints anges, chez lui. "
Livre
VI, p. 183.
1.
Livre XI bis, p. 324.
2. Il s'agit de la même scène, traitée différemment,
que dans la célèbre icône de la Trinité de
Roublev.

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Roublev
|
texte
sur l'icône de la sainte trinité de Roublev